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4.2 Problèmes théoriques et pratiques liés aux protocoles événementiels

4.2.2 Analyse

Lorsqu'on analyse les réponses événementielles, l'essentiel de l'information se situe dans les périodes de croissance et de décroissance du signal. La situation est en donc très différente des paradigmes en bloc pour lesquels l'information se trouve principalement dans les phases « en plateau », où le signal BOLD est approximativement stabilisé à une valeur de saturation. C'est pourquoi les paradigmes événementiels, bien plus que les paradigmes en blocs, nécessitent d'utiliser d'un modèle de la réponse impulsionnelle hémodynamique.

1 Ordre d’acquisition des coupes en événementiel

Les premiers protocoles événementiels d'IRMf ont d'abord été conçus pour étudier le signal d'une région cérébrale donnée avec une résolution temporelle élevée. Par exemple, Buckner et al. (1996) ont utilisé un temps de répétition (TR) d’une seconde pour explorer le langage dans le cortex préfrontal, alors que Schad et al. (1995) et Wiener et al. (1996) avec des TR de 80 ms et 320 ms se limitaient au cortex visuel et moteur. Les limites techniques obligeant à un compromis, il n'est pas encore possible de cumuler haute résolution spatiale et haute résolution temporelle. Néanmoins, il est possible de choisir le compromis opposé et d'utiliser les paradigmes événementiels à des fins exploratoires. Il s'agit, dans ce cas, d'acquérir le volume cérébral entier, quitte à augmenter TR pour cela.

De manière générale, la détection de la réponse hémodynamique à une stimulation de très courte durée ou à des événements isolés est assez délicate. Premièrement, les stimuli très courts risquent d'entraîner une réponse métabolique moins forte. Deuxièmement, la structure fréquentielle de la réponse événementielle est modifiée par rapport aux réponses issues d'un paradigme en bloc. Elle contient, en particulier, plus d'information dans les hautes fréquences. Il semble donc important d’optimiser l'acquisition afin de préserver autant que possible le spectre des réponses événementielles.

Il faut savoir que de nombreuses séquences IRM sont fondées sur une acquisition entrelacée des coupes (acquisition de toutes les coupes impaires, puis de toutes les coupes paires). L'acquisition entrelacée est connue pour optimiser le rapport signal sur bruit des images par rapport à une acquisition séquentielle (Song et al., 1997). En revanche, les coupes contiguës sont acquises à des temps très différents. Par exemple, si le TR est de 6 secondes le délai d'acquisition entre coupes adjacentes atteint 3 secondes (voir Figure 30).

Acquisition entrelacée TR/2 TR/2 Acquisition séquentielle TR TR (...) 1 2 34 TR/2 (...) (...) 1 3 5 24 6 TR/2

Dans ces conditions, un mouvement du sujet perpendiculairement au plan des coupes n'aura pas pour seule conséquence un déplacement des structures cérébrales dans l'image, il entraînera également un décalage de l'échantillonnage temporel du signal dans les coupes concernées (voir Figure 31).

Volume d’intérêt

dans la coupe 1 Mouvement du sujet

Volume d’intérêt déplacé dans

la coupe 2

Echantillonnage du signal selon la coupe d’origine Coupe 1

Coupe 2

Figure 31 : Mouvement et erreur d'échantillonnage temporel

Au moment de la correction de mouvement, l'interpolation spatiale entre coupes adjacentes aura pour effet de transformer ces erreurs d'échantillonnage en un lissage temporel du signal des voxels concernés par le mouvement. Le risque étant, en pratique, de réduire par ce lissage la variation de signal liée à l'activité cérébrale, et de minimiser ainsi nos chances de détecter cette activité.

Considérons maintenant l’acquisition séquentielle. Le fait d’exciter successivement deux coupes adjacentes dont les profils de sélection — jamais parfaitement rectangulaires — se superposent, entraîne une perte de signal sur le bord de ces coupes. En effet, la zone de superposition des profils subit la deuxième impulsion radiofréquence trop tôt pour que le signal longitudinal n’ait eu le temps de repousser. En absence totale de mouvement, le rapport signal sur bruit est donc moindre que pour l’acquisition entrelacée. Dans le cas d’un mouvement du sujet, en revanche, on risque de voir apparaître un effet différent selon la direction du mouvement. On peut s’attendre à une perte de signal accrue si le mouvement entraîne un élargissement de la zone de superposition, et au contraire à une augmentation du signal si la zone de superposition est réduite. Si les mouvements du sujet sont suffisamment fréquents, le caractère aléatoire du phénomène pourrait augmenter le niveau de bruit dans le signal et, par ce biais, diminuer aussi nos chances de détecter l’activité cérébrale.

Nous avons donc cherché à évaluer dans quelles conditions d’acquisition les divers effets liés au mouvement des sujets étaient les plus importants. Nous avons tout d’abord utilisé des simulations pour illustrer l’influence de la correction de mouvement. Nous avons ensuite réalisé plusieurs expériences afin de tester, en conditions réelles, l’effet de l’ordre d’acquisition des coupes sur le niveau de signal et la détection d’activité.

2 Simulations

Pour mettre en évidence les effets de la correction de mouvement sur l'amplitude d'un signal d'activation, en fonction du type d'acquisition, nous avons effectué une simulation très simple. Nous nous sommes donné une colonne de 20 voxels, modélisant les coupes adjacentes acquises lors d'une séquence IRM. Sur ces 20 coupes, nous avons considéré que les 5 coupes centrales (8 à 12) présentent un signal d'activation. Nous avons modélisé ce signal d'activation par une sinusoïde de période 15 sec et d'amplitude 5 à laquelle nous avons ajouté un bruit gaussien centré de variance 1. On peut noter que ce rapport, qui correspond à un Z-score de 5, est représentatif des niveaux d’activité couramment rencontrés. En dehors des zones activées, le signal est uniquement constitué de bruit gaussien. Nous avons ainsi construit pour chaque voxel de la colonne un pseudo-signal IRM comportant une centaine d’échantillons temporels,

de façon à simuler autant d'acquisitions de volumes cérébraux. Afin de rendre compte d'un ordre d'acquisition séquentiel ou entrelacé des coupes, l'instant du premier échantillonnage temporel dépend du numéro de coupe (cf. Figure 30). Le pas d'échantillonnage correspond à la valeur choisie du TR.

Dans un deuxième temps, nous avons imposé une translation le long de la colonne de voxels, afin de simuler une correction de mouvement perpendiculaire au plan des coupes. Cette translation a été réalisée, pour chaque acquisition concernée (dans l’exemple qui suit, il s’agit des acquisitions 10 à 20), en introduisant un déphasage dans l'espace de Fourier, ce qui revient, en pratique, à effectuer une interpolation spatiale à l'aide d'un sinus cardinal.

La Figure 32 montre en exemple des signaux temporels bruts simulés et les signaux obtenus après correction pour un mouvement d'une demi-épaisseur de coupe (signaux tronqués à la 40ème acquisition). Pour la simulation, nous faisons l’hypothèse que les signaux proviennent de voxels entièrement inclus dans la source d'activité.

Afin d'évaluer la perte de signal dans différentes conditions d'acquisition, nous avons testé à la fois plusieurs valeurs de TR et plusieurs amplitudes de translation. La Figure 33 résume les principaux résultats de ces simulations. La perte de signal est mesurée par le rapport entre la variance du signal après correction de mouvement et la variance du signal brut. Pour un TR moyen (4 sec), la perte de signal est maximale quand le mouvement avoisine un demi-voxel. Réciproquement, pour un déplacement simulé d'un demi-voxel, l’amplitude de signal est indépendante de TR, dans le cas de l'acquisition séquentielle ; mais le signal est de moins en moins détectable à mesure que TR croît, dans le cas de l'acquisition entrelacée.

Cette perte croissante de signal dans le cas de l'acquisition entrelacée s'explique par le fait qu'on moyenne deux signaux périodiques de plus en plus déphasés dans le temps. Avec un TR de 6 sec, pour lequel le déphasage du signal entre deux coupes adjacentes devient grand par rapport à la période des signaux d'activation (3 secondes d'écart entre coupes adjacentes, pour un signal de périodicité 15 secondes), cette baisse d'amplitude atteint environ 40%.

Notons que cette perte de signal n’est liée qu’à une translation ponctuelle, et non à un mouvement continu du sujet. Dans chaque simulation, on suppose que le sujet conserve la même position pendant toutes les acquisitions sur lesquelles la perte de signal est évaluée. Dans l’exemple de la Figure 32, on supposait que le sujet se déplaçait d’une demi-coupe à la 10ème acquisition, gardait ensuite la même position pendant 10 acquisitions et reprenait sa position initiale à partir de la 20ème acquisition. La perte de signal était évaluée sur les acquisitions 10 à 20.

Nous pourrions imaginer une simulation plus réaliste prenant en compte l'étape d'acquisition dans la formation du signal des coupes. Pour cela, il faudrait modéliser une source d'activation, puis simuler l'échantillonnage spatial et temporel de cette source lors de l'acquisition des différents volumes au cours du temps, en introduisant un mouvement de la source par rapport aux plans des coupes. De cette façon, nous pourrions tenir compte des effets de volume partiel dans la simulation du signal brut. Cependant, cette nuance n'aurait d'effet que sur les voxels limitrophes de la source d'activité et nous obtiendrions, pour les voxels complètement inclus dans cette source, des résultats très similaires aux précédents.

Figure 32 : Simulation du signal avant et après correction de mouvement, pour des acquisitions séquentielles (SEQ) et entrelacées (ENT); en haut, TR = 6 sec ; en bas, TR = 3 sec

Figure 33 : Estimation de la perte de signal liée à la correction de mouvement ; à gauche, en fonction de l'amplitude de la translation ; à droite, en fonction du TR

En tout état de cause, une simulation parfaitement réaliste est impossible. Elle supposerait d'abord de connaître parfaitement l'origine du signal IRM, et en particulier l'allure du « bruit » physiologique, la taille des sources d'activation dans le cerveau et la manière dont leur signal est lissé spatialement à l'acquisition. D'autre part, il faudrait tenir compte de l'erreur commise dans la phase de correction de mouvement. Enfin, il faudrait pouvoir caractériser les mouvements réellement effectués par les sujets, notamment en fréquence et en amplitude.

Cette liste des limitations liées à la simulation du signal IRM est loin d'être exhaustive. De plus, il faudrait tenir compte, dans une simulation réaliste, de toute la cascade de traitements effectuée sur les images brutes avant l'étape d'analyse des données. Pour ces raisons, il nous a donc semblé que seule l'approche expérimentale permettrait de répondre de façon satisfaisante à la question posée par le choix de l'ordre d'acquisition des coupes en IRM fonctionnelle.

3 Niveau de signal et détection d'activité dans un protocole

en blocs