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Avec le phénomène de la modernité et dans ce prolongement de la postmodernité42, ce sont en même temps toutes les incertitudes historiques qui brouillent la vision que l’humain se donnait de lui et de son monde au point qu’il en perd son latin ! L’humain contemporain est en crise ! Au mieux, on en parle comme d’un humain « opaque à lui- même »43, au pire, on annonce les fins de l’homme44. D’où la nécessité de procéder à un retour aux sources à rebours du temps au travers de l’écriture sur les traces de l’humain. Le texte de la Genèse est à ce titre un incontournable45. Bien que mystique, fantastique ou symbolique à plusieurs égards, il permet de néanmoins remonter aux balbutiements humains, et ainsi de saisir après coup l’émergence des conflits du savoir en lien avec la foi. De plus, le texte de la Genèse contient les premières inscriptions des noms de l’humain dans l’écriture. Il importe d’être attentif à leurs surgissements linguistiques. Dans un après-coup de l’histoire, ces occurrences ont paradoxalement servi les utopies de la modernité, comme celles des religions du livre. Il ne faut pas oublier qu’époque après époque, elles ont donné à l’humain, au judéo comme au chrétien, avec trait d’union ou sans, au musulman comme à l’homme moderne, ses figurations les plus diverses. Toutes

42 Le terme « postmoderne » est compris dans le sens que Jean-François Lyotard y donne : « Le

postmoderne serait ce qui dans le moderne allègue l’imprésentable dans la présentation elle-même ; ce qui se refuse à la consolation des bonnes formes, au consensus d’un goût qui permettrait d’éprouver en commun la nostalgie de l’impossible ; ce qui s’enquiert de présentations nouvelles, non pas pour en jouir, mais pour mieux faire sentir qu’il y a de l’imprésentable… Postmoderne serait à comprendre selon le paradoxe du futur (post) antérieur (modo). » Cf. Jean-François Lyotard. Le postmoderne expliqué aux

enfants : correspondance 1982-1985. Paris : Galilée, 1988, p. 31.

43 Expression utilisée par Vincent Descombes dans Le complément sujet : enquête sur le fait d’agir de soi-

même. Paris : Gallimard, 2004, p. 9.

44 Ibid.

45 Il est à préciser que, tout au long de la thèse, l’appel aux textes anciens liés à une tradition religieuse ou à

les ontologies philosophiques, anthropologiques, théologiques, etc., ont puisé étrangement dans ce même terreau linguistique. Elles ont élaboré de la sorte leurs épistémologies. Or, à la croisée des mille et une traditions, ces noms de l’humain sont aujourd’hui remis en question par un effet de saturation dans le langage. Aux prises de bavardages sans fin, ils se dispersent à l’infini dans le langage humain. Cette dispersion sous-tend en arrière-plan la déconstruction du signe, de la signification du nom et du nom propre. Ruse du langage ! Car, seul administrateur et garant de son savoir, l’humain met le comble à son sort ; celui qui nomme, seul locuteur dans le nom de « se » savoir humain46, a perdu sa capacité de se nommer. Et c’est en même temps la capacité de l’humain à être maître de son histoire et de lui-même qui lui glisse entre les doigts. En conséquence de quoi un autre regard s’impose au-delà même des prédispositions ontico- théologiques des noms de l’humain. Ce regard suggère un décloisonnement épistémologique qui, à la manière de Benjamin, suggère que l’on soit attentif à « toutes manifestations de la vie de l’esprit » dans le langage de l’humain. En remontant les traces du nom propre humain, la programmation des récits de la Genèse qui enchevêtre les diverses figurations de l’humain à partir de l’hébreu

~d'a'

(Adam) instruit la présente quête sur les premières mises en scènes des figurations de l’humain dans une écriture de soi. Il importe d’apprécier à partir de là l’incidence de la dissémination du nom propre dans le langage quant à « se » savoir humain qui coïncide avec l’expulsion symbolique de l’Éden. Une expulsion qui induit un rapport à la connaissance en fonction du bien et du mal ! Mais aussi, en même temps, une dérive du nom qui conduit l’humain à justement « se » savoir humain. Cette dérive à quelque chose à voir avec un certain diagnostic qui

fatalement semble conduire à une penser que « l’homme » est arrivé à un épuisement, une saturation de lui-même.

Homme

Un diagnostic est posé. On annonce Les fins de l’homme47 ! Triste topique que de vouloir à rebours du temps interroger la « réalité-humaine » alors que, depuis les temps anciens, l’humain s’est toujours apprécié dans une unité ontico-théologique. D’autant plus que, dans l’histoire des concepts de l’humain, cette unité n’a jamais vraiment été interrogée48. De Hegel, avec les concepts de « fin de la finitude de l’homme, l’unité du fini et de l’infini, le fini comme dépassement de soi » à Husserl, avec ceux de « la fin de l’homme fini49 », ou encore, de la « fin ou du télos50 », la fin de l’homme [comme limite anthropologique factuelle] et son vis-à-vis les fins de l’homme [comme principes déterminés par un télos] traduisent toujours une unité de l’homme ; « celle de sa mort, de son achèvement, de son accomplissement, tel que déplié dans la pensée grecque du télos, discours qui est aussi celui de l’eidos, de l’ousia comme de l’alétheia ; encore des expressions de persistances ontico-théologiques. Et, même au-delà des tergiversations phénoménologiques, entre points de suspension ou guillemets, la persistance de l’affirmation d’un humanisme transcendantal ne s’en retrouve paradoxalement que renforcée. Pour ce qui est de saisir la « réalité-humaine51 », quand bien même on chercherait à soustraire la pensée de l’essence à l’existence, une proposition selon

47 Jacques Derrida. « Les fins de l’homme ». Marges de la philosophie. Paris : Gallimard, 1972. 48 Ibid., p. 136.

49 Ibid., p. 144. 50 Ibid. 51 Ibid.

laquelle « l’homme ek-siste n’est pas une réponse à la question de savoir si l’homme est réel ou non ; elle est une réponse à la question portant sur l’ « essence » (Wesen) de l’homme52 », ce qui revient encore une fois à réaffirmer, serait-ce avec le principe d’origine, la fin de l’homme, puisque fin renvoie à son envers, un début. Là encore, le motif ontico-théologique met en évidence toute la difficulté de penser « une fin de l’homme qui ne soit pas organisée par une dialectique de la vérité et de la négativité, une fin de l’homme qui ne soit pas une téléologie à la première personne du pluriel »53, et plus précisément un nous qui implique encore une fois la persistance d’une unité entre l’homme et Dieu. Cela signifie que, dans la pensée et la langue de l’être, la fin de l’homme a depuis toujours été prescrite. Cette prescription n’a jamais fait que moduler l’équivoque de la fin dans le jeu du telos et de la mort…/en d’autres termes /… : « la fin de l’homme est la pensée de l’être, l’homme est la fin de la pensée de l’être, la fin de l’homme est la fin de la pensée de l’être »54. L’homme est depuis toujours sa propre fin, c’est-à-dire la fin de son propre. L’être est depuis toujours sa propre fin, c’est-à-dire la fin de son propre55.

Avec ce verbiage surchargé d’oxymores interminables qui vise à dire l’humain dans son unité, à dire la « réalité-humaine », ce qui est problématique, justement, c’est la surdétermination de l’humain comme « être », être du verbe « être ». Sa conjugaison l’épuise dans une pléthore sans fin. Le savoir, sans le savoir, le verbe « être » est l’instance de prédilection à partir de laquelle les traditions, tant philosophiques que théologiques, élaborent leurs ontologies. Toutes se sont emparées de la conjugaison du

52 Ibid., p. 155. 53 Ibid., p.144. 54 Ibid., p. 161. 55 Ibid.

verbe être pour dire l’humain. Pour comprendre l’essence, il importe de revisiter ces récits afin de saisir d’où vient cette surdétermination, cette inflation, des noms de l’humain. Un des textes, certes sacré, est l’héritage de prédilection qui en stigmatise les traces, celui de la Genèse, un parmi tant d’autres, certes. Celui-ci en particulier, car il permet de remonter à un moment originaire de l’humain où ses premiers noms surgissent de son écriture. Il importe maintenant de voir comment, dans le frayage des termes, il en est arrivé à « se » nommer l’humain : « être-(H)umain ». En effet, les mots « Humain », « humain », « être », « être humain », « être-humain » – on ne sait plus comment l’écrire pour le, pour « se », dire ! –, relèvent de présuppositions épistémologico-langagières glissantes. Et, pour cause, ces désignations sont toutes aussi génériques que les précédentes, qu’il s’agisse de « (H)omme avec majuscule ou de son corollaire sans majuscule « homme », tout comme de l’opposition « homme/femme », « hommes/femmes ». Ces indices ont servi les utopies de la modernité, comme les idéaux laïcistes, tout comme les impérialismes dogmatiques des religions les plus divers. Ils ont servi de prémices aux ontologies les plus diverses. Qu’elles soient philosophiques, théologiques, anthropologiques, etc., toutes ont creusé étrangement dans ce même terreau linguistique pour élaborer leurs épistémologies. Implicitement ou explicitement, elles ont instruit dans le nom leurs savoirs sans toujours prendre conscience qu’elles recouraient à ces essences tant linguistiques que spirituelles, voire les deux en même temps, telles que conceptuellement disposées dans l’archipel des noms de l’humain dans un creusé linguistique à l’origine sacré. Une préoccupation de la plus haute importance, puisque, sur cette base, des noms de l’humain en même temps que le diagnostic de fins de l’homme est posé. Une lecture provisoire de la Genèse permet d’expliquer, à partir des

indices linguistiques du texte, le tricotage des noms de l’humain dans l’archipel désigné par les termes « être-(H)umain », l’H(h)omme/(f)emme :

1) Homme/homme : le mon

~d'a

surgit dans le texte au moment où « Dieu créa l’homme56 (

~d'a'

) »57. Ce nom est couramment traduit par « homme ». Dans la majorité des cas, « homme » induit le principe générique de l’humain au sens large d’humanité58 et, par métonymie, celui de l’« Homme » avec une majuscule. Dans une lecture traditionnelle, le vocable « être » est d’emblée implicite à la notion d’homme ou d’Homme, si bien que « être » et « homme » s’inscrivent indistinctement dans l’usage de la langue, écrit ou parlé, et ce, au-delà même de la distinction de genre entre femme

hV'a

i ('ishshâ) et homme

vyai

('iysh) ; on serait comme au neutre.

2) homme/femme : avec l’occurrence

~d'a'

, une autre instance linguistique est utilisée : « Il (

~yhil{a/

) créa l’homme

rk'z

"

(zakar) » (Gn. 1,27). De manière surprenante, le terme

~d'a'

, qui fait référence au principe de l’humain, cède la place à

rk'z"

59. Comme si

rk'z"

était une réitération de

~d'a'

. D’une part,

rk'z"

parvient substantiellement à faire exister l’humain dans sa forme « animale », donc en analogie avec les animaux, lesquels auraient, selon le

56 Dans cette partie de la thèse exclusivement, les traductions retranscrites son extraites de la version :

Alliance Biblique Universelle. La nouvelle Bible Segond. Paris : Société biblique française, 2002.

57 « Dieu créa les humains (~d'a') à son image : il les créa à l'image de Dieu, homme (rk'z") et femme (hV'a).

Dieu les bénit ; leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tous les animaux qui fourmillent sur la terre ». Gn. 1,27-28.

58 Le terme est au singulier (cf. Gn. 5,1) ou au pluriel. La traduction du mot a donné, dit-on dans le reste de

la Bible, le nom propre ~d'a' qui sera souvent rendu par homme ou hommes. Ce mot hébreu est ici avant tout un collectif qui désigne le genre humain. Du reste, le verbe qui suit « qu’ils dominent » est au pluriel dans le texte.

fil du récit, déjà été créés60 ! D’autre part,

rk'z"

désigne étrangement l’aspect mâle, certes animal de

~d'a'

. Une connotation qui induit le vis-à-vis animal femelle de

~d'a'.

Cependant, le texte reste muet à cet égard. Le lien n’est pas a priori explicite dans la programmation du récit à ce stade. En fait, les genres sont en premier lieu introduits sous la forme animale avec

rk'z"

. En revanche, ce n’est que plus tard dans le récit que la femme, proprement dite humaine, est mise en scène avec

hV'a

i (Gn. 2,22). L’homme mâle humain, à la distinction du mâle animal, advient plus loin dans le récit sous le vocable

vyai

(îsh) (Gn. 2,23). On aurait pu s’attendre à voir apparaître, dans l’optique du principe d’humanité implicite à

~d'a'

, la dualité homme/femme (

hV'a/vyai

), d’abord dans le sens humain, et ensuite éventuellement dans le sens animal. Or, ce n’est pas le cas.

3) Être : ce mot, pris dans le sens « d’être en présence de… », provient du vis-à-vis discursif

~d'a'

et

~yhil{a/

(Élohîm) : «

~yhil{a/

créa

~d'a'

»61. Cette première occurrence de l’humain comme vis-à-vis de Dieu induit dans les traductions classiques le principe d’un à exister (Gn. 1,26), à savoir que

~d'a'

parvient à existence comme « être » (Gn. 1,27). Le souffle de

~yhil{a/

se communique à

~d'a'

, de sorte qu’il est « créé à l’image » de Dieu

~yhil{a/

(Gn. 1,26). Il en va de la possibilité d’un être-là, certes à venir ; être humain face à face, image à image avec l’Être-Dieu, matérialisé physiquement dans un corps qui

60 Gn. 1,21 ; 26.

61 « Dieu créa les humains (~d'a') à son image : il les créa à l’image de Dieu, homme (rk'z") et femme (hV'a).

Dieu les bénit ; leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tous les animaux qui fourmillent sur la terre » (Gn. 1,27-28).

surgirait dans le temps d’un chronos humain. D’où, selon la tradition tant philosophique que théologique, le principe de l’humain comme être à l’image de l’être

~yhil{a/

.

4) « Être » et « humain »; autrement dit, « être-humain » : ces constructions laissent présumer une distinction ou une précision conceptuelle de l’« être » qui renvoie, avec ou sans le trait d’union, plus directement à la question du qu’est-ce que, du qui suis-je : un « humain » dans l’ « être », ou encore, un « être » dans l’« humain » ? Le trait d’union entre « être » et « humain » suggère un lien possible entre les deux termes, en ce que humain caractérise l’« être » et l’« être » caractérise l’humain. La présence du trait d’union permet d’amalgamer, voire de juxtaposer, les noms de l’humain pour désigner en définitive la somme des termes :

~d'a'-rk'z"-vyai-hV'a

.

Tous ces noms, amalgamés ou non de l’humain, déterminent certes l’humain comme présence, présence à soi, être ou étant. Plus encore, ils désignent indistinctement le propre de l’humain : l’être « est » le propre de l’humain62. Dans cette logique

~yhil{a/

, nom propre, nomme

~d'a'

de sorte qu’il devient, par l’entremise de l’« être », à son tour, nom propre, serait-ce encore là par analogie avec l’image : « créé à l’image de Dieu ». Si rien n’en prouve le contraire, rien n’empêche de « se » savoir humain en dehors de cette invasion intempestive dans le langage où l’omnipotence du verbe envahit toutes les sphères de l’humain. Car, en dehors du champ de l’« être », la conjugaison du propre outrepasse l’interprétatif classique de la conjugaison de la Genèse ; c’est-à-dire au-delà des déterminations qui enferment l’humain dans l’« être ».

Regard

Un autre regard, une autre lecture de la Genèse, s’impose. Dire, en premier lieu, et, pour l’instant, lire l’humain dans les noms, le nom et dans le nom propre, en cessant de poser d’emblée le « propre » comme une prescription relative à un quelconque telos de l’humain conjugué par le verbe « être ». Voilà qui contrevient aux idées de fins de l’homme, ce qui ouvre d’une manière nouvelle la question, celle du « nom » et du « propre » de l’humain ! À sa manière, Benjamin a travaillé les notions de nom et de nom propre en relisant le texte de la Genèse. Sa théorie Sur le langage en général et sur le langage humain63 permet d’arrimer épistémologiquement le cadre conceptuel nécessaire à la présente démarche, qui consiste à un décloisonnement des indices de l’humain dans son langage. En prenant appui sur certaines de ses intuitions à propos du langage humain et du langage des choses, il serait possible d’outrepasser une lecture ontico-théologique, bien que Benjamin n’en aie pas l’intention, et ainsi d’écarter d’emblée tout rapport épistémologique de la présence de l’être, telle que prédéterminée par l’interprétation traditionnelle d’un logos préexistant (Gn. 1,1). Il s’agit de découvrir l’humain dans son nom propre sans que le verbe être ne vienne le précipiter encore une fois vers les fins de l’homme. À contre-courant, tout simplement le découvrir dans l’écriture en étant attentif à « toute manifestation de la vie de l’esprit »64. L’affirmation benjaminienne est le point de départ qui motive la quête de l’humain dans son langage. Benjamin situe cette notion de

63 Walter Benjamin. « Sur le langage en général et sur le langage humain »., p. 142. 64 Ibid.

« manifestation de la vie » telle que « conçue comme une sorte de langage »65. Ce langage, en tant que langage humain, est constitué d’un certain nombre de mots congruents les uns avec les autres qui s’inscrivent dans des réseaux sémantiques particuliers ; ils manifestent un domaine d’expression, un lieu, ou mi-lieu, de « la vie de l’esprit humain »66. Au-delà, le langage « s’étend absolument à tout »67, si bien qu’on peut affirmer que tout est langage ! Il déborde même du cadre restreint imparti à l’humain, puisque ce langage s’étend aussi au langage des choses ; est sous-entendu que la nature animée ou inanimée prend elle aussi part à ce langage tant dans les manifestations de l’esprit humain que dans la nature, animée ou non. Toutefois, ce qui « se » communique dans, et non par le langage, « ne peut être mesuré du dehors »68, car ce qui se communique dans le langage est d’essence spirituelle, ce qui d’ailleurs ne peut être appréciée que de l’intérieur. En fait, dans la communication, ce qui est exprimé constitue toujours « une connaissance pleine de contenu »69. Cette connaissance se communique simultanément au moyen de l’expression, en autant que cette dernière « communique des contenus spirituels »70. Certes, en conjonction avec une essence linguistique, et ce, non pas avec des contenus verbaux qui en définiraient uniquement sa limite, par exemple avec le verbe être. D’où l’importance de se poser la question, comme le suggère Benjamin : « de quelle essence spirituelle,…/ une essence linguistique /… est

65 Il importe de distinguer le langage de la langue, laquelle est reliée avec une identité linguistique

culturelle et géographique, comme le français, l’allemand, le chinois ou d’autres langues ou dialectes. En tant que langue, sa mission est de « communiquer des contenus spirituels » dans un langage, celui de la justice ou de la religion par exemple. Ibid.

66 Ibid. 67 Ibid., p. 143. 68 Ibid., p. 146. 69 Ibid., p. 143. 70 Ibid.

l’immédiate expression ? »71, et, en l’occurrence, celle de l’humain. Poser une telle question revient à faire une distinction entre les deux essences. Un « grand abîme où un risque » originaire prend au piège toute théorie du langage. Il s’agit d’une séduction de l’arché comme du télos. Car cet abîme constitue : « un paradoxe profond et incompréhensible qui est sans solution dès lors qu’elle est posée [l’origine] au départ de la théorie du langage »72. Un grand abîme parce que l’essence linguistique, qui ne relève pas a priori d’une essence spirituelle, ne peut pas communiquer d’essence spirituelle, comme telle, à moins que l’essence spirituelle ne se communique immédiatement à l’essence linguistique. Ce qui n’est pas d’emblée le cas. Par exemple, une langue comme le français ou l’allemand, qui « n’est aucunement l’expression de tout ce que par … /ces langues de l’humain /… croit exprimer, est une expression immédiate de ce qui dans le

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