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5. D ISCUSSION

5.2. Interprétation générale

5.2.5. Hypothèses explicatives

Dans le cadre de cette thèse, deux hypothèses sont mises de l’avant pour expliquer la présence de différences électrophysiologiques en l'absence de déficits comportementaux. Ces hypothèses ne sont pas mutuellement exclusives. Les altérations observées en ERP pourraient être le reflet de déficits cognitifs sous-cliniques, indétectables par les outils neuropsychologiques utilisés habituellement dans le monde du sport ou encore le résultat de changements davantage qualitatifs, liés à l'activité cérébrale produite par le traitement cognitif impliqué dans les paradigmes

expérimentaux utilisés.

• Déficits cognitifs sous-cliniques

La première explication avancée suggère que les athlètes ayant subi de multiples commotions cérébrales sont aux prises avec de subtils déficits des fonctions cognitives, probablement de haut niveau. Durant la période aiguë suivant une commotion cérébrale, des baisses de performances aux tests neuropsychologiques sont souvent notées, principalement sur le plan de la vitesse de traitement de l’information, la mémoire et les fonctions exécutives (Aubry, Cantu et al. 2002). Dans la plupart des cas, ces déficits se résorbent durant les jours suivants l’incident. Cependant, il est possible que le fonctionnement cognitif ne revienne pas totalement au niveau de base; cette baisse d’efficience demeurerait à un niveau sous-clinique, indétectable par les tests couramment utilisés. De plus, cet état n’a pas nécessairement d’impact dans le fonctionnement quotidien. En fait, seuls des outils plus sensibles, comme l'ERP, permettraient de déceler les traces de ces déficits subtils. Cette idée est soulignée dans d’autres études utilisant l’ERP (Gaetz, Goodman et al. 2000; Segalowitz, Bernstein et al. 2001; Gosselin, Theriault et al. 2006).

Cette hypothèse est aussi soutenue par le fait que différentes études ont relevé des déficits neuropsychologiques, à l’aide de tests comportementaux, dans la période chronique suivant la blessure. Par exemple,

Walls et collègues (2006) ont révélé des déficits aux tests neuropsychologiques chez des athlètes ayant subi deux commotions cérébrales ou plus. Aussi, en étudiant des universitaires ayant souffert de TCC léger, Chuah et collègues (2004) ainsi que Halterman et coauteurs (2006) trouvent des déficits dans des processus de haut niveau (la mémoire de travail visuospatiale et l’attention complexe respectivement). Il est intéressant de noter que les participants ayant subi un TCC dans l’étude de Halterman ont été blessés dans la majorité des cas en contexte sportif et que seuls les participants dont la blessure était gradée 1 ou 2 sur l’échelle de l’ANN ont été inclus dans l'étude. Un autre fait intéressant à souligner est que ces études utilisent d’autres outils que ceux en vigueur dans le domaine sportif. En utilisant les batteries reconnues, la grande majorité des études font état d’un fonctionnement cognitif normal en dehors de la période aiguë (Iverson 2005; Lovell 2009). Ce résultat s’observe également dans le cas de multiples commotions cérébrales. Dans une étude récente, Bruce et Echemendia (2009) démontrent qu’il n’y a pas de différences, ni aux tests neuropsychologiques « papier-crayon » ni à un test informatisé utilisé dans les ligues sportives professionnelles (NFL, NHL), entre des athlètes rapportant une histoire de trois commotions cérébrales ou plus et des athlètes contrôles. Bien que ces outils puissent détecter des déficits immédiatement après la commotion, il est possible qu’ils ne permettent pas de déceler de possibles difficultés résiduelles.

littérature soutient que les déficits cognitifs se résorbent et que le rétablissement à la suite d'une commotion est complet (Aubry, Cantu et al. 2002; McCrea, Kelly et al. 2002; McCrea, Guskiewicz et al. 2003; Bleiberg, Cernich et al. 2004; McCrory, Johnston et al. 2005). Cependant, plusieurs résultats en ERP et même quelques études utilisant des tests neuropsychologiques affirment que des déficits cognitifs subtils persisteraient en période chronique.

• Mécanismes compensatoires

La deuxième explication proposée se situe au plan qualitatif : les commotions cérébrales entraîneraient des changements dans le traitement cérébral mis en place pour accomplir une tâche cognitive donnée. Cette compensation serait faite dans le but d’offrir un même niveau de performance qu’en temps normal. Les altérations observées en ERP seraient donc le marqueur de ces modifications. Un processus compensatoire se mettrait donc en place.

Cette idée a été avancée dans des études réalisées en IRMf (McAllister, Sparling et al. 2001; Chen, Johnston et al. 2004; Jantzen, Anderson et al. 2004). Celles-ci montraient des changements fonctionnels peu de temps après un TCC léger ou une commotion cérébrale subie en milieu sportif. L’hypothèse a été émise que les changements fonctionnels observés seraient

reliés à un mécanisme compensatoire qui permet aux participants d'offrir une performance normale, au point de vue comportemental. Avec cette méthode d’imagerie indirecte, les principaux changements observés étaient davantage d’activation BOLD et un plus grand nombre de régions recrutées pour effectuer la même tâche était constaté.

L’hypothèse des mécanismes compensatoires a aussi été avancée par De Beaumont et collaborateurs (2009). Ils observent, en plus d'atténuations des composantes ERPs P3 (a et b) et de la prolongation de la période silencieuse en stimulation magnétique transcrânienne (Transcranial magnetic stimulation, TMS) des différences aux performances à une batterie de tests neuropsychologiques chez d’anciens athlètes ayant subi une ou des commotions cérébrales dans leur jeunesse. Les auteurs proposent que les athlètes plus jeunes ayant une histoire de commotions cérébrales sont en mesure d'offrir le même niveau de performance que des athlètes qui n’en ont jamais subi parce qu’ils sont en mesure de compenser, soit en engageant plus de ressources cognitives ou en effectuant le traitement neuronal de façon différente. Le vieillissement entraînerait une réduction des ressources cognitives disponibles, ce qui limiterait, selon le point de vue des auteurs, la capacité des anciens athlètes ayant subi une commotion à compenser.

Les différences électrophysiologiques mesurées à travers les groupes de chacune des études seraient un marqueur d’un changement de nature

fonctionnelle, en concordance avec la définition même de la nature de la commotion cérébrale (Aubry, Cantu et al. 2002; McCrory, Johnston et al. 2005). Par contre, les résultats obtenus ici suggèrent que cette altération fonctionnelle serait plus persistante que transitoire, du moins chez les athlètes ayant subi plusieurs commotions cérébrales. L’explication par le biais des mécanismes compensatoires n’est pas en contradiction avec celle des déficits sous-cliniques. En effet, prise de façon isolée, l'explication des mécanismes compensatoires sous-entend que la performance cognitive plusieurs mois après une commotion cérébrale, chez des athlètes en ayant subi plusieurs, peut-être normale.

5.3. Limites et critiques des études proposées

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