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I) Contexte

3. Cadre de l’étude : les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien

3.3. Hotspot de biodiversité et déforestation

Le climat des îles du SOOI est également influencé par leur topographie. Madagascar possède une diversité de conditions climatiques du fait de sa large superficie de 592 000 km² associée à des variations altitudinales. La Réunion possède le point le plus haut de l’océan Indien avec le volcan éteint du Piton des Neiges culminant à 3070 m. Seule l’île de Grande Comore présente aussi une haute altitude avec le Karthala d’une hauteur de 2361 m. Le relief de La Réunion offre une variété de milieux avec à l’échelle de l’île, la côte Est exposée au vent et plus humide (que la côte Ouest sous le vent). D’autre part, une variation climatique interne due au gradient altitudinal est plus forte à La Réunion qu’à Maurice et à Rodrigues (Figure I-11). Le gradient climatique structure la végétation où les îles les plus hautes possèdent un plus large panel d’habitats (Cadet, 1980, Le Péchon, 2009). En plus de ces conditions climatiques et topographiques exceptionnelles, Madagascar et les archipels du SOOI possèdent une diversité d’habitats importante. Les fortes pluviométries et températures chaudes permettent à des forêts tropicales de se développer sur ces îles.

Toutefois, certains types de végétation comme les forêts éricoïdes (formation à bruyères de montagne) ne se retrouvent qu’au-delà des 1000 m d’altitude et ne sont pas présentes dans toutes les îles du SOOI (La Réunion, Madagascar et Grande Comore). En revanche, toutes les îles présentent des végétations de basse altitude soumise à des températures plus sèches comme les savanes ou forêts sèches.

3.3. Hotspot de biodiversité et déforestation

Selon Myers et al. (2000), Madagascar et les archipels alentours (Mascareignes, Seychelles et Comores) sont considérés comme l’un des 35 points chauds de biodiversité, zones géographiques les plus riches en espèces endémiques et les plus menacées par la disparition des habitats naturels originaux (Figure I-5 et I-6). Madagascar et les trois archipels alentours concentrerait au moins 13 000 espèces de plantes dont 11 600 endémiques, dont 183 espèces endémiques d’oiseaux (sur un total de 313 décrites), 367 espèces endémiques de reptiles (sur 381), 97 espèces endémiques de poissons d’eaux douces (sur 164), 249 d’espèces endémiques

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Figure I-12 : Scénario de colonisation et de diversification des insectes de l’ordre Phasmatodea à La Réunion et à Maurice. Selon le modèle stepping-stone, les ancêtres des phasmes endémiques (voir photos) sont passés par les îles émergées lors de la variation du niveau des océans et s’y sont diversifiés avant de coloniser les Mascareignes. En bas, a) couple d’Apterograeffea reunionensis (La Réunion), b) mâle d’Epicharmus marchali (Maurice) et c) femelle Rhaphiderus spiniger. Source : (Bradler et

35 d’amphibiens et 192 espèces de mammifères endémiques (sur les 200 décrits) (Mittermeier et al., 2011). Toutefois, ce nombre n’est pas définitif et certains groupes comme les macro-invertébrés, sont sous-estimés. Les dernières études ont recensé un peu moins de 5 800 espèces d’invertébrés à Madagascar dont 86% sont endémiques

(Goodman and Benstead, 2005), tandis qu’aux Seychelles plus de 3 600 espèces

d’invertébrés ont été identifiés dont 80% seraient endémiques (Gerlach, 2012,

Gerlach, 2003). La radiation évolutive de certains groupes d’espèces dans ce large

système insulaire a pu être démontrée par l’usage d’outils moléculaires, comme le cas des oiseaux du genre Foudia ou Zosterops (Warren et al., 2012, Warren et al., 2006), des coléoptères de la tribu des Cratopini (Kitson, 2012) ou encore des orchidées du genre Angraecum (Micheneau et al., 2008). De nombreuses espèces endémiques dans les archipels du SOOI notamment dans les Mascareignes trouvent leur origine à Madagascar. Toutefois, l’étude de Warren et al. (2010) montre que la biodiversité de la région SOOI possède également des origines asiatiques.

La colonisation des îles du SOOI par des espèces si distantes géographiquement peut s’expliquer par les évènements climatiques liés aux moussons mais surtout par le modèle stepping–stones (Figure I-9). Cette stratégie de colonisation consiste pour une espèce donnée, à s’installer progressivement dans les îles de proche en proche. Dans le SOOI, ce processus pourrait être congruent avec les datations des phylogénies démontrant des affinités asiatiques chez les oiseaux des genres Zosterops, Hypsipetes, Psitticula, Otus et Aerodramus (Warren et al., 2010). Le niveau des océans aurait extrêmement varié avec des intervalles allant de 80 m plus bas que le niveau actuel il y a 1,3 MA à 100 000 ans, jusqu’à 135 m de moins il y a 17 500, 30 000 et 630 000 ans. Ces baisses du niveau de la mer a permis l’émergence de surfaces terrestres du plateau des Mascareignes formant des îles temporaires. Ces îles ont formé « un chemin » entre l’Inde, l’archipel des Mascareignes et Madagascar. Récemment, le modèle stepping-stone a permis d’élaborer les scénarios de dispersion et de colonisation des insectes du genre Phasmatodea (phasme) à La Réunion et Maurice (Bradler et al., 2015). Les phasmes auraient d’abord connus une spéciation sur les îles de Saint Brandon puis auraient continué à évoluer dans les Mascareignes (Figure I-12).

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Figure I-13 : Carte de la déforestation de Madagascar et présentant l’évolution de couverture forestière entre 1950 et 200. Source : (Harper et al., 2007).

37 Toutefois, une partie de la biodiversité exceptionnelle présente dans cette région a déjà disparu suite à la colonisation de ces îles par l’Homme. Certaines espèces se sont éteintes comme le cas du Dodo Raphus cucullatus à Maurice (Quammen, 1996, Cheke, 2014) et de l’ibis de La Réunion Borbonibis latipes (

Mourer-Chauviré and Moutou, 1987) et d’autres sont menacées ou en danger critique

d’extinction comme le coco de mer Lodoicea maldivica aux Seychelles (Rist et al., 2010,

Swabey, 1970) ou encore le lézard vert de Manapany Phelsuma inexpectata à La

Réunion (Sanchez and Probst, 2011). En plus de la dégradation des milieux, l’introduction d’espèces prédatrices comme les rats et les chats impactent la faune indigène (Zavaleta et al., 2001, Magnanou, 2005). Ces pressions s’ajoutent aux perturbations environnementales qui influencent naturellement la biodiversité insulaire comme avec le cas des éruptions volcaniques. À La Réunion, les populations de l’oiseau endémique Coracina newtoni aurait d’abord subit un fort goulot d’étranglement suite à une épisode volcanique il y a environ 5 000 ans, et le déclin de sa population aurait continué à s’accentuer avec l’arrivée de l’Homme via la déforestation et l’introduction de prédateurs (Salmona et al., 2012). La dégradation des habitats par l’Homme menace la biodiversité de ces archipels mais n’atteint pas les mêmes degrés dans toutes ces îles océaniques. Dans les années 1950, la couverture forestière de Madagascar n’était plus que de 27% du territoire alors qu’il a été estimé que 90% de l’île était originalement recouverte de forêts (Harper et al., 2007) (Figure I-13). Entre 1950 et 2000, la déforestation croissante a continué à détruire les habitats originels et la couverture forestière actuelle ne serait plus que d’environ 16%, de plus, ces habitats naturels ont subi une forte fragmentation (Harper et al., 2007).

Il est évident qu’une perte d’habitat rapide provoque des extinctions également rapides dans les communautés végétales et animales établies. Toutefois, la déforestation peut aussi avoir des impacts sur les populations à une échelle plus lente via la fragmentation des habitats. D’ailleurs, Craul et al. (2009) ont montré que la fragmentation de forêts au Nord-ouest de Madagascar a eu un impact sur la diversité génétique et les tailles de populations de lémurien Lepilemur edwardsi.

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Figure I-14 : Carte de la répartition des habitats originaux à La Réunion suite à la colonisation et dégradation des milieux. Source : (Strasberg et al., 2005).

Figure I-15 : Evolution historique du couvert végétal à l’île Maurice. Source : D’après J. Mauremootoo, (Triolo, 2005).

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