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1.2 Etudes de stabilité de couche limite décollée laminaire

1.2.4 Hypothèse d’une transition convective/absolue

A travers les études précédentes, il fut supposé que les fluctuations se déplaçaient suivant le sens de l’écoulement. Par suite, une étude de stabilité spatiale indiquait les vitesses de phase, taux d’amplification et longueurs d’onde associés aux ondes d’instabilité. Néanmoins, de telles études spatiales s’avèrent, dans certaines configurations, erronées et il est alors nécessaire d’étudier le comportement spatio-temporel des perturbations. Deux catégories d’instabilité se distinguent ainsi au sein d’un écoulement ouvert, une instabilité convective et une instabilité absolue.

Les premières notions en mécanique des fluides d’instabilité convective et absolue sont apparues dès les années 60 [38] mais se développèrent essentiellement dans les années 80 à travers les travaux de Huerre & Monkewitz [51]. La réponse à une impulsion localisée en espace et en temps d’un écoulement ouvert fut considérée. Si l’énergie ainsi injectée, prenant la forme d’un paquet d’onde, est advectée tout en s’amplifiant en temps, suivant la direction de l’écoulement, celui-ci est convectivement instable. C’est le cas par exemple d’une couche limite de plaque plane de type Blasius, discutée dans les sections précédentes. Il vient qu’en absence

Chapitre 1. Avant propos

Fig. 1.7 – Lignes de courant durant un cycle, issues de la simulation numérique directe de décollement de plaque plane, de Pauley et al. [66] à Rex= 1250544, pour un certain profil de succion.

1.2. Etudes de stabilité de couche limite décollée laminaire.

Fig. 1.8 – Evolution du paquet d’onde dans un plan espace temps, suivant une instabilité convective ou une instabilité absolue, à droite et à gauche respectivement.

très peu sensible au bruit extérieur. Il agit alors comme un oscillateur auto-entrenu, battant à la fréquence de l’instabilité absolue. Les perturbations croissent sur place et contaminent par la même occasion tout l’écoulement. Ceci est mis en lumière sur la figure 1.8, où nous observons les deux comportements du paquet d’onde selon des diagrammes en espace et en temps, relatifs à une instabilité convective et absolue.

1.2.4.1 Notion d’instabilité globale à partir des analyses locales de stabilité ab- solue.

Ces concepts, valables pour des écoulements parallèles, ont par la suite été étendus à des écoulements faiblement non parallèles. L’enveloppe de la perturbation est donc prise comme dépendante faiblement de x. Par suite, le problème de stabilité définit un problème aux valeurs propres où les directions y et x sont prises comme des directions propres. A l’aide d’un déve- loppement WKB de la solution, Chomaz et al. ont établi [50] que l’existence d’une "poche" d’instabilité absolue au sein de l’écoulement est une condition nécessaire, mais non suffisante, d’apparition d’une "instabilité globale". Celle-ci induit alors un comportement intrinsèque à l’écoulement, imposant la formation de structures cohérentes à la fréquence de l’instabilité globale. Le mode global s’écrit de la manière suivante :

q = ˆq (X, y) exp (−iΩGt) (1.16)

avec < (ΩG) la pulsation à laquelle bat la perturbation et = (ΩG), le taux de croissance. Ces derniers se déterminent par l’étude du point selle Xsdans le plan complexe (Xr, Xi), via [22] :

G= Ω0(Xs) , avec ∂Ω∂X0 (Xs) (1.17) où Ω0(x) désigne l’évolution du mode absolu local. En particulier, de telles analyses, par la suite développées au régime non linéaire (Chomaz & Couairon en 1997 [25]), ont pu expliquer le déclenchement de l’allée tourbillonnaire de Von Karman d’un sillage de cylindre (B. Pier 2002 [69]), où une bonne approximation de la fréquence de battement fut trouvée. Néanmoins, l’approximation de faible parallélisme s’est révélée délicate dans la prédiction du nombre de

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émergèrent dès les années 90. En particulier, l’analyse de Hammond & Redekopp [46] de 1998, reposant sur l’étude d’un bulbe modèle construit à l’aide d’une famille de profils de Falkner- Skan, a identifié la possibilité pour un écoulement décollé, de manifestation d’une instabilité globale. En outre, elle souligna l’importance de l’écoulement de retour, supérieur à 30 %, dans l’amorce de ce comportement. Une étude sur un profil analytique de Alam & Sandham [2] ajusta la dépendance en nombre de Reynolds de ce critère. Enfin, l’étude paramétrique de Rist & Maucher [74] affina l’importance des paramètres influant le déclenchement d’une instabilité absolue, comme par exemple la hauteur de la couche de mélange.

Malgré ces avancées importantes dans la compréhension de la dynamique d’écoulements décollés, aucune publication scientifique, jusqu’à aujourd’hui, n’a démontré clairement le lien entre la transition d’une instabilité convective à une absolue, et les propriétés d’un bulbe long. Toutefois, il semble clair qu’un décollement peut faire l’objet d’une instabilité extrinsèque, très sensible au bruit extérieur, liée à l’aspect fortement convectif des ondes d’instabilités KH, ou encore être caractérisé par une instabilité intrinsèque, régissant globalement le comportement des perturbations. En particulier, ce comportement globalement instable a été complètement identifié dans des configurations diverses faisant intervenir des zones de recirculation, à travers des confrontations entre simulations numériques directes et études de stabilité locales.

1.2.4.2 Illustration de comportements globaux à travers des simulations numé- riques directes d’écoulement décollé.

Les DNS de décollement se développant sur une plaque plane de Fasel & Postl [33] éclair- cirent le comportement bidimensionnel d’un bulbe globalement instable et les travaux théo- riques de Hammond & Redekopp [46] sur un écoulement réaliste. En effet, l’imposition d’une force de succion, induisant un large décollement, établit la transition d’un écoulement globa- lement stable, à celui de globalement instable. La figure 1.9(a) illustre ce phénomène, à l’aide d’une représentation de l’évolution spatio-temporelle de la valeur de la perturbation, liée à la vorticité à la paroi. Il apparaît alors un lâcher de structures cohérentes, ou encore "vortex shedding", synchronisées à la fréquence de l’instabilité globale (voir figure 1.9(b)).

Une étude similaire, où la zone de recirculation est créée géométriquement, à l’aide de deux bosses, permettant la décélération puis l’accélération de l’écoulement, fut menée par Marquillie & Ehrenstein en 2003 [62]. Une instationnarité non forcée apparut à partir d’un certain nombre de Reynolds. La figure 1.10 représente la structure spatiale de la perturbation, suivant la vitesse longitudinale, liée à l’instabilité globale. De plus, une analyse locale, suivant les travaux de Couairon & Chomaz [25], autorisa une détermination théorique de la fréquence de l’instabilité globale. Celle-ci s’avéra identique à celle obtenue par une transformation de Fourier du signal issu de la simulation numérique directe.

Par conséquent, il paraît clair, malgré les hypothèses d’un écoulement faiblement inhomo- gène suivant x, qu’il peut exister un lien entre l’apparition d’un comportement intrinsèque du décollement et la présence d’une instabilité globale, caractérisée par une large zone absolument instable.