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Détermination et distribution des sous-espèces d’A. mellifera

I) Contexte

4. Le modèle d’étude : l’abeille domestique Apis mellifera

4.2. Détermination et distribution des sous-espèces d’A. mellifera

péninsule ibérique et un autre évènement passant par le Moyen Orient (Figure I-20iii). Toutefois, cette origine reste incertaine étant donné que le genre Apis est originaire d’Asie. L’étude de Han et al. (2012) remet en question l’hypothèse de l’origine africaine en analysant différemment les données SNPs et propose de potentielles origines en Asie ou encore en Europe.

4.2. Détermination et distribution des sous-espèces d’A. mellifera

L’abeille mellifère possède une étonnante plasticité écologique, lui permettant d’occuper une variabilité d’habitats comme les oasis du désert africain (Shaibi and

Moritz, 2010), les montagnes alpines (Le Conte and Navajas, 2008), les dômes

volcaniques éthiopiens (Meixner et al., 2011), la bordure de la toundra (Toullec, 2008), les forêts tropicales africaines (Fletcher, 1978, Hepburn and Radloff, 1998) ou encore de nombreuses îles océaniques tempérées (De la Rúa et al., 1998, De la Rúa et al.,

2001b, De la Rúa et al., 2006, Carreck, 2008) et tropicales (

Ralalaharisoa-Ramamonjisoa et al., 1996, Franck et al., 2001, Rasolofoarivao et al., 2015).

Les populations d’Apis mellifera ont divergé par leur éloignement géographique mais aussi de l’occupation de niches très différentes entraînant des adaptations locales. L’alternance des périodes de glaciations et de réchauffements climatiques a contribué à l’isolement géographique de certaines populations. Sur la base de critères géographiques, morphologiques et comportementaux, les divergences ont mené à une sous-spéciation d’A. mellifera (Ruttner et al., 1978) (Tableau I-1). Néanmoins, les différences morphologiques entre ces sous-espèces ne sont pas suffisantes pour créer un isolement reproducteur entre les différentes populations dites géographiques.

Sur la base de critères morphométriques, Ruttner (1988) identifie 24 sous-espèces. Toutefois, la révision taxonomique du genre Apis par Engel (1999) suggère qu’il y aurait 27 sous-espèces valides sur la base de la morphologie (sur plus de 90 descriptions morphologiques). Cette révision montre que certaines sous-espèces ne constitueraient que des écotypes2 comme le cas d’A. m. major (écotype d’A. m.

intermissa).

2 Différents morphes au sein d’une même sous-espèce ou espèce résultant d’une adaptation à des habitats différents

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Table I-1 : Liste des 28 sous-espèces d’Apis mellifera décrites et valides sur la base de critères morphologiques et indication de leur appartenance à une lignée évolutive (A : africaines, M et C : européennes et O : orientale) ou sous-groupe Z (sous-lignée A) sur la base de l’analyse morphométrique, de l’ADN mitochondrial ou du génome. Source : selon Ruttner (1988), Engel (1999),

Sheppard and Meixner (2003), Ilyasov et al. (2011) et Meixner et al. (2011).

Descripteur Morphologie ADNmt SNPs

Afrique tropicale

A. m. adansonii (Latreille, 1804) A A A

A. m. capensis (Eschscholtz, 1822) A A A

A. m. jemenitica (Ruttner, 1976) A A/Y/Z -

A. m. lamarckii (Cockerell, 1906) A Z A

A. m. litorea (Smith, 1961) A A A

A. m. monticola (Smith, 1961) A A -

A. m. scutellata (Lepeletier de Saint Fargeau, 1836) A A -

A. m. unicolor (Latreille, 1804) A A A

Afrique du nord-est

A. m. intermissa (Maa, 1953) M A A

A. m. sahariensis (Baldensperger, 1932) M/A A -

A. m. simensis (Meixner et al., 2011) A A/Y -

Ouest de la Méditérannée

A. m. iberiensis (Skorikov, 1929; renamed by Engel 1999) M M/A M

A. m. mellifera (Linnaeus, 1758) M M M

Méditérannée centrale – Europe du Sud-Ouest

A. m. carnica (Pollmann, 1879) C C C

A. m. carpatica (Foti et al., 1965) - - -

A. m. cecropia (Kiesenwetter, 1860) C C -

A. m. ligustica (Spinola, 1806) C C/M C

A. m. macedonica (Ruttner, 1988) C C -

A. m. ruttneri (Sheppard et al., 1997) M/A A -

A. m. siciliana (Grassi, 1881) C/A A -

Moyen Orient

A. m. adami (Ruttner, 1975) C/O C -

A. m. anatoliaca (Maa, 1953) O C/Z O

A. m. caucasia (Pollmann, 1889) O C O

A. m. cypria (Pollmann, 1879) C C/Z -

A. m. meda (Skorikov, 1929) O Z -

A. m. remipes (Gerstäcker, 1862) O -

A. m. syriaca (Skorikov, 1929) A/O Z O

Asie centrale

49 Au fur et à mesure, de nouvelles sous-espèces ont été décrites comme A. m.

pomonella au Kazakhstan (Sheppard and Meixner, 2003) et A. m. simensis en Ethiopie

(Meixner et al., 2011). Le développement des outils moléculaires a permis de valider

la différenciation morphologique entre ces sous-espèces mais remet aussi en cause certaines déterminations. L’étude génétique (gène mitochondrial ND2) d’Ilyasov et

al. (2011) suggère que A. m. sossimai nouvellement décrite par Engel (1999), n’est pas une nouvelle sous-espèce mais serait un écotype d’A. m. macedonica. L’inverse a aussi été observé avec le cas d’A. m. carpatica considérée comme un écotype d’A. m.

macedonica par Ruttner (1988) et a été réintégrée au rang de sous-espèce par l’analyse du gène de détermination sexuel csd de Wang et al. (2012). De même, certaines sous-espèces comme A. m. artemisa ou A. m. taurica nécessiteraient des révisions taxonomiques intégrant les outils moléculaires à la morphométrie (Ilyasov et al., 2011,

Meixner et al., 2013).

Pour ces raisons, le nombre de sous-espèces d’A. mellifera varie d’un auteur à l’autre et 28 ont été identifiées ici comme étant encore valides en considérant une divergence à la fois morphologique et génétique (Tableau I-1). Selon les données moléculaires, la divergence entre les sous-espèces aurait été datée entre 0,7 et 1,3 millions d’années avec les études de l’ADN mitochondrial (Garnery et al., 1992, Arias

and Sheppard, 2005) tandis que l’étude du génome complet de certaines sous-espèces

suggérerait une différenciation plus récente entre 13 000 à 38 000 ans (Wallberg et al., 2014).

Dans l’Ouest de l’Europe, on retrouve l’abeille noire A. m. mellifera et l’abeille ibérique A. m. iberiensis (anciennement nommé iberica). A. m. iberiensis (Engel, 1999) est indigène de la péninsule ibérique, des îles Baléares et Atlantique (De la Rúa et al., 1998, Radloff et al., 2001). Les Pyrénées auraient joué le rôle de barrière géographique restreignant les échanges entre les populations du Nord de l’Europe avec celles de l’Espagne-Portugal (Miguel et al., 2007). Ainsi A. m. iberiensis se serait différenciée des populations de l’abeille noire A. m. mellifera, naturellement distribuée depuis la France jusqu’en Scandinavie, et s’étendant vers la Russie (Meixner et al., 2007) (Figure I-21).

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Figure I-21 : Carte de la distribution géographique des 28 sous-espèces reconnues d’A. mellifera dans son aire de répartition naturelle avec indication de la répartition des lignées évolutives A, C, M, O et du sous-groupe Z (sous-lignée africaine mais divergente des 4 lignées évolutives au niveau nucléaire).

Source : modifié d’après Ruttner (1988), Engel (1999), Franck et al. (2001), (Alburaki et al., 2013).

51 Concernant la présence de l’abeille noire, A. m. mellifera, sur les îles Britanniques, des preuves biologiques, historiques et archéologiques indiquent qu’elle serait établie depuis au moins 4000 ans (Carreck, 2008).

Dans le reste de l’Europe, la sous-espèce A. m. carnica est naturellement distribuée au centre et à l’Est des pays européens comme en Slovénie et en Croatie (Muñoz et al., 2009). La sous-espèce A. m. ligustica est indigène d’Italie tandis qu’A. m.

siciliana (anciennement nommée sicula) occupe la Sicile (Dall'Olio et al., 2007, Franck

et al., 2000a). En Grèce et dans les îles alentours, plusieurs sous-espèces ont été décrites morphologiquement et génétiquement dont A. m. macedonica, A. m. cecropia,

A. m. cypria, A. m. adami (Meixner et al., 2013). Certaines sous-espèces ont été décrites mais n’ont fait l’objet que de peu d’études comme c’est le cas A. m. ruttneri uniquement décrite sur des critères morphométriques sur l’île de Malte (Sheppard et

al., 1997).

Au niveau du Moyen Orient, quatre sous-espèces ont été décrites comme naturellement présentes en Turquie : A. m. anatoliaca, A. m. caucasica, A. m. meda et A.

m. syriaca et ont été confirmées comme morphologiquement et génétiquement

différentes (Kandemir et al., 2000). A. m. remipes (anciennement nommée A. m.

armeniaca) a été décrite comme naturellement présente en Arménie (Ruttner, 1988,

Engel, 1999).

La découverte d’A. m. pomonella par Sheppard and Meixner (2003) en Asie centrale a permis d’élargir l’aire naturelle de l’abeille domestique. Toutefois, les connaissances sur cette sous-espèce sont limitées car elle n’a fait l’objet que d’une seule étude conjuguant la morphométrie et l’utilisation du gène mitochondrial ND2.

Enfin en Afrique, un total de 11 sous-espèces ont été décrites à ce jour (Engel, 1999, Ruttner, 1988, Meixner et al., 2011, Hepburn and Radloff, 1998). Au Nord de l’Afrique, A. m. intermissa est naturellement présente dans la région marocaine et tunisienne, et A. m. sahariensis se retrouve dans le Sud de l’Algérie où certaines de ces populations restent très « préservées » génétiquement (Bendjedid and Achou, 2014,

Chahbar et al., 2013, Shaibi and Moritz, 2010). La sous-espèce A. m. lamarckii est quant à elle distribuée en Egypte.

53 Toujours dans le Nord de l’Afrique, la sous-espèce A. m. jemenitica possède une aire de distribution assez large s’étendant jusqu’au Tchad, en Arabie Saoudite, en Somalie, au Soudan, au Yémen et en Oman (Figure I-21). A. m. adansonii est la sous-espèce à la plus large aire de distribution couvrant tout l’Ouest de l’Afrique depuis le Sénégal en passant par le Nigéria jusqu’au bassin du Congo, et comprenant aussi les îles proches telles que São Tomé et Principe (Fletcher, 1978). Plus au sud, ce sont les sous-espèces A. m. litorea (plutôt distribuée sur la côte Est africaine, du Kenya au Mozambique) et A. m. monticola (naturellement présente dans les forêts montagneuses comme celles du Mont Kilimandjaro) qui sont décrites (Meixner et al., 1989, Gruber et al., 2013). En 2011, une nouvelle sous-espèce A. m. simensis est décrite en Ethiopie sur la base de 38 caractères morphologiques et est différenciée des populations des autres sous-espèces sympatriques (Meixner et al., 2011). A. m.

scutellata se distribue au niveau de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Botswana, de

la Namibie et remonte aussi en Somalie. Cette sous-espèce est en contact avec A. m.

capensis dont la distribution se restreint au niveau du Cap en Afrique du Sud (Franck

et al., 2001, Hepburn et al., 1994, Hepburn and Radloff, 1998, Hepburn et al., 1998). Enfin, A. m. unicolor a été décrite comme endémique de Madagascar (Figure I-21 et Planche 1).

Si la distribution géographique des sous-espèces semble bien décrite en Europe, la délimitation de leur aire naturelle est moins bien connue en Afrique. L’étude de la diversité génétique des lignées et des populations a permis de montrer la complexité de l’évolution au sein de cette espèce notamment du fait que les sous-espèces sont parfois peu différenciées et peuvent s’hybrider.

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