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4.6 Détection

4.6.1 IceCube

IceCube [26] est un détecteur situé en Antarctique qui exploite la calotte glacière de 3 km d’épaisseur comme cible pour les interactions neutrino-nucléon. En effet, le principe de détection est basé sur l’observation de la lumière Tcherenkov émise par les particules chargées engendrées par les interactions des neutrinos dans la glace. Sa configuration fi-nale consiste en un volume de glace de 1 km3 instrumenté avec un réseau constitué d’un total de 86 lignes comportant chacune 60 modules optiques enchâssés dans la glace à une profondeur comprise entre 1450 et 2450 m. L’espacement horizontal entre les lignes est de 125 m et l’espacement vertical entre chacun des modules optiques est de 17 m. Un tel espa-cement permet d’atteindre une sensibilité optimale pour des muons produits par des neu-trinos avec des énergies au-delà d’une centaine de GeV. Au centre du réseau, à l’instar du “infill” de l’observatoire Pierre Auger, une région avec un espacement entre les lignes plus faible, DeepCore, permet de diminuer le seuil de détection des muons à une dizaine de GeV [27]. Il possède également 81 stations IceTop à la surface constituant un véritable détecteur de gerbes atmosphériques utilisé d’une part pour l’étude des rayons cosmiques et d’autre part pour rejeter le bruit de fond pour la physique des neutrinos. On trouvera une représentation schématique d’IceCube en figure4.4(haut).

IceCube reconstruit ses évènements à partir de l’amplitude et l’empreinte spatiale et tem-porelle de la lumière détectée par les modules optiques. En effet, les neutrinos muoniques interagissant par courant chargé produisent une longue trace dans le détecteur, tandis que les neutrinos électroniques, muoniques et tau interagissant par courant neutre produisent des signatures de cascades quasiment sphériques. Dans le cas des évènements muoniques, il possède une très bonne résolution de pointage, de l’ordre de 1et bien meilleure aux plus

4.6 Détection

FIGURE4.4 – (Haut) Représentation schématique du détecteur IceCube. (Bas) Limite

su-périeure à 90% de niveau de confiance (marqueurs) et sensibilité (lignes) du détecteur IceCube sur les sources ponctuelles avec une indice d’injection en E−2 en fonction de la délcinaison. Les lignes verticales représentent les positions d’émetteurs galactiques de gammas au TeV. L’étoile marque la position du centre galactique.

hautes énergies.

IceCube a d’ores et déjà rapporté une moisson de résultats relatifs tant à la physique des neutrinos à UHE qu’aux RCUHE. Parmi les plus remarquables, on pourra noter l’étude des flux diffus de neutrinos atmosphériques et astrophysiques, la recherche de sources astro-physiques ponctuelles et de neutrinos émis par des sursauts gamma mais également l’étude de l’oscillation des neutrinos.

IceCube n’a pour le moment pas détecté au-dessus des fonds de neutrinos atmosphé-riques de flux diffus ni d’excès ponctuel qui serait d’origine astrophysique et place donc une limite sur ces flux. La limite supérieure à 90% de niveau de confiance sur les flux diffus de neutrinos intégré sur l’intervalle en énergie 35 TeV-6.9 PeV obtenue est de dφ/dE8.9× 10−9G eV−1sr−1s−1cm−2. Cette limite est basée sur la recherche de traces produites par les muons issus de l’interaction de neutrinos muoniques montants. Les limites basées sur la re-cherche de cascades produites par l’interaction de neutrinos montants dans le détecteur sont moins contraignantes. Il s’agit actuellement de la limite la plus contraignante sur les flux as-trophysiques diffus de neutrino, se situant à environ un facteur 2 en dessous de la limite théorique de Waxman-Bahcall [28]. Cependant, la collaboration IceCube a annoncé récem-ment avoir officiellerécem-ment détécté deux neutrinos au PeV [30]. Ce résultat est extrêmement important pour la physique des neutrinos de très haute et d’ultra-haute énergie mais égale-ment pour les astroparticules en général car il s’agit de la première détection de neutrinos au PeV. La recherche a porté sur un échantillon de données couvrant 615.9 jours et les fonds at-tendus issus des muons et neutrinos atmosphériques sur cette période sont respectivement de 0.038±0.004(stat)+0.021

−0.038(syst)et 0.012±0.001(stat)+0.021

−0.038(syst). En prenant également en

compte les neutrinos atmosphériques prompt issus de la désintégration des mésons chargés, le nombre total d’évènements de fond atteint 0.082±0.004(stat)+0.041

−0.057(syst). Les deux

évè-nements identifiés après avoir appliqué les différents critères de sélections sont représentés en figure 4.5 (gauche). L’hypothèse que ces deux évènements soient issus du fond atmo-sphérique a une pvalue de 2.9×10−3(2.8σ). Ces deux évènements ont probablement été engendrés soit par l’interaction par courant chargé d’un neutrino électronique soit par l’in-teraction par courant neutre d’un neutrino d’une des trois saveurs. Sur la figure4.5(droite) est représentée la distribution des évènements avec les différents modèles de signal et de bruit de fonds obtenue à partir de simulations Monte-Carlo. Ces évènements sont compa-tibles avec la limite supérieure présentée par IceCube [28] sur un flux en E−2(représentée sur la figure4.5et correspond à l’histogramme avec les flèches vers le bas). Un flux corres-pondant à cette limite supérieure prédit environ 10 évènements au PeV. La reconstruction de l’énergie déposée par les cascades produites par ces deux évènements est de 1.04 PeV et 1.14 PeV avec une erreur statistique et systématique de ±15% dans les deux cas. Cette énergie reconstruite correspond à l’énergie du neutrino seulement si la gerbe observée ré-sulte d’une interaction par courant chargé d’un (anti-)neutrino électronique car dans ce cas, l’énergie totale du neutrino est déposée près du vertex d’interaction. D’autre part, les gerbes engendrées par interactions par courant neutre de n’importe quelle saveur ou l’interaction d’un anti-neutrino électronique par diffusion résonante de Glashow à 6.3 PeV produisent un lepton ne transportant qu’une fraction de l’énergie du neutrino incident. Etant données les énergies des gerbes observées, il est peu probable qu’elles aient été produites par

ré-4.6 Détection

FIGURE4.5 – (Gauche) Les deux évènements observés en août 2011 (Bert) et janvier 2012

(Ernie). Chacune des sphères représente un module optique. Les couleurs représentent les temps d’arrivés des photons où le rouge indique les temps tôt et le bleu les temps tard. (Droite) Distributions des évènements pour 615.9 jours d’acquisition après appli-cation des critères de sélections en fonction du logarithme du nombre de photo-électrons (NPE). Les points noirs représentent les données expérimentales. Les barres d’erreurs sur les points de données correspondent à l’intervalle de confiance à 68% suivant l’approche de Feldman-Cousins. La ligne pleine bleue représente la somme des fonds de muons atmo-sphérique (bleu tireté), de neutrinos atmoatmo-sphériques conventionnels (vert clair pointillé) et de neutrinos atmosphériques prompts (vert tireté-pointillé). Les barres d’erreurs et la ré-gion ombrée bleue sont respectivement les erreurs statistiques et systématiques. La ligne rouge représente la prédiction d’un modèle de neutrinos cosmogéniques [29] avec ses in-certitudes représentée par la région ombrée. La ligne magenta représente un flux en E−2

jusqu’à une énergie de 109 GeV avec une normalisation sur toutes les saveurs telle que E2φνe+νµ+ντ = 3.6×10−8GeV sr−1s−1 cm−2 correspondant à la limite intégrale précédem-ment obtenues dans la même gamme d’énergie. Les modèles de flux pour le signal sont sommés sur les trois saveurs de neutrino en supposant un rapport de saveurs de 1 : 1 : 1. sonnance de Glashow car seulement 10% de ces interactions peuvent déposer 1.2 PeV ou moins dans le détecteur. Etant donnée la faible signifiance de ces évènements de 2.8σ par rapport au fond atmosphérique il n’est cependant pas possible pour le moment d’établir une interprétation solide à ces derniers.

La recherche de sources astrophysiques ponctuelles de neutrinos(indépendante de la re-cherche de neutrinos astrophysiques diffus) n’a actuellement pas permis d’identifier de sources [31]. Ici aussi, en l’absence de candidat (les directions d’arrivée des deux candi-dats au PeV n’étant pas encore publiques à l’heure où sont écrite ces lignes), une limite sur les flux en fonction de la déclinaison a pu être fixée et est représentée en figure4.4 (bas). La collaboration IceCube annonce que la recherche de sources ponctuelles devrait devenir sensible aux flux généralement attendus dans les 3 à 4 années à venir.

IceCube a également réalisé une recherche de neutrinos en coïncidence spatiale et tem-porelle avec les sursauts gamma [32]. Durant la période considérée, 215 GRB ayant eu lieu dans le ciel de l’hémisphère nord ont été sélectionnés. En l’absence d’évènement neutrino en

FIGURE4.6 – (Gauche) Photographie du détecteur ANITA. (Droite) Limite sur les flux dif-fus de neutrinos cosmogéniques obtenue par la collaboration ANITA comparée à d’autres résultats expérimentaux.

coïncidence et avec un nombre d’évènements attendu de 8.4 une limite très contraignante sur les flux a pu être posée. En effet la limite supérieure à 90% de niveau de confiance a pour valeur 0.27 fois les flux prédits. Cette limite impose de sévères contraintes sur les modèles de GRB de types “boule de feu”. Dans les prochaines années l’absence de neutrinos exclurait les GRBs comme la source principale de rayons cosmiques extragalactiques, la détection de neutrinos quant à elle permettrait de modéliser avec précision les mécanismes d’émission.

Bien que la mission première d’IceCube soit la recherche de neutrinos astrophysiques et la découverte des sources du rayonnement cosmique, d’autre sujets de physique lui sont accessibles, notamment la mesure des propriétés des neutrinos grâce au grand échantillon de données de neutrinos atmosphériques enregistrés par le détecteur. En effet, le détecteur enregistre de l’ordre de 50 000 neutrinos de haute énergie par an. Grâce à un tel échantillon il est possible notamment d’effectuer une analyse afin d’étudier l’oscillation des neutrinos muoniques atmosphériques. L’analyse est basée sur les données du DeepCore donnant accès à des évènements de plus basses énergies (dans l’intervalle 20100 GeV). L’analyse montre que l’hypothèse de non-oscillation est rejetée à plus de 5σ et a également permis d’obtenir, dans le cadre d’un mélange à 2 saveurs, les valeurs des paramètres Δm2

23 = (2.5±0.6)× 10−3eV2 et sin223 > 0.92 et en faveur d’un mélange maximal. Ces résultats sont en bon accord avec la moyenne des valeurs mondiales existantes.