• Aucun résultat trouvé

La directive du Conseil d'examen du prix des médicaments

2. Quelques manifestations des propriétés dynamique et cyclique

2.4 La directive du Conseil d'examen du prix des médicaments

Au Canada, l’État exerce un certain contrôle sur le prix des médicaments brevetés en s’assurant que ceux-ci ne soient pas vendus à un prix excessif. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (ci- après appelé «CEPMB») applique, d’une part, les dispositions de la Loi sur

les brevets relative aux prix des médicaments brevetés. D’autre part, le

CEPMB élabore certaines normes notamment en ce qui concerne les facteurs de détermination des prix excessifs.

Bien que la loi demeure la pierre angulaire de la normalisation des facteurs de détermination des prix excessifs, elle se superpose à d’autres procédés d’action étatique afin de compléter son message. Traditionnellement, c’est le règlement qui assurait cette superposition231.

Nous verrons toutefois que celui-ci est écarté au profit de la directive.

La Loi sur les brevets dispose que le CEPMB doit tenir compte de cinq facteurs – dans la mesure où des renseignements sur ces facteurs sont disponibles – pour décider si le prix d’un médicament est excessif232. On

constate qu’aucune discrétion n’est laissée au CEPMB lequel doit tenir compte de ces cinq facteurs.

Dans un deuxième temps, si après avoir tenu compte de ces facteurs, il est incapable de décider si le prix d’un médicament vendu sur un marché canadien est excessif, la loi prévoit que le CEPMB peut tenir compte de deux autres facteurs, soit les coûts de réalisation et de mise en marché de même que tous les autres facteurs précisés par règlement ou qu’il estime pertinent233.

Le texte législatif fait ici deux annonces. D’une part, il indique le caractère non limitatif des facteurs qui implique une certaine discrétion accordée au

231. Traditionnellement, la répartition des normes était exclusivement centrée sur le couple loi-règlement; voir section 1.1.

232. Ces facteurs sont le prix de vente du médicament sur un tel marché, le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché, le prix de vente du médicament et d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l’étranger, les variations de l’indice des prix à la consommation, et tous les autres facteurs précisés par règlement; Loi sur les brevets, supra note 15, art. 85(1).

CEPMB. D’autre part, il signale la possibilité de préciser d’autres facteurs par voie réglementaire. Toutefois, c’est plutôt par le biais de directives que l’on complète le message législatif et que l’on énonce quatre autres facteurs pour déterminer le prix de vente excessif234.

En fait, le système législatif avait préparé l’accueil du système administratif en confiant au CEPMB un pouvoir de formuler des directives235

– sous réserve de tenir des consultations236 – et en excluant celles-ci des

garanties de contrôle interne prévues à la Loi sur les textes réglementaires237.

De ce rapport entre le système législatif et le système administratif émerge une directive qui présente un caractère hybride. En effet, bien qu’elle ne comporte pas les garanties du règlement en terme de contrôle interne, de publicité et de consultation du public apportées notamment par la Loi sur les

textes réglementaires238, le système législatif juridicise la directive en

l’annonçant dans une loi et en conditionnant son adoption à des exigences de consultation. Cette dernière caractéristique contribue d’ailleurs à rapprocher la directive de «l’espace public»239 tout en lui consacrant un caractère propre

par rapport au règlement. En effet, on ne peut l’assimiler au règlement

234. Ces facteurs sont les suivants : les prix de la plupart des nouveaux médicaments brevetés ne peuvent être supérieurs au prix le plus élevé des autres médicaments utilisés pour soigner la même condition, les prix des médicaments brevetés constituant une découverte ou apportant une amélioration substantielle par rapport aux médicaments existants ne peuvent être supérieurs à la médiane des prix pratiqués dans les autres pays industrialisés, la majoration des prix des médicaments brevetés ne doit pas être supérieure à l’indice des prix à la consommation, les prix des médicaments brevetés pratiqués au Canada ne doivent jamais être supérieurs à tous les autres prix pratiqués dans le monde; les lignes directrices sur les prix excessifs sont affichées sur le site du CEPMB en ligne : <www.pmprb-cepmb.gc.ca>.

235. Loi sur les brevets, supra note 15, art. 96(4).

236. Ibid., art. 96(5).

237. Ibid., art. 96(6).

238. Loi sur les textes réglementaires, supra note 24.

239. Selon Pierre Issalys, rien n'interdit de penser que la pratique de la directive en vienne un jour à comporter des éléments de participation, de communication, de débat, de contrôle et d’évaluation. Si tel était le cas, le critère de qualité de l’espace public pourrait contribuer à justifier, dans certains domaines, le choix de cette forme d’action étatique; P. Issalys, Répartir les normes, le choix entre les formes d’action étatique,supra note 8 à la p. 27.

puisque, tel que la Loi sur les brevets le reconnaît elle-même, «ni le breveté,

ni le CEPMB ne sont liés par la directive»240.

Au Canada, le contrôle du prix des médicaments s’articule donc dans un ensemble dynamique à l’intérieur duquel interviennent des rapports entre le système législatif et le système administratif. C’est ce que nous révèle la régulation des facteurs de détermination des prix. Il émerge de ces rapports une directive qui présente certaines caractéristiques du règlement sans pour autant s’y confondre. Ces rapports témoignent également du caractère cyclique de l’ensemble puisque le règlement – qui assurait traditionnellement la superposition avec la loi – est ici écarté au profit de la directive.