• Aucun résultat trouvé

I.1 Cancérogénèse

I.1.3 Les hormones stéroïdes

Les hormones stéroïdes exercent leurs effets de deux façons différentes. Premièrement, en diffusant vers le noyau de la cellule, elles modulent l’expression des gènes par une activation ou une inhibition de la transcription de l’ADN en ARNm qui dicte la synthèse de nouvelles protéines. Ces effets se manifestent pendant des heures. Deuxièmement, ces hormones peuvent également agir au niveau de la membrane pour réguler l’activité de canaux ioniques. Toutefois, contrairement à la régulation de la transcription des gènes, cet effet

11 s’exerce rapidement en l’espace de quelques secondes ou minutes (Garrett RH et Grisham CM, 2000).

La famille d’hormones concernées dans ce travail est celle des œstrogènes. Ces dernières constituent des signaux régulateurs cruciaux chez les vertébrés. Elles sont des stéroïdes dérivant du cholestérol. La Figure 3 présente un schéma général de la biosynthèse de ces hormones dans les gonades et les tissus périphériques tels que les glandes surrénales.

Figure 3 : Biosynthèse des hormones stéroïdes (Garrett RH et Grisham CM, 2000).

Le cholestérol est converti en prégnénolone, le précurseur de toutes les autres hormones stéroïdes (Figure 3) (Garrett RH et Grisham CM, 2000). Les œstrogènes sont des stéroïdes renfermant 18 carbones (C18) et un noyau estrane.

I.1.3.1 Les œstrogènes

Les œstrogènes influencent de nombreux processus physiologiques et pathologiques y compris les divers types de cancers (du sein, de l'ovaire et de la prostate). Dans ces cancers, les œstrogènes exercent leurs effets par l'intermédiaire de leurs récepteurs, qui serviront de base pour de nombreuses interventions thérapeutiques. Ces hormones sexuelles proviennent de sources naturelles ou synthétiques (Figure 4).

12 Figure 4 : Classification des œstrogènes.

I.1.3.2 Les œstrogènes naturels I.1.3.2.1 Les stéroïdes ovariens

Les œstrogènes sont sécrétés principalement par les ovaires dans les cellules de la thèque et de la granulosa du follicule ovarien. Leur sécrétion est stimulée par l’hormone folliculo- stimulante (FSH) et indirectement par l’hormone lutéinisante (LH) qui agit sur le corps jaune. Chez la femme, trois types d’hormones naturelles sont présentes selon trois stades : l’estrone (E1), le 17β-œstradiol (E2) et l’estriol (E3) (Figure 3). La transformation des androgènes en œstrogènes se réalise préférentiellement par la conversion de l’androstènedione en E1 qui devient l’E2. Ce dernier constitue l’hormone naturelle la plus active sécrétée par la femme. Il permet le maintien de la fertilité et des caractères sexuels secondaires féminins (Tortora GJ et Grabowski SR, 2001). L’E2 est en équilibre avec l’E1 et l’E3 ; ce dernier s’avère la forme la moins active (Wilson JD et Foster DW, 1985) et peut être considéré comme un produit métabolique des autres œstrogènes. L’E2 est formé pendant le cycle ovarien qui comporte deux phases, la phase folliculaire et lutéale (

Figure 5). Lors de la phase folliculaire, sa concentration plasmatique augmente jusqu’à l’atteinte d’une pointe en vue de l’ovulation. Par la suite, sa concentration diminue considérablement avant la libération de l’ovule. Une seconde augmentation d’E2 est observée en phase lutéale, lorsque le corps jaune se développe. La dégénérescence de celui-ci en corps blanc entraîne une diminution progressive des concentrations d’E2 et de progestérone. Cette diminution d’hormones ovariennes stimule la libération de la gonadolibérine (GnRH), de la FSH et la LH de l’adénohypophyse (le lobe antérieur de l’hypophyse) qui initient la maturation d’un nouveau follicule (Tortora GJ et Grabowski SR, 2001). Aprѐs la fécondation de l’ovule, l’E3 sécrété majoritairement par les trophoblastes du placenta devient, au cours

13 des mois, l’œstrogène le plus important. À la fin de la période de fertilité, l’E2 est remplacé par l’E1 qui devient alors le principal œstrogène produit par la transformation des androgènes d’origine surrénalienne (Wilson JD et Foster DW, 1985).

Figure 5 : Cycle de reproduction chez la femme3.

Le catabolisme des œstrogènes se fait principalement dans le foie où ils sont convertis en glucuroconjugués ou sulfoconjugués. Une partie est excrétée dans les urines sous forme de glucoronide ou de sulfate, mais les œstrogènes naturels peuvent également être éliminés dans les fèces. Ces dernières contiennent de 5 à 10 % d’œstrogènes et la majorité de ceux-ci (85 à 90 %) y sont sous forme non métabolisée (D’Ascenzo G et al., 2003).

L’E2 est utilisé en médecine humaine pour traiter les déficiences (absence ou insuffisance) de sécrétion ovarienne à l’adolescence ou à l’âge adulte ainsi que les symptômes de la ménopause, notamment les troubles vasomoteurs. Cette hormone est également recommandée pour tenter de réduire la progression de l’ostéoporose post-ménopausique (Pharmacorama, 2008).

I.1.3.2.2 Les phyto-œstrogènes

Les phyto-œstrogènes (PE) sont un groupe de molécules non stéroïdiennes issues du règne végétal qui miment structuralement ou fonctionnellement les œstrogènes mammaires.

14 Ce sont des molécules naturelles trouvées dans une grande variété de végétaux comestibles possédant un effet bénéfique sur la santé des êtres humains.

En se basant sur leurs structures chimiques, les phyto-œstrogènes peuvent être classés en deux grands groupes, les phénoliques ou les non phénoliques. Les phyto-œstrogènes phénoliques comprennent quatre sous-groupes principaux : les isoflavonoïdes, les flavonoïdes, les stilbènes et les lignanes. Les phyto-œstrogènes non phénoliques sont divisés majoritairement en composés terpénoïdes et saponines (Cos P et al., 2003) (Figure 6).

Figure 6 : Classification des phyto-œstrogènes (Cos P et al., 2003).

Conceptuellement, l’effet biologique des phyto-œstrogènes s’inscrit dans un double contexte fonctionnel. Ce sont effectivement des molécules qui présentent une analogie structurale avec l’E2, notamment du fait de la présence d’un noyau phénolique et de groupements hydroxyles dans une position stéréochimique similaire. Ces caractéristiques leur confèrent la capacité de se fixer sur les récepteurs œstrogéniques et d’exercer des effets synergiques ou antagonistes des stéroïdes endogènes. Ainsi les phyto-œstrogènes peuvent être considérés comme des modulateurs des récepteurs aux œstrogènes (SERM, selective estrogen receptor modulator).

Les phyto-œstrogènes suscitent un intérêt croissant dans le cadre de la prise en charge de la ménopause. Ces PE sont recommandés comme des mesures prophylactiques alternatives efficaces de la THS chez les femmes après la ménopause.

Les fondements des nombreuses spéculations quant à l’implication des phyto- œstrogènes dans la prévention des cancers hormono-dépendants associent entre données

15 d’enquêtes écologiques et études de corrélation. Cependant, il est difficile d’extrapoler l’association positive de l’alimentation riche en phyto-œstrogène et la protection contre les cancers hormono-dépendants tels que les cancers du sein, de l’ovaire et de la prostate lors d’une investigation sur des modèles animaux et des approches in vitro.

Dans le cancer du sein, les études ont montré que l’activité des PE dépend de leur concentration ainsi que de la concentration des œstrogènes dans l’environnement. En effet, les PE exercent une faible activité œstrogénique dans un environnement pauvre en œstrogènes tandis qu’ils exercent une activité anti-œstrogénique dans un environnement riche en œstrogènes. Cette explication suggère qu’avant la ménopause chez la femme, où l’environnement est riche en œstrogènes, les PE peuvent jouer un rôle protecteur contre le cancer du sein alors qu’après la ménopause, lorsque l’environnement devient pauvre en œstrogènes, les PE vont stimuler la progression de ce cancer (Ososki AL et Kennelly EJ, 2003 ; Cos P et al., 2003).

Dans le cancer de la prostate, le mécanisme d’action des PE est inconnu mais les études épidémiologiques convergent globalement vers une diminution du risque. Les effets protecteurs des PE peuvent être liés à son implication dans la régulation des voies de signalisations des récepteurs stéroïdes, à la réduction de la production d’androgène à travers l’inhibition de l’enzyme 5α-réductase ou à la liaison des PE avec le REβ qui est la forme la plus prédominante dans la prostate (Ososki AL et Kennelly EJ, 2003).

L’incidence du cancer de l’ovaire en fonction de l’exposition aux PE a fait l’objet d’études de cohorte. Les résultats varient entre aucune association (Hedelin M et al., 2011) une association positive (Chang ET et al., 2008) et une association inverse (Edefonti V et al., 2009) entre la consommation des phyto-œstrogènes et le cancer de l’ovaire. On doit toutefois considérer ces résultats à l’aune des limites des études ayant permis de les obtenir, celles-ci ayant été de courte durée.

I.1.3.2.3 Les myco-œstrogènes

Ce sont des composés produites par les champignons et capables de se lier, avec une bonne affinité, aux REs. Certaines mycotoxines produites par les champignons ; en particulier fusarium ; telles que la zéaralénone, la déoxynivalénol, ou encore la toxine T-2, sont des substances pouvant avoir une activité endocrinienne. Ce type de produits est retrouvé en fortes concentrations dans les produits alimentaires comme les céréales (maïs, orge) et l’huile végétale (Ndossi DG et al., 2012).

16 I.1.3.3 Les œstrogènes synthétiques

Le 17α-éthinyl estradiol (EE2), dérivé de l’E2, est le principal œstrogène de synthèse employé dans les contraceptifs oraux en association avec un progestatif de synthèse. L’EE2 administré par voie orale est peu métabolisé au niveau hépatique et possède une très longue demi-vie plasmatique (15 à 25 jours) contrairement aux œstrogènes naturels qui sont rapidement dégradés par le foie lorsqu’ils sont ingérés. L’EE2 peut également être utilisé pour traiter une déficience œstrogénique (Pharmacorama, 2008). Plusieurs produits pharmaceutiques commerciaux contenant de l’EE2 sont disponibles, à savoir Alesse®, Cyclen® ou Tri-Cyclen®, Seasonale® et Triquilar®.

Documents relatifs