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Dans ce protocole, les hypothèses de travail et les questions posées ont largement influé sur la modélisation et l’analyse des données. Nous allons donc les détailler en tâchant de mettre en évidence les conséquences directes qu’elles ont eues sur les choix d’analyse.

Le but de ce protocole d’imagerie mentale est double. Il s’agit d’une part de tester l’implication du cortex visuel primaire (V1) lors de la génération d’images mentales ; d’autre

part, de mettre en évidence l’influence des conditions d’imagerie mentale sur l’activité de cette région.

D’après les instructions fournies au sujet, l’événement E1 doit être une génération d’image mentale et l’événement E2 une évaluation suivie d’une réponse motrice. Cependant, on s’attend à ce que le sujet puisse, conjointement à cette évaluation, produire une image mentale. Par exemple, dans le cas des caractéristiques physiques, le sujet peut visualiser à nouveau l’animal et s’aider de l’image mentale pour répondre à la question. Nous devons donc considérer l’événement E2 non seulement comme un événement d’évaluation ou un événement moteur mais aussi comme un événement d’imagerie potentiel. En particulier, il s’agit de tester l’activité de V1 également pendant ces événements d’imagerie potentiels E2.

Par ailleurs, on fait l’hypothèse que le type de session dans lequel travaille le sujet aura une influence sur la production de l’image mentale et l’activité cérébrale associée. Précisément, il semble que l’activité dans V1 soit d’autant plus forte que l’image mentale formée fait intervenir des détails de haute résolution (Kosslyn et al., 1995 ; Mellet et al., 2000). Dans notre cas, le sujet est prévenu à l’avance du type de caractéristique (physique ou comportementale) qu’il aura à juger. Il est de plus encouragé à produire des images mentales initiales (événement E1) plus détaillées au cours d’une session présentant des caractéristiques physiques de façon à faciliter et accélérer son jugement à venir. Une des questions est donc de vérifier si l’activité induite dans V1 est différente selon le type de session.

Une autre hypothèse concerne la nature des événements d’imagerie mentale. Plusieurs expériences, réalisées sous la forme de protocoles en bloc, n’ont mis en évidence aucune activité de V1 pendant des périodes d’imagerie mentale (revue par Mellet et al., 2000). Nous avons de notre côté supposé que l’imagerie mentale est un processus souvent transitoire plus facile à étudier dans le cadre de productions courtes. C’est la raison pour laquelle il a été choisi de réaliser un protocole événementiel. Du point de vue cérébral, la durée véritable d’un événement d’imagerie mentale, de même que son délai d’apparition est particulièrement difficile à évaluer. Nous avons donc dû formuler une hypothèse sur l’allure attendue de la réponse cérébrale au cours de ces événements. Nous avons choisi de modéliser cette réponse comme un événement bref suivant immédiatement la fin de l’instruction verbale.

En pratique, on se rend compte que l’origine de l’activité cérébrale au moment des événements E1 et E2 peut être difficile à identifier. On s’attend par exemple à ce que l’événement E2 induise quasi-simultanément une activité motrice et une activité d’imagerie mentale. Par ailleurs, comme l’événement d’imagerie succède rapidement à l’événement auditif, leurs réponses vasculaires cérébrales vont — au moins partiellement — se superposer dans le temps. Au niveau de la modélisation, nous allons voir que ceci se traduit par une redondance entre les fonctions de la matrice de dessin (colinéarité des covariables). Malgré cette redondance possible, il est pourtant important de modéliser tous les effets attendus de la stimulation afin de réduire au maximum le signal d’erreur résiduel. Dans le cas contraire, un effet d’intérêt risquerait d’être masqué par l’amplitude des résidus. Nous allons voir dans le paragraphe suivant une méthode qui permet de résoudre ce dilemme.

6.4 Analyse des données

6.4.1 Modélisation

Les données ont été analysées de façon individuelle. Chaque session a été modélisée par un bloc distinct de covariables.

Nous avons modélisé séparément chacune des quatre conditions d’imagerie possible — succession des dix événements E1 ou E2, dans une session de caractéristiques physiques ou comportementales. Comme nous souhaitions pouvoir comparer entre elles les différentes conditions d’imagerie, nous avons utilisé le même modèle de réponse hémodynamique pour les quatre types d’événements d’imagerie. Nous les avons modélisés comme des événements brefs induisant une réponse BOLD immédiatement après la fin de l’instruction verbale.

Nous avons aussi modélisé les autres effets attendus du protocole. En l’occurrence, nous avons construit deux covariables pour l’instruction visuelle et le repos de 14 sec en début de session ; une covariable pour les vingt instructions auditives (deux par essai) ; et une covariable pour la réponse motrice tenant compte des temps de réaction de chaque sujet.

De plus, afin de prendre en compte les tendances de basses fréquences, nous avons complété le modèle de chaque expérience par une série de fonctions cosinus de périodes supérieures à 60 secondes, ce qui correspond approximativement au double de la période d’un essai.

Comme prévu, nous avons pu vérifier qu’il existait une assez forte corrélation entre les covariables du modèle (cf. Figure 45). Nous savons que, dans ces conditions, les tests perdent de leur sensibilité, car la partie du signal qui est expliquée à la fois par des covariables testées et des covariables non-testées n’est pas prise en compte dans le test. Dans cette expérience pourtant, il est justifié que l’activité du cortex visuel primaire soit attribuée en priorité aux événements de perception visuelle et d’imagerie mentale par rapport aux événements moteurs et auditifs. Nous avons donc orthogonalisé le modèle de façon hiérarchique.

è Orthogonalisation

hiérarchique è

Figure 45 : Modèles pour une session d’expérience d’imagerie mentale ;

Modèle initial, à gauche, avec sa matrice de covariance, au centre ; et modèle orthogonalisé, à droite

En pratique, chaque covariable a été orthogonalisée par rapport à l’ensemble des précédentes ; l’ordre des covariables ayant été décidé en fonction de la priorité que nous souhaitions attribuer aux fonctions explicatives : événement visuel, événements d’imagerie, puis événements auditifs et moteurs. Toutes les covariables ont ainsi été rendues indépendantes et le signal au départ commun aux événements de réponse motrice et d’imagerie mentale a été intégralement attribué aux événements d’imagerie. En contrepartie, il est bien évident que ce modèle est uniquement adapté à l’analyse de l’activité dans V1 et ne conviendrait pas à l’étude du cortex moteur, par exemple.

6.4.2 Tests effectués

Nous avons calculé les quatre cartes statistiques F testant l’effet des quatre types d'événements d’imagerie (E1 ou E2, dans une session de caractéristiques physiques ou de caractéristiques comportementales). Nous avons également testé les contrastes entre les deux conditions d’imagerie — caractéristiques « physiques » vs. « comportementales ». Nous avons enfin effectué le contraste comparant les deux événements E1 et E2.

Nous avons imposé un seuil de probabilité p < 0,001 aux cartes de tests T et F ainsi obtenues. Les tests étant réalisés spécifiquement dans le cortex visuel primaire, sur les voxels situés le long de la fissure calcarine, nous n’avons pas effectué de correction de la probabilité pour la multiplicité des tests.