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2. M ÉTHODOLOGIE UTILISÉE : L ’ ÉLECTROPHYSIOLOGIE

2.3. Études ERP sur les commotions cérébrales

Les études réalisées en EEG ont montré des altérations chez les athlètes ayant subi des commotions cérébrales, mais de façon inconsistante (Gaetz et Bernstein, 2001; McCrory, 2005). Selon Gaetz (2002), l’ERP représente un outil de choix pour étudier les effets subtils liés aux commotions cérébrales. En effets, plusieurs études ont montré des différences au niveau de la P3, soit chez des athlètes ayant subi des commotions cérébrales ou chez des patients ayant subi un TCC léger.

Gaetz et collègues (2000) affirment que la P3 obtenue au moyen d’un paradigme « Oddball » présenté en modalité visuelle offre un potentiel intéressant pour diagnostiquer les effets cumulatifs des commotions cérébrales. Ils ont rapporté que, chez des sujets ayant plusieurs commotions cérébrales, la latence de la P3b était anormalement longue. De leur côté, Dupuis et collaborateurs (2000) ont démontré que la P3b, obtenue à l’aide d’un paradigme Oddball visuel, était significativement atténuée chez des athlètes ayant subi une commotion cérébrale que chez les athlètes de leur groupe

contrôle. De plus, cette étude a rapporté que la symptomatologie de la commotion cérébrale était corrélée négativement avec l’amplitude de la composante. Ces résultats ont été répliqués dans une étude faite par Lavoie et coauteurs (2004). Les auteurs soulignent également que même s’ils ne sont plus symptomatiques, les athlètes ne reviennent pas tout à fait à la normale au plan électrophysiologique. Ces données ne sont cependant pas statistiquement significatives.

Dans une expérience utilisant une variation d’un paradigme Oddball auditif, Gosselin et collègues (2006) ont dénoté des baisses d’amplitudes sur plusieurs composantes liées aux commotions cérébrales. Les athlètes ayant subi des commotions cérébrales, peu importe qu’ils soient évalués symptomatiques ou asymptomatiques, démontraient une amplitude de la P3b significativement réduites comparativement au groupe contrôle. Les auteurs ont postulé que la difficulté de la tâche faisait ressortir les déficits en électrophysiologie chez les asymptomatiques. Par contre, une étude de Potter et al. (2001) ne rapporte aucune différence significative au niveau de l’amplitude de la P3 (a et b) entre des sujets contrôles et des sujets ayant subi une commotion cérébrale. Néanmoins, les auteurs notent une négativité plus ample suivant la P3a (reorienting negativity, RON), ce qui suggère, selon les auteurs, une plus grande distractibilité chez les sujets ayant subi une commotion cérébrale et une plus grande allocation de ressources aux stimuli rares et non pertinents.

Certains auteurs ont rapporté des effets sur des composantes précoces reliées à des processus ascendant (« bottom-up ») et plus automatique (Proverbio and Zani 2003). Cependant, les résultats sont plutôt inconsistants. Autant chez les athlètes que dans la population en général, certaines études rapportent des altérations de composantes plus précoces, comme la N1 (Gosselin, Theriault et al. 2006), la P2 (Reinvang, Nordby et al. 2000) ou la N2 (Solbakk, Reinvang et al. 1999), alors que d’autres ne mentionnent pas ces composantes (Dupuis, Johnston et al. 2000; Bernstein 2002; Lavoie, Dupuis et al. 2004) ou ne trouvent pas de différences (Segalowitz, Bernstein et al. 2001; De Beaumont, Brisson et al. 2007).

En lien avec les effets chroniques des TCC légers sur les mesures électrophysiologiques, Solbakk et collaborateurs (2000) ont examiné des sujets normaux et des sujets ayant subi tu TCC léger (dont la blessure remontait à au moins un an). L’amnésie post-commotionnelle ainsi que la perte de conscience était utilisées comme critères diagnostics. L’amplitude des composantes P3 (a et b) obtenues chez les sujets expérimentaux était significativement moins élevée que celle observée chez les sujets contrôles. Cette observation pourrait signifier, selon les auteurs, que les patients présenteraient un déficit au niveau des processus sensoriels ou perceptuels, des stratégies de traitement inefficaces ou encore une allocation déficitaire des ressources attentionnelles. Par ailleurs, Segalowitz et collègues (2001) ainsi que Bernstein (2002) ont montré des

différences sur la P3a et la P3b entre des sujets contrôle et des jeunes universitaires ayant subi un TCC léger plusieurs années avant l’expérimentation. Selon les auteurs, les participants des groupes expérimentaux étaient asymptomatiques et fonctionnels dans la vie de tous les jours. Les auteurs rapportent que ces résultats témoignent de déficits subtils à long terme dans le traitement de l’information chez les sujets ayant subi un TCC léger.

En s’intéressant spécifiquement à la commotion cérébrale subie par des athlètes en contexte sportif, une étude récente réalisée par De Beaumont et al. (2007) montre un déficit au niveau de la P3b chez des athlètes asymptomatiques ayant une histoire de commotions cérébrales multiples. Dans cette étude, la dernière commotion cérébrale subie remontait, en moyenne, à 3 ans avant l’expérimentation. À plus long terme, De Beaumont et collaborateurs (2009) ont aussi montré une baisse des P3a et b chez d’anciens athlètes ayant subi une commotion cérébrale jusqu’à trois décennies avant l’expérimentation. Les données, autant dans le cas de commotions sportives que dans d’autres contextes, remettent en question l’aspect transitoire des commotions cérébrales (Aubry, Cantu et al. 2002; Bleiberg, Cernich et al. 2004; McCrory, Johnston et al. 2005).

En somme, les résultats ERP présentés ci-haut montrent que les processus plus tardifs, comme ceux sous-jacents à la composante P3, seraient

davantage affectés que les processus attentionnels automatiques. D’ailleurs, cette dissociation a été montrée par De Beaumont et collègue (2007) entre la P3 et la N2pc (Woodman and Luck 2003)11. De plus, certains résultats présentés laissent croire que les effets d’une commotion cérébrale pourraient s’étendre sur beaucoup plus longtemps que les 2 à 10 jours suggérés par les résultats aux tests neuropsychologiques et acceptés dans la littérature (Aubry, Cantu et al. 2002; McCrory, Johnston et al. 2005).

11 La N2pc est une composante négative postérieure controlatérale reliée au déploiement de

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