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1.6.1 Hormonothérapie de 1e génération

1.6.1.1

La Castration Chirurgicale / Médicale

L’hormonothérapie de première ligne vise à induire une privation androgénique. Les testicules représentant la source principale de production d’androgènes, la castration chirurgicale (orchidectomie bilatérale ou pulpectomie) a longtemps constitué le traitement de choix des CaP évolués. Cependant elle fut concurrencée par la castration médicale qui vise à supprimer la sécrétion d’androgènes testiculaires par l’inhibition de la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires :

- soit par désensibilisation des récepteurs hypophysaires de la LHRH au moyen d’agonistes de la LHRH à action prolongée,

- soit par blocage direct des récepteurs hypophysaires de la LHRH au moyen d’antagonistes de la LHRH (Dégarelix, Firmagon®).

Les taux de réponse et la durée de rémission obtenus par la castration chirurgicale, les agonistes et antagonistes de la LHRH sont équivalents. L’avantage des antagonistes est lié à l’absence d’effet flare-up observé avec les agonistes, la rapidité de la chute du taux de testostérone ainsi qu’à priori des effets cardiovasculaires moins marqués.

1.6.1.2

Antagonistes des récepteurs des Androgènes.

• 1ère Génération

Les anti-androgènes constituent la première thérapie ciblée du CaP. L’hydroxyflutamide (métabolite actif du flutamide; Eulexin®, Schering-Plough), le bicalutamide (Casodex®, Astra Zeneca) et le nilutamide (Anandron®, Roussel) sont des antagonistes non stéroïdiens du

stéroïdien. Ils se lient tous au niveau du site de liaison (LBD) du RA pour en inhiber l’activité. Les anti-androgènes non stéroïdiens ont comme particularité d’être plus sélectifs pour le RA et dépourvus d’effets anti-gonadotropes, anti-oestrogéniques et progestatifs. Les mécanismes d’action de ces molécules restent encore obscurs. Plusieurs hypothèses ont néanmoins été émises :

- compétition des anti-androgènes avec les androgènes pour la liaison aux RA ; cependant ces antagonistes de synthèse ont une moindre affinité que le ligand naturel,

- inhibition du transport nucléaire des RA ou augmentation de l’export nucléaire, conduisant à une accumulation cytoplasmique des RA,

- inhibition de la liaison du RA à l’ADN,

- interactions avec le recrutement de co-facteurs. Masiello et al. rapportent ainsi que le complexe RA-bicalutamide se lierait à l’ADN en recrutant des co-répresseurs empêchant ainsi

l’activation de la transcription des gènes cibles 55.

1.6.2 Résistance à la castration

Pendant de nombreuses années les CaP échappant aux hormonothérapies dites de 1e

génération ont été considérés comme hormonorésistants. Il est maintenant communément admis que la voie de signalisation du RA reste active dans cette situation ce qui explique pourquoi ces CaP actuellement dénommés « cancer de la prostate résistant à la castration » (CPRC) peuvent encore répondre à des manipulations hormonales.

La résistance à la castration est définie par la reprise évolutive biologique et/ou clinique du cancer malgré une castration efficace. En effet bien que 80% des patients répondent à la

première ligne d’hormonothérapie, tous les patients présentent une reprise évolutive qui

survient avec un délai très variable après la mise en route de la privation androgénique. Ainsi

plusieurs traitements de 2e ligne ont été proposés aux patients par le passé et qui ont fait place

actuellement aux hormonothérapies dites de 2e génération.

1.6.2.1

Blocage androgénique complet

Lorsque la première ligne d’hormonothérapie a consisté en une castration médicale ou chirurgicale seule, il est possible d’y associer secondairement un anti-androgène afin de réaliser un blocage androgénique complet. En rajoutant un antiandrogène à un agoniste de la LHRH (ou à la pulpectomie), une réponse biologique est obtenue dans 60 à 80% des cas pour

une durée médiane de réponse de 4 à 6 mois. Après progression sous BAC, la règle actuelle est de chercher un syndrome de retrait des anti-androgènes.

1.6.2.2

Syndrome de retrait

Rapporté initialement avec le flutamide en 1993, le syndrome de retrait est observé avec les

autres anti-androgènes (bicalutamide) et l’acétate de mégestrol 56. Ainsi 4 à 6 semaines après

arrêt de l’anti-androgène, approximativement 30% des patients présentent une baisse de plus de 50% de la valeur du PSA, avec une durée médiane de 4 mois.

1.6.2.3

Historique des hormonothérapies de seconde ligne

Le rationnel de l’hormonothérapie de 2e ligne après castration est basé sur le concept qu’une

suppression supplémentaire des influences androgéniques peut entraver la survie et la prolifération de cellules tumorales restant dépendantes de la stimulation par de faibles doses d’androgènes. Trois approches ont été utilisées historiquement pour réduire l’influence ou le taux des androgènes résiduels :

- le recours aux anti-androgènes à forte dose (bicalutamide 150-200mg/j) qui présente une action chez 25% des patients en terme de diminution des douleurs et d’amélioration

subjective des symptômes, mais sans réponse objective 57

- le recours au Diethylstilbestrol (DES), dérivé oestrogénique bloquant la sécrétion de LHRH, avec près de 50% de réponses objectives sur le PSA et 20% sur l’amélioration subjective des

symptômes 58

- le recours à diverses manipulations hormonales visant à bloquer la synthèse de testostérone à partir des précurseurs surrénaliens ou la synthèse intra-prostatique de DHT à partir de la testostérone. Ces manipulations hormonales consistent en l’utilisation des :

• Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de la testostérone en dihydrotestostérone Dans la majorité des tissus-cibles, la testostérone est convertie en DHT par la 5α réductase. Le

finastéride et le dutastéride sont deux inhibiteurs compétitifs de la 5α réductase. Bien que ces

deux molécules soient essentiellement prescrites pour les hyperplasies bénignes de la prostate, les données récentes sur le maintien de l’activité du RA dans l’échappement hormonal tout comme celles sur la synthèse de testostérone de novo dans la tumeur supportent l’idée que les

• Inhibiteurs de la biosynthèse de stéroïdes surrénaliens

Historiquement, le kétoconazole, un imidazole anti-fongique, a été utilisé dans le but d’inhiber de manière non sélective plusieurs enzymes dépendantes des cytochromes P450 impliquées dans la synthèse de stéroïdes surrénaliens, ce qui induisait, à des doses élevées de l’ordre de 1200mg/j, un effondrement des taux circulants de testostérone, d’androstènedione, de DHEA et de DHEAS. La synthèse du cortisol étant également bloquée, un traitement substitutif par glucocorticoïdes y était habituellement associé. Plusieurs études rapportent des taux de réponses objectives transitoires de l’ordre de 20 à 30% au stade de résistance à la castration, mais avec une toxicité qui n’était pas négligeable (asthénie, toxicité cutanée, hépatique et pulmonaire) ce qui à conduit au retrait de l’AMM du kétokonazole.

L’ensemble de ces manipulations hormonales de seconde ligne ont été largement abandonnées en raison des complications métaboliques et l’arrivée récente des

hormonothérapies dites de 2nde génération, incluant des inhibiteurs d’enzymes intervenant

dans la voie de biosynthèse des androgènes avec en chef de file l’acétate d’abiratérone.

1.6.3 Hormonothérapie de 2nde génération

1.6.3.1

Inhibiteurs de la voie de biosynthèse des stéroïdes

L’acétate d’abiratérone (AA) est un inhibiteur sélectif et irréversible du cytochrome CYP17A1 (aussi appelé 17α hydroxylase / 17,20 desmolase) enzyme clé de la voie de biosynthèse de la testostérone au niveau testiculaire, surrénalien mais également intratumoral (Figure 5). Cette molécule a été développée suite à l’observation que les cellules de CaP étaient capables de synthétiser des androgènes au niveau intratumoral par augmentation de l’expression d’enzymes impliquées dans la stéroïdogenèse. Cette stéroïdogenèse autocrine à partir du cholestérol membranaire ou d’androgènes surrénaliens constitue un mécanisme de résistance à la déprivation androgénique qui peut être ciblé par l’AA. Des études encourageantes de phase I et II ont rapporté un taux de réponses, définie par une chute de PSA, de l’ordre de 70% et associé à des réductions tumorales et une amélioration de la qualité

de vie des patients60. Ces résultats ont conduit à deux études de phases III randomisées,

comparant l’abiratérone à un bras placébo chez des patients avec un CPRCm après une 1e

ligne de chimiothérapie par Docétaxel, (COU-AA-301) et des patients chimionaïfs avec un

amélioration de la survie sans progression ainsi que de la survie globale ce qui a conduit à l’obtention de l’AMM de l’acétate d’abiratérone (Zytiga®) dans ces deux indications. De nombreuses études évaluent actuellement l’utilisation de l’abiratérone dans les stades plus précoces de la maladie ainsi que dans des stratégies de combinaisons.

Figure 6 : Voie de biosynthèse des androgènes et cible de l’acétate d’abiraterone

1.6.3.2

Antiandrogènes de 2

nde

Génération: Enzalutamide, ARN509

Une seconde génération d’anti-androgènes avec comme chef de file l’enzalutamide a été développée ces dernières années. L’enzalutamide présente une affinité accrue pour le RA, limite le transport nucléaire, altère la liaison de l’ADN aux éléments de réponse aux

androgènes (ARE) et le recrutement de co-activateurs 63. Dès l’étude de phase I-II,

l’enzalutamide, alors encore appelé MDV3100, avait montré des résultats prometteurs dans les CPRCm avec des taux de réponse du PSA (diminution de plus de 50%) chez 78% des patients. Deux études d’enregistrement de phase III randomisées ont été menées versus placebo chez des patients avec un CPRCm soit avant docétaxel (PREVAIL), soit en post

L’objectif principal de l’étude a été atteint avec une amélioration de la survie globale passant de 13.6 mois dans le bras placebo à 18.4 mois dans le bras enzalutamide (HR=0.63 ;95%

0.53-0.75 ;p<0.0001) 64. Tous les objectifs secondaires ont également été atteints dans cette

étude qui a conduit à l’obtention de l’AMM de l’enzalutamide dans cette indication.

Dans l’étude PREVAIL, 1717 patients asymptomatiques ou peu symptomatiques ont été randomisés entre enzalutamide 160mg/j et placebo. Les deux critères de jugement principaux ont été atteints avec une amélioration de la survie sans progression radiologique (HR=0.186, IC95% :0.15-0.23, ;p<0.0001) et un gain en survie globale, le tout avec un excellent profil de

toxicité (fatigue, hypertension artérielle) 65. De nombreuses études sont actuellement en cours

afin d’évaluer la place de l’enzalutamide dans les formes localisées des CaP, dans les formes hormonosensibles, dans les CPRC non métastatiques ou encore dans d’innombrables combinaisons avec d’autres hormonothérapies, des chimiothérapies ou encore le radium-223. D’autres études évaluent d’autres anti-androgènes parmi lesquels l’ARN509 dans des formes plus précoces de CPRC (NCT01946204).

Cependant malgré les progrès effectués suite à l’arrivée de ces nouvelles hormonothérapies, le CaP reste incurable au stade métastatique et de nombreux efforts sont en cours afin d’améliorer nos connaissances concernant la biologie de ces tumeurs dans le but de contourner les mécanismes de résistance aux thérapeutiques actuelles et de permettre l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques.