• Aucun résultat trouvé

À ce niveau, nous avons défini, d’un côté l’hypothèse générale et, de l’autre côté les hypothèses secondaires.

4.1. Hypothèse générale

Comme hypothèse générale, nous posons que les usages et les représentations sociales que les élèves du LGL et du LB de Yaoundé construisent autour de l’ordinateur, révèlent cette technologie dans ses aspects techniques, scolaires et socio-quotidiens, c’est-à-dire telle qu’elle est effectivement utilisée, vécue et intégrée dans leur univers scolaire, social et cognitif. En dehors des dimensions techniques et scolaires qui sont collectivement partagées, les aspects socio-quotidiens apparaissent différenciés selon les différentes catégories d’apprenants et selon les divers contextes d’utilisation de cet outil. Approcher l’appropriation d’une technologie en combinant l’étude des usages et des représentations sociales, permet de révéler les formes et significations de l’appropriation, mais aussi son contenu, son organisation et sa conception comme un champ symbolique de positionnement des acteurs. Cette approche permet aussi la mise en œuvre d’une démarche globale et participative de l’innovation technologique à l’école.

4.2. Hypothèses de recherche

Comme en ce qui concerne les questions de recherche, nous avons organisé les hypothèses de travail autour de deux articulations majeures : l’observation des usages et l’examen des représentations sociales.

Au niveau du premier axe, nous avons défini les hypothèses suivantes :

H1 : Les usages de l’ordinateur par les élèves du LGL et du LB de Yaoundé combinent les fonctionnalités de la technologie, les finalités scolaires de l’innovation, les

objectifs scolaires de ces élèves et leurs intérêts socio-personnels. Ils sont de diverses formes : scolaires, communicationnelles, ludiques et bureautiques, et vont au-delà des données scolaires de l’innovation. Ils ne sont donc pas toujours conformes aux prescriptions institutionnelles scolaires qui, elles, limitent l’utilisation de l’ordinateur à l’école aux activités d’apprentissage et de communication, d’où le phénomène de détournement de l’innovation (Akrich, 1998 ; De Certeau, 1980).

Nous justifions la formulation de cette hypothèse au regard d’une des considérations théoriques de l’approche de l’appropriation sociale des technologies. Celle-ci indique que dans leurs rapports avec les technologies, les individus s’y accommodent et s’y arrangent toujours, aux fins de les transformer et d’en étendre l’utilisation (Kiyindou, 2011). C’est ce que De Certeau (1980), Jauréguiberry (2008) et Laulan (1985) appellent le détournement d’usage, c’est-à-dire le fait que les usages effectifs d’une technologie vont au-delà de ceux permis et prescrits. Pour Paquelin (2009), cela constitue l’expression même de l’appropriation de cette technologie, c’est-à-dire une forme d’opposition ou de négociation du monde des utilisateurs finaux, avec le monde de la production rationnalisée et institutionnalisée, c’est-à-dire celui des innovateurs et des usagers prescripteurs (De Certeau, 1980). C’est ce que nous démontrerons au quatrième chapitre, notamment au point concernant les prescriptions et les détournements d’usage de l’ordinateur aux CRM (p. 190-207), ce qui nous permettra de vérifier cette hypothèse H1.

H2 : Parce que les usages de l’ordinateur par les élèves du LGL et du LB de Yaoundé s’inscrivent dans divers contextes (écoles, domiciles, cybercafés et réseaux de pairs), ils en épousent les caractéristiques. Ils se développent en tenant compte des contraintes et des opportunités d’usage qu’offre chacun de ces contextes, d’où la contextualisation d’usages.

Cette variation inter-situationnelle des usages permet aussi de déduire que ces contextes sont interconnectés et interdépendants au regard de la façon dont ces élèves construisent leurs pratiques technologiques.

Nous justifions cette hypothèse au regard du fait que, selon l’approche de l’appropriation, les pratiques technologiques portent toujours les traces du contexte social dans lequel elles prennent place (Millerand, 1999 ; Proulx et Laberge, 1995). Elles ont affaire avec leurs contextes de production (Chambat, 1994a ; Mallein et Toussaint, 1994). La contextualisation et l’interconnexion des contextes d’utilisation de l’ordinateur résultent alors de cette forme d’appropriation, c’est-à-dire de ce que les activités instrumentées s’inscrivent

dans leurs contextes auxquels elles s’adaptent. Elles résultent aussi du fait que la sociabilité technique des utilisateurs se déroule non pas au sein d’un contexte homogène, mais dans des contextes multiples et hétérogènes, ce qui s’accorde avec les logiques de « l’Homme pluriel » (Lahire, 1998), de la socialisation technique (Silverstone, Hirsch et Morley, 1992), des trajectoires d’appropriation (Proulx et Saint-Charles, 2004) et de transfert des compétences (Fluckiger, 2007). Pour vérifier cette hypothèse, nous y avons consacré la deuxième partie du quatrième chapitre (p. 207-221), qui porte sur l’utilisation de l’ordinateur dans ses différents contextes. Le premier point de la troisième partie de ce même chapitre (p.

221-228) contribue aussi à la vérification de cette hypothèse.

H3 : En dehors des usages à caractère scolaire et communicationnel qui constituent l’aspect partagé de l’appropriation de l’ordinateur par les apprenants du LGL et du LB de Yaoundé, les autres pratiques sont différenciées selon le genre des élèves, leur cycle d’études ou leur familiarité avec l’ordinateur.

Certains travaux (Jouët et Pasquier, 1999 ; Jouët, 2003 ; Bernier et Laflamme, 2005) montrent –C’est ici que se trouve une des justifications de cette hypothèse– une certaine construction genrée des technologies. L’une des arguments théoriques de l’approche de l’appropriation consiste d’ailleurs à étudier comment se différencient les pratiques technologiques en fonction des données sociologiques des utilisateurs (Chambat, 1994a ; Millerand, 1999). C’est ce qui fait la symbolique et la signification des usages d’une technologie (Millerand, 1999). Dans notre contexte, cela veut dire que par rapport au contexte commun des élèves et aux différentes catégories de ces usagers, les usages qu’ils font de l’ordinateur, portent des significations et revêtent des formes particulières. Il s’agit alors de discerner les mobiles et le sens que les pratiques technologiques recouvrent pour tel ou tel groupe d’utilisateurs. La vérification de cette hypothèse se fera au quatrième chapitre et plus précisément au point relatif aux usages signifiés et différenciés (p. 228-238).

En ce qui concerne l’examen des représentations sociales de l’ordinateur, nous avons formulé les hypothèses ci-après :

H4 : Les éléments qui constituent la représentation sociale de l’ordinateur chez les élèves du LGL et du LB de Yaoundé, traduisent les dimensions physique, scolaire, communicationnelle, extraordinaire, mystérieuse, positive, négative et ludique de l’appropriation de cette technologie. Pour ces élèves, l’ordinateur est fondamentalement un

objet technique à finalité scolaire et communicationnelle. C’est le noyau central de la représentation sociale de l’ordinateur chez eux.

Nous situons la justification de cette hypothèse dans la perspective de l’approche structurale des représentations sociales (Abric, 1994b ; Flament, 1994). Selon cette approche, une représentation sociale possède un contenu qui est l’ensemble d’informations, d’opinions et d’attitudes à l’égard de l’objet représenté (Flament, 1994). Ces opinions et informations n’ont pas tous la même importance. Elles ne sont pas non plus partagées au même degré par l’ensemble des sujets (Abric, 2003), ce qui veut dire que le contenu d’une représentation est toujours organisé en noyau central et système périphérique (Abric, 1994b). Les cognitions partagées, c’est-à-dire celles qui forment le noyau central, relèvent à la fois de l’objet représenté et de l’environnement commun à ces sujets (Abric, 1993 ; Flament, 1994). Dans notre cas, l’objet représenté est l’ordinateur dans sa dimension technologique et physique ; l’environnement commun est scolaire et communicationnel. Voilà pourquoi, dans notre hypothèse, nous avons structuré ce noyau central autour d’éléments techniques, scolaires et communicationnelles. Nous pourrons vérifier cette hypothèse au cinquième chapitre et plus particulièrement au premier point consacré au contenu et à la structure représentationnels de l’ordinateur (p. 242-266).

H5 : Les positions que les élèves du LGL et du LB de Yaoundé prennent dans le champ de représentation et d’appropriation de l’ordinateur, sont telles qu’elles traduisent la dimension technique de cette technologie, ses fonctionnalités et des jugements de valeur à son égard.

Cette hypothèse s’accorde avec la théorie des principes organisateurs (Doise et al., 1992). Celle-ci invite en effet à envisager les représentations sociales comme « des prises de position de nature différente » (Doise, 1990 : 122) et « divergentes » (Rateau, 2004 : 81). Voilà pourquoi l’hypothèse que nous posons, considère les différents aspects représentationnels de l’ordinateur comme des façons dont les apprenants du LGL et du LB de Yaoundé se positionnent les uns par rapports aux autres et face à l’ordinateur qu’ils s’approprient. Le premier point du sixième chapitre (p. 287-304), relatif aux principes organisateurs des discours autour de l’ordinateur, permettra de vérifier cette hypothèse.

H6 : Les prises de position qui portent sur les éléments du noyau central de la représentation sociale de l’ordinateur ne portent pas de différenciations particulières, puisqu’elles relèvent du contexte collectivement partagé par les élèves du LGL et du LB de

Yaoundé. Quant à celles qui relèvent du système périphériques de cette représentation, elles varient suivant le genre des élèves, leur cycle d’études ou leur familiarité avec l’ordinateur.

Cette hypothèse répond également à l’un des postulats de la théorie des principes organisateurs (Doise et al., 1992). Selon cette théorie, les représentations sociales ne constituent pas des entités isolées. Elles ont affaire avec leurs contextes et conditions de production (Negura, 2007). Pour Doise et al. (1992), ces prises de position sont des constructions ancrées dans des dynamiques et rapports sociaux. Dans notre cas, le genre des répondants, leur cycle d’études, leur familiarité avec l’ordinateur et leurs origines socioéconomiques constituent les principales caractéristiques sociologiques capables de signifier leurs rapports entre eux et avec cette technologie (Matchinda, 2008). Comme l’écrit Negura (2007)14, ces « caractéristiques sociales des individus sont très importantes pour la compréhension réelle des énoncés » représentationnels. Nous pourrons vérifier cette hypothèse au sixième chapitre, notamment au second point consacré justement à l’examen de l’ancrage des prises de position autour de l’ordinateur (p. 304-326).

Tels sont ainsi développés les éléments qui permettent de définir l’objet de notre travail. Mettant au centre de notre préoccupation l’ordinateur et ses usagers finaux que sont les apprenants, ils s’accommodent d’une méthodologie réflexive et orientée vers la prise en compte des paroles et pratiques des répondants.

Documents relatifs