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Dans ce travail, cinq termes apparaissent fondamentaux : l’ordinateur, l’usage, la représentation sociale, l’appropriation et l’innovation techno-scolaire. En tant que tels, le sens de leur utilisation dans cette recherche mérite d’être spécifié.

6.1. Ordinateur

Dans ce travail, nous considérons l’ordinateur tel qu’il est susceptible d’être perçu par les apprenants, c’est-à-dire dans ses dimensions technique, sociale et

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cognitive. De manière générale, il est compris comme un système technologique complexe et automatique de traitement de l’information. Il est composé d’un écran, d’une souris, d’une unité centrale, d’un clavier, etc. Rigollet (2005 : 11) le définit exactement comme un dispositif électronique programmable qui « manipule des lettres, des mots, des phrases, analyse des informations, trie et transfert des données, dessine, joue du piano ou du saxophone et bien d’autres choses ». Cette définition met en évidence plusieurs tâches qui relèvent de l’offre technologique. Connecté à l’Internet, il permet en effet une multitude d’usages : jeux, musiques, traitement de texte, collaboration, communication, recherche, stockage et transmission des données. Cette définition apparaît aussi chez Basque (2005). Elle définit l’ordinateur comme un support qui permet l’utilisation des TIC, c’est-à-dire des « technologies fondées sur l’informatique, la microélectronique, les télécommunications (…), le multimédia et l’audiovisuel, qui […] permettent de rechercher, de stocker, de traiter et de transmettre des informations, et permettent l’interactivité… » (p. 34).

Mais la réalisation de ces tâches qui relèvent de la « logique technique » (Perriault, 1989) fait appel aux gestes des potentiels utilisateurs. Elle nécessite en effet une maîtrise technique et sociocognitive (Jouët et Pasquier, 1999 ; Proulx, 1988), autrement dit une démarche d’apprentissage de la part des usagers (Millerand, Giroux et Proulx, 2001). Cette maîtrise repose sur l’acquisition des savoirs, savoir-faire, connaissances empiriques et représentations mentales, ce qui permet de situer l’ordinateur comme tout autre dispositif technique, non seulement dans sa complexité mais aussi au-delà de sa dimension physique.

Norman (1993) et Millerand (2002 ; 2003) le conçoivent ainsi respectivement comme un

« artefact cognitif » et une « technologie cognitive ».

Comme l’écrit Plantard (1999 : 38), l’ordinateur n’est pas seulement

« l’incarnation solide d’une concentration de logique mathématique. C’est un monde imaginaire constitué de représentation ». C’est aussi un objet qui relève de la « culture matérielle » (Schlereth, 1993 : 240), c’est-à-dire qu’il signifie (Julien et Rosselin, 2005) et dépend de son contexte sociotechnique (Castoriadis, 1985). C’est donc au regard de cette multidimensionnalité que nous avons envisagé l’ordinateur, c’est-à-dire comme un dispositif technologique qui offre une diversité de services, comme un outil cognitif qui fait appel à des apprentissages, représentations, opinions et attitudes, et comme un objet sociotechnique (Akrich, 1990) dont la mise en œuvre articule les logiques d’offre, d’usage, techniques et sociales (Vedel, 1994).

6.2. Usage

Dans un de ses travaux, Millerand (1998) écrit que le terme « usage » peut être utilisé pour signifier à la fois utilisation, pratique et appropriation. Il renvoie ainsi à un continuum de définitions qui vont de l’adoption à l’appropriation en passant par l’utilisation (Breton et Proulx, 2002). Chez Jouët (1993b), il est lié à une manière singulière de faire avec un dispositif technique et se distingue ainsi du concept « pratique » qui paraît plus élaboré et plus englobant. Dans bien des études (Chambat, 1994a ; Jouët et Pasquier, 1999 ; Mallein et Toussaint, 1994) cependant, cette distinction entre usage et pratique n’est pas reprise fondamentalement. Messin (2002) suggère du reste de considérer les usages comme des pratiques ou des usages sociaux. Il soutient que même s’ils ne sont pas stabilisés, les usages ne se développent pas indépendamment de leur contexte social.

D’ailleurs, pour certains auteurs à l’instar de Proulx (2005), l’usage apparaît davantage comme un processus. Messin (2002 : 36) écrit aussi qu’à partir du moment où il est possible « d’en saisir d’emblée les conditions sociales d’émergence et, en retour d’établir les modalités selon lesquelles ils participent à la définition des identités sociales des sujets », les usages peuvent être considérés comme sociaux.

Nous avons d’ailleurs considéré ce que les élèves du LGL et du LB de Yaoundé font avec et/ou sur l’ordinateur comme des usages. Nous avons alors employé ce terme dans le sens qu’en donne Proulx (2005 : 11), c’est-à-dire comme « ce que les gens font effectivement avec les objets et dispositifs techniques ». Dans cette perspective, nous avons considéré l’usage de l’ordinateur dans son effectivité et réalité. Son sens va donc au-delà de ce qui est prescrit. Nous l’avons aussi considéré comme un processus, c’est-à-dire comme une réalité qui se construit à la fois dans sa dimension technique, sociale et cognitive. En prenant en compte ces considérations, nous avons défini les usages comme des tâches, actions et activités à connotations techniques, sociales et cognitives qui sont effectivement réalisées avec une technologie. Mais en raccourci, nous avons souvent désigné l’usage de l’ordinateur comme ce qui y est effectivement fait.

6.3. Représentation sociale

Le verbe « représenter » dérive du latin « repraesentare » et signifie littéralement

« rendre présent ». Se représenter un objet désigne alors l’action de le rendre perceptible au moyen d’une image ou d’un symbole (Jodelet, 1989), ce qui nous permet de concevoir une représentation sociale comme une symbolique dont le contenu se rapporte à un objet.

Plus exactement, nous la considérons comme un phénomène sociocognitif qui interprète et

traduit sémantiquement un objet chez et/ou par un individu ou un groupe dans un contexte donné. Elle permet alors de renseigner sur la façon dont cet objet est approprié (Abric, 1994a). Nous l’envisageons donc dans sa dimension à la fois cognitive et sociale et dans son rapport avec l’objet représenté, le sujet qui se le représente et le contexte dans lequel elle se construit (Jodelet, 1989 ; Martin et Royer-Rastoll, 1990). Nous l’avons aussi étudiée dans le sens qu’elle a chez Jodelet (1989 : 365), c’est-à-dire comme « une forme de connaissance spécifique […] dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués ». Étudier la représentation sociale de l’ordinateur chez les élèves du LGL et du LB de Yaoundé revient ainsi à examiner les savoirs qu’ils y partagent et à en explorer l’objectivation et l’ancrage. Par représentation sociale, nous avons aussi entendu l’ensemble « des principes générateurs de prises de position liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les processus symboliques intervenant dans ces rapports » (Doise, 1990 : 124).

En combinant les deux définitions ci-dessus, celle de Jodelet (1989) et celle de Doise (1990), nous avons situé le sens du concept représentation sociale dans deux grands courants : celui du noyau central (Abric, 1994) et celui des principes organisateurs (Doise, et al., 1992). Si le premier permet de l’envisager du point de vue de son contenu et de son organisation, le second quant à lui permet de l’étudier en tenant compte de son ancrage socio-psychologique. Dans cette perspective, nous avons entendu la représentation sociale comme un système d’opinions, d’informations, d’attitudes et de croyances que des individus ou groupes tiennent à l’égard d’un objet. Elle est organisée, socialement ancrée et symbolique. Dans un sens plus large, nous avons très souvent désigné la représentation sociale de l’ordinateur comme ce qui en est socialement pensé.

6.4. Appropriation

Selon Proulx (2001b : 142), l’appropriation désigne « la maîtrise (technique et cognitive) et l’intégration créatrice d’éléments de cette culture numérique dans la vie quotidienne des utilisateurs individuels et des collectivités ». Il la présente comme l’aboutissement du processus d’usage, qui résulte ainsi de la combinaison de trois conditions nécessaires et suffisantes : la maîtrise technique et cognitive de l’objet technique, l’intégration de l’usage de cet objet dans le quotidien des utilisateurs, et la possibilité de créer avec cette technologie (Proulx, 1988). Si dans un sens, nous considérons l’appropriation comme Proulx (1988 ; 2001a), c’est-à-dire dans sa dimension technique, cognitive et sociale, nous l’envisageons aussi comme un processus dynamique (Bianchi et Kouloumdjian, 1986 ;

Compiègne, 2011 ; Hamon, 2006 ; Mallet, 2004), plutôt qu’une situation stabilisée (Proulx, 1988). En tant que tel, nous pouvons faire l’hypothèse qu’elle possède un contenu qui lui permet d’exister et d’être à l’œuvre dans un contexte donné.

En prenant comme base la définition qu’en a donné Proulx (2001a), nous considérons également que l’appropriation d’une technologie, c’est-à-dire sa maîtrise technique et cognitive et son intégration sociale, peut être identifiée et repérées à travers les usages et les représentations sociales que les individus et groupes y développent. C’est dans ce sens que nous avons étudié l’appropriation de l’ordinateur par les apprenants du LGL et du LB de Yaoundé comme l’expression cognitive et sociotechnique de leurs rapports avec cet objet technique. Nous l’avons alors entendue comme l’expression technique, sociale et cognitive de ce que ces gens font effectivement avec la technologie (usages) et de ce qu’ils en pensent socialement (représentations sociales). L’approche de l’appropriation que nous développons, s’inscrit d’ailleurs dans cette acception.

6.5. Innovation techno-scolaire

Dans ce travail, nous avons considéré l’intégration de l’ordinateur dans l’école au Cameroun et notamment au LGL et au LB de Yaoundé comme une innovation techno-scolaire, c’est-à-dire comme une innovation de type technologique mise en œuvre dans un contexte d’enseignement-apprentissage. C’est donc une innovation à la fois technologique et scolaire. Comme l’écrivent d’ailleurs Charlier et Peraya (2003), « introduire les TIC dans un dispositif de formation ou d’apprentissage est une innovation technologique ».

Dans notre contexte, au moins trois raisons permettent de justifier le caractère innovant de l’introduction de l’ordinateur à l’école.

La première est sa nouveauté (Bâ, 2003 ; Baba Wamé, 2005 ; Mallet, 2004). Quant à la seconde raison, elle est liée à l’objectif de changement (Depover et Strebelle, 1997) que les décideurs scolaires et les promoteurs des TIC à l’école lui ont assigné. Les discours (Fonkoua, 2010 ; Mvesso, 2006 ; Onguéné Essono, 2009 ; Tchombé, 2006) tenus dans ce cadre, soutiennent en effet que cette entrée de l’ordinateur à l’école favorisera la modernisation du système éducatif camerounais, de nouvelles façons d’apprendre et d’enseigner, la mise en œuvre de l’approche par compétence et l’ouverture des enseignants et apprenants au monde extérieur. Enfin, la troisième raison est que cette introduction scolaire des TIC dans ce contexte est envisagée comme une réponse à des situations pédagogiques estimées insuffisantes (Le Guen, 2002). Ces situations sont ici notamment l’échec scolaire,

l’accès à l’éducation, l’effectif pléthorique des élèves dans des salles de classe et les besoins en termes de formation des enseignants et de professionnalisation de la formation. Pour ces trois raisons avancées pour justifier l’intégration de l’ordinateur dans l’école au Cameroun, nous avons étudié ce phénomène comme une innovation techno-scolaire.

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