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Hétérogénéité  tumorale  :  de  l’immunohistochimie  à  la  biologie  moléculaire

4   Partie 3 : Hétérogénéité tumorale et cancer de la prostate: Etude exploratoire a

4.1   Introduction:

4.1.1   Hétérogénéité  tumorale  :  de  l’immunohistochimie  à  la  biologie  moléculaire

4.1.1.1

Hétérogénéité tumorale phénotypique

Il est possible d’identifier sur le plan anatomopathologique des sous-types histologiques de

cancers qui se caractérisent par des évolutions cliniques et des pronostics distincts 170. Cette

hétérogénéité morphologique a été particulièrement étudiée dans les cancers du sein pour lesquels une classification anatomopathologique complexe a vu le jour avec l’identification

d’une multitude de sous-types histologiques 171 . Pendant plusieurs décennies ce type de

classification a permis d’apporter des informations pronostiques et guider la prise en charge thérapeutiques dans plusieurs cancers. Cependant ces classifications se sont vite avérées être imparfaites.

Au début des années 2000, les résultats concernant des biomarqueurs d’intérêt thérapeutique

comme HER2 dans les cancers du sein, KRAS dans le cancer du colon ou EGFR dans les cancers du poumon non à petites cellules ont mis en lumière les discordances entre tumeur primitive et métastases sans savoir si elles n’étaient pas en rapport avec les conditions techniques d’évaluation des biomarqueurs. L’exemple le plus étudié porte sur l’évolution du statut hormonal et du statut HER2 au cours du temps dans le cancer du sein avec d’importantes discordances entre tumeur primitive et métastases. Des études similaires ont été menées sur le statut KRAS des cancers du colon ou encore le statut EGFR des cancers du

Figure 26 : Représentation des études ayant étudié les discordances entre tumeur primitive et métastase. Chaque bulle représente une étude ; la taille de chaque bulle représente le nombre de patients dans l’étude. A. Etudes sur l’hétérogénéité de KRAS dans les cancers du colon. B Etudes sur l’hétérogénéité du statut hormonal et HER2 dans les cancers du sein. C. Etudes sur l’hétérogénéité de l’EGFR dans les cancers du poumon non à petites cellules. D’après Vignot et al, 2013172

Cependant les résultats publiés sur les discordances tumeur primitive/métastases, ne rapportent que rarement des informations sur l’impact évolutif des variations observées. De plus , en l’absence d’informations cliniques comme les traitements antérieurement reçus par les patients, il n’est pas possible d’analyser si la discordance est liée à une évolution naturelle temporelle et spatiale du profil tumoral ou s’il peut s’agir de la sélection d’un profil tumoral sous l’exercice d’une pression thérapeutique173.

4.1.1.2

Hétérogénéité tumorale moléculaire

Le développement des analyses moléculaires à haut débit a permis récemment d’aborder la problématique de l’hétérogénéité tumorale avec une vision plus globale en mettant en évidence des hétérogénéités moléculaires. De nombreuses études ont tenté de répondre à une question : l’hétérogénéité reflète-t-elle la capacité des cellules « souches » cancéreuses à s’engager partiellement dans un processus de différenciation, ou traduit-elle la présence de sous-populations cellulaires différentes de par leurs aberrations génomiques? Une des premières études à s’être intéressée à l’hétérogénéité intratumorale a été menée par Gerlinger

et al dans le cancer du rein 174. Dans cette étude conduite chez 4 patients atteints de carcinome

rénal, des biopsies multiples ont été réalisées au niveau des tumeurs primitives et des métastases puis analysées par séquençage mettant alors en évidence une forte discordance entre les différents sites considérés, soulignant ainsi l’instabilité génétique au sein des lésions tumorales et proposant une reconstruction phylogénétique de la progression tumorale. Depuis, plusieurs études similaires menées dans bon nombre de cancers ont pu confirmer l’existence d’une hétérogénéité génétique intratumorale.

Il existe donc bien un certain degré́ de mosaïcisme tumoral dans les tumeurs solides. Chaque tumeur est ainsi unique, dans le sens où différentes tumeurs issues d’un même tissu peuvent avoir des caractéristiques moléculaires complétement différentes.

Deux explications ont été avancées pour rendre compte de cette diversité intratumorale 175:

4.1.1.2.1 Concept de l’évolution clonale

Selon le modèle d’évolution clonale proposé par Nowell en 1976, une tumeur cancéreuse a pour origine une cellule unique qui est la cible de multiples mutations la libérant des mécanismes physiologiques bloquant sa prolifération. Ainsi, la cellule subit des altérations génomiques successives qui lui confèrent un avantage sélectif suivi de périodes d’expansion

clonale, qui aboutissent à la formation d’une tumeur maligne 176. L’acquisition de nouvelles

anomalies génomiques suit un phénomène dû au hasard selon lequel des mutations aléatoires sont constamment produites en raison d’une grande instabilité́ génomique. Intervient ensuite un phénomène de sélection naturelle de type Darwinien. Seule une minorité́ de ces mutations confère réellement des avantages prolifératifs à ces clones cellulaires (mutations « drivers ») et changent l’évolution de la tumeur aboutissant ainsi à la coexistence de différents clones à des temps différents. Selon cette théorie d’évolution clonale, la masse tumorale est conçue

comme un ensemble dynamique de plusieurs populations de cellules en voie de transformation ou déjà̀ transformées, dont une population est majoritaire correspondant à celle en phase de dominance clonale. Trois variables sont importantes dans le modèle d’évolution darwinien : la taille de la population, le taux de mutations et la pression de sélection (figure 27).

Figure 27 : Représentation de l’évolution clonale. D’après Greave et al, Nature 2012177

(a) Représentation de l’évolution clonale. La pression de sélection thérapeutique permet à certains sous-clones cellulaires de se développer alors que d’autres disparaissent.

(b) Arbre d’évolution des espèces selon Darwin (issu de ses notes de 1837) ; Eco 1–4 (boîtes rouges) : différents écosystèmes / tissus ; Tx : traitement ; CIS : carcinome in situ.

4.1.1.2.2 Concept de cellules souches

Une autre explication a été avancée pour expliquer cette hétérogénéité intratumorale. Celle-ci implique l’existence de cellules « souches » cancéreuses (CSC) dont la capaCelle-cité́ à donner naissance à différents types cellulaires contribuerait à la diversité phénotypique d’une même tumeur. Selon ce concept, seules les CSC seraient responsables de la progression de la tumeur. Cette population de cellules aurait des propriétés semblables à celles des cellules souches, à savoir la capacité d’autorenouvellement, de différenciation et de quiescence expliquant ainsi les rechutes tardives. La CSC peut ainsi se diviser de manière symétrique afin d’augmenter le nombre de CSC en générant deux CSC. Elle peut également se diviser de

qu’une CSC. L’auto-renouvellement assure ainsi le développement tumoral pendant que la différenciation conduit à l’hétérogénéité tumorale.

Pour autant, ce dernier modèle ne permet pas de comprendre la dynamique évolutive à l’origine de sous-populations de cellules malignes différentes par leur génotype. Il est actuellement admis que l’hétérogénéité est probablement la résultante des 2 modèles combinés. (Figure 28).

Figure 28 : Représentation schématique des concepts théoriques conduisant à l’hétérogénéité tumorale. A. Concept d’évolution ; B. Concept de cellules souches cancéreuses ; C.

Hétérogénéité liée aux deux concepts. D’après Meacham et al, Nature, 2013175

="Nouvelle"muta,on" ="cellules"tumorigènes" ="cellules"«"souches"»" A.  Hétérogénéité+tumorale++

résultant+de+l’évolu5on+clonale+ B.  Hétérogénéité+tumorale++résultant+de+la+différen5a5on++ de+cellules+souches+

C.  Hétérogénéité+tumorale++ résultant+de+l’évolu5on+clonale+et+ la+différen5a5on+de+cellules+souches+