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I - INTRODUCTION ET PRESENTATION DE L’ATELIER

I - INTRODUCTION ET PRESENTATION DE L’ATELIER

Au Québec comme en France, certains bilans proposés par les psychologues scolaires peuvent mentionner qu’un élève a des difficultés en géométrie dans l’espace, qu’il a un développement ou un retard de n années en géométrie dans l’espace, etc. En tant que formatrice d’enseignants à l’école primaire, je me suis penchée sur les questions posées aux élèves par les psychologues, questions qui font partie de tests standardisés et dont les résultats ont été éprouvés des milliers de fois. Plusieurs interrogations découlent de cette observation : quels liens ces questions ont-elles avec les apprentissages menés à l’école ? Ou encore, est-ce que l’école, par ses programmes et progressions d’apprentissage donne une chance à l’élève de surmonter les difficultés identifiées par le psychologue ? Si l’enseignant ne connaît pas les questions que le psychologue a posées à l’élève, comment peut-il envisager d’aider l’élève ?

1 L’expérimentation à Montréal

Pour tenter de répondre à ces questions, j’ai demandé à cinq élèves du secondaire (14-15 ans) de répondre successivement à des questions extraites de protocoles utilisés par les psychologues et à des questions plus académiques, relevant du programme de secondaire telles que les vues planes des objets de l’espace. Le but était d’observer leurs procédures et de comparer les réponses qu’ils donnaient aux deux types d’activités.

L’école où s’est déroulée l’expérimentation est l’école secondaire multiculturelle Vanguard de Montréal.

Cette école a un statut très particulier sur l’île de Montréal : c’est la seule école privée entièrement subventionnée par l’état ; elle accueille tous les élèves en difficulté que le système public d’éducation ne peut prendre en charge que ce soit pour des raisons purement académiques (difficultés d’apprentissage ou de handicap), familiales ou personnelles. L’enseignement dispensé respecte le programme officiel du secondaire et les élèves passent les examens du ministère en fin de 4e année du secondaire. Le programme de formation de l’école québécoise précise qu’un élève de Secondaire 3 doit maîtriser les représentations planes (vues de face, de dessus et de droite), et les perspectives axonométrique, cavalière, à un et deux points de fuite. Les 5 élèves volontaires avec lesquels j’ai travaillé avaient des résultats scolaires de niveau comparable à ceux d’élève de début de cycle 3. Leurs enseignantes me les ont présentés comme ayant de très grandes difficultés d’apprentissage, en géométrie en particulier. Elles m’ont aussi précisé que chacun avait à cœur de progresser et aucun de ces élèves n’avait de difficulté de comportement. Dans la mesure où la période d’expérimentation était très limitée dans le temps, parmi les représentations des objets de l’espace mentionnée dans le programme, je me suis limitée aux représentations planes.

1.1 Le protocole de recherche

Pour ce faire, j’ai rencontré les élèves individuellement 6 fois chacun pendant 45 minutes environ.

La première séance a été consacrée au diagnostic, les 4 suivantes à la remédiation et aux apprentissages à propos des représentations planes des objets de l’espace et la 6e séance à l’évaluation des progrès des élèves. La participation d’une assistante de recherche a permis que toutes les séances soient filmées.

Au cours de la 1ère rencontre de diagnostic, les élèves ont construit des empilements représentés en perspective et dénombré les cubes nécessaires à la construction de l’empilement, identifié la vue de face d’un empilement réel de cubes (2 cm d’arête). Ils ont eu l’occasion de se familiariser avec le jeu des tours tel que proposé par D. Valentin. Ce jeu comprend deux phases. Dans la première phase (voir annexe 1), l’élève est invité à aligner 5 tours de hauteurs différentes de façon à ce que l’on voie, par exemple, 3 tours à un bout de l’alignement et 2 tours à l’autre. Dans la deuxième phase du jeu, les tours sont réparties sur un quadrillage. Cette phase de jeu ayant été utilisée lors de l’atelier, elle sera présentée dans le paragraphe II -3 relatant son déroulement.

Chacune des quatre autres rencontres a été consacrée à un thème particulier lié au dénombrement de cubes et aux représentations planes des empilements de cubes ainsi qu’à une reprise du jeu des tours dans une version toujours plus compliquée : alignements, quadrillages de 9 cases, quadrillages de 16 cases. Ainsi, au cours de la 1ère séance, l’élève a particulièrement travaillé les dénombrements et constructions d’empilements de cubes en lien avec les représentations en perspective. L’objectif principal de la 2ème séance a été de présenter les conventions de dessins des vues planes des empilements de cubes (vue de face, vue de droite et vue de dessus) à l’aide d’activités où l’élève a du identifier, compléter ou corriger certaines vues, à partir de l’empilement réel ou d’une représentation en perspective. Au cours de la 3ème séance l’élève a dessiné les vues planes de différents empilements cubes, empilements réels ou représentés en perspective (axonométrique et cavalière). Compte tenu des conditions d’expérimentation (6 rencontres individuelles de 45 minutes) je n’ai pas pu reprendre le scénario suivi par A. Bessot et M. Eberhard (1982). En particulier, je n’ai pas laissé aux élèves la possibilité d’exprimer leur conception initiale des vues planes et les codages qu’ils pourraient imaginer en guise de description des empilements de cubes. Au contraire, à partir de propositions incorrectes et exactes de vues planes d’empilements de cubes, j’ai amené les élèves

à accepter les conventions de ces représentations (projections orthogonales sur un plan). Puis j’ai proposé diverses activités mettant en œuvre ces conventions à partir des différents supports : empilements réels, empilements représentés (en perspective cavalière, axonométrique) et vues à corriger, à compléter, à dessiner. Enfin au cours de la 4ème séance, nous avons repris toutes les activités menées lors des 3 séances précédentes, en évitant autant que possible le recours à l’empilement réel. La dernière rencontre a été l’occasion d’apprécier les apprentissages des élèves que ce soit au niveau du dénombrement des cubes, de l’association des vues planes avec les représentations en perspectives des empilements ou des dessins de vues planes d’empilements représentés. A propos du dénombrement, tous les élèves savaient que certains cubes ne peuvent être représentés sur un dessin en perspective et qu’ils doivent être pris en compte. La difficulté a été variable selon les élèves et les démarches suivies pour le dénombrement. Ce sont les empilements les plus compacts qui sont restés source d’erreurs pour certains élèves ; d’autres ont réussi tous les dénombrements demandés (jusqu’à 10 !). A propos des vues planes, nous avons pu voir comment certains élèves, acceptant les conventions avec plus de rapidité, résolvaient mieux le conflit entre le

« su » (les cubes sont au dessus ou en arrière les uns par rapport aux autres mais tous de la même taille), le « vu » (ils apparaissent plus petits ou décalés) (Parzysz ; 1988) et le « représenté » (toutes les faces parallèles visibles sont dessinées à l’aide de carrés isométriques). La taille des cubes est une variable didactique sur laquelle je reviendrai plus loin. En ce qui concerne le jeu des tours sur quadrillage, certains élèves ont rapidement dégagé des stratégies particulièrement efficaces (rôles du 1 et du 4 en autres) ; un autre a eu plus de difficultés à gérer simultanément toutes les contraintes.

1.2 Conclusion

Les premiers résultats de cette expérimentation tendent à confirmer les difficultés anticipées des élèves : la difficulté à prendre en compte les cubes cachés dans les représentations en perspective, le conflit entre le

« su » et le « vu » dans les représentations planes, l’absence d’anticipation et/ou la difficulté de respecter des contraintes multiples dans le jeu des tours. Certaines de ces difficultés ne sont pas liées entre elles : un même élève pouvant devenir très habile dans le dessin des vues planes et se tromper dans le dénombrement des cubes, que l’empilement soit dessiné en perspective cavalière ou axonométrique. L’enthousiasme des élèves a été réel et leur engagement dans la recherche d’une séance à l’autre a été grandissant. Leur activité au cours de la dernière séance montre qu’ils ont amorcé des apprentissages tant au niveau du dénombrement que des représentations planes. En effet, au fil des séances et selon la composition de l’empilement (groupé ou plus éclaté), les stratégies de dénombrement ont évolué ; des démarches plus structurées sont apparues pour les dessins des vues planes : l’empilement étant divisé en « colonnes » ou en

« plans » selon les vues à dessiner. Les conditions d’expérimentation n’ont pas permis d’institutionnaliser ni de renforcer ces apprentissages. En particulier, nous n’avons pas structuré les diverses stratégies de dénombrement de cubes en fonction de leurs positions dans l’empilement. L’apprentissage du dessin des vues planes des empilements de cubes n’a pas été complètement institutionnalisé ni structuré.

J’ai donc retrouvé chez ces élèves les mêmes difficultés que celles que l’on rencontre dans toute classe de primaire ou de collège en France.

2 Les objectifs visés par l’atelier

Dans l’atelier, j’ai voulu faire partager mon expérience dans l’intervention auprès d’élèves en difficultés dans le but de l’intégrer à la formation initiale des enseignants du primaire. En effet, ce que j’ai constaté auprès des élèves avec lesquels j’ai travaillé sera utilisé dans mon cours sur l’enseignement de l’espace à l’Université. L’atelier était aussi une occasion d’échanges à propos d’activités qui sont peu ou pas menées à l’école primaire, à peine abordées en formation initiale : quelles relations entre les objets réels de l’espace et leurs représentations planes évoque-t-on à l’IUFM ? Dans les classes de l’école primaire ?