S ´ecurisation des donn ´ees
Nous avons d ´efini, dans la section pr ´ec ´edente, la notion de Cloud Computing qui met `a disposition des services informatiques de mani `ere transparente, ainsi ce mod `ele in- formatique est parfaitement adapt ´e `a la t ´el ´em ´edecine. Mais il est n ´ecessaire de v ´erifier que les technologies sous-jacentes, et la mise en œuvre s’inscrivent dans cadre l ´egal et r ´eglementaire de l’application de la m ´edecine [Pou12]. Par exemple, les donn ´ees de sant ´e ne peuvent ˆetre h ´eberg ´ees que sur un site agr ´e ´e (h ´ebergement des donn ´ees de
sant ´e `a caract `ere personnel sur support informatique, Article R1111-9 modifi ´e par d ´ecret
n. 2011-246 du 4 mars 2011 - art. 1.).
L’anonymat et le stockage des donn ´ees m ´edicales est un aspect important, et des entre- prises en France sont agr ´e ´ees (actuellement seulement une petite dizaine d’agr ´ements ont ´et ´e d ´elivr ´es), et le simple fait de faire h ´eberger ses donn ´ees m ´edicales sur leurs sites permet de rendre conforme une application qui utilise des donn ´ees m ´edicales.
Il faut ´egalement ajouter des identifications par Carte Professionnelle de Sant ´e, dont la derni `ere g ´en ´eration est le CPS3 : cette derni `ere est une carte unique d’identification, d’authentification et de signature ´electronique, cl ´e d’acc `es aux diff ´erents syst `emes d’in- formation. Elle permet de s ´ecuriser l’acc `es aux donn ´ees mais ´egalement d’identifier quel professionnel de sant ´e est intervenu dans l’acte m ´edical, et quelles responsabilit ´es sont engag ´ees.
Responsabilit ´e de l’acte
Dans ces actes de t ´el ´em ´edecine, un autre point tr `es important est celui de la responsa- bilit ´e de l’acte. En effet, en cas d’erreur m ´edicale il est n ´ecessaire de pouvoir d ´eterminer les responsabilit ´es (aspect juridique, assurance...).
Ainsi pour cet aspect m ´edico-l ´egal, le Conseil d’ ´Etat (Rapport public du Conseil d’ ´Etat :
≪R ´eflexions sur le droit de la Sant ´e≫, 1998) reconnaˆıt que la recherche de responsabilit ´e
en cas de d ´ecision diagnostique partag ´ee par plusieurs m ´edecins complique la t ˆache du juge. Sous r ´eserve de circonstances exceptionnelles, le Conseil d’ ´Etat estime que le m ´edecin requ ´erant sera seul responsable de la d ´ecision diagnostique vis- `a-vis du patient, avec la possibilit ´e d’engager une action contre le m ´edecin requis dans le cadre de la responsabilit ´e contractuelle partag ´ee. L’ ´eventuelle faute du m ´edecin requis≪pourra ˆetre
de nature `a d ´egager totalement ou partiellement le m ´edecin interrogateur (requ ´erant)≫.
Le Prof. Lucas de l’ordre des m ´edecins [Luc12] a ainsi identifi ´e la trac¸abilit ´e des actes comme indispensable : le Conseil National de l’Ordre des M ´edecins affirme
que la s ´ecurit ´e physique et informatique des syst `emes d’information est une exigence d ´eontologique : cela repose sur l’identification et latrac¸abilit ´e des acc `es aux bases de
donn ´ees.
Ainsi, il en d ´ecoule que les entreprises qui commercialisent ces produits s’int ´eressent `a un m ´ecanisme qui faciliterait cette recherche de responsabilit ´e : il s’agit de la trac¸abilit ´e. Actuellement, la seule trace qui reste apr `es un acte de t ´el ´em ´edecine, c’est la signature CPS3 de chaque intervenant, mais sans pr ´ecision sur la responsabilit ´e individuelle, et les actions individuelles des m ´edecins.
Nos travaux s’inscrivent dans cette d ´emarche qui consiste `a identifier les actes individuels qui vont concourir `a l’ ´elaboration d’un t ´el ´ediagnostic : tracer quel m ´edecin a effectu ´e quelle action au cours du t ´el ´ediagnostic.
Dans le chapitre 5 de cette Th `ese, nous pr ´esentons l’impl ´ementation en mode SaaS de notre plateforme : dans cette phase de mise au point qui d ´ebouchera sur une phase de tests et validations par les m ´edecins de l’h ˆopital Civil de Morelia au M ´exique, nous n’avons pas encore d’h ´ebergement agr ´e ´e, ni d’acc `es par CPS3.
• En phase de recherche, il ´etait difficile de suivre les directives : dossiers volumineux et d ´elais tr `es importants pour obtenir les agr ´ements pour utiliser la CPS3, et co ˆut trop important pour utiliser un serveur agr ´e ´e,
• Les m ´edecins de l’h ˆopital civil de Morelia travaillent sur des patients tests qui ne sont pas des patients franc¸ais et la r `eglementation mexicaine, pour le moment, est moins contraignante,
• Nous avons s ´ecuris ´e la connexion `a notre site par login/password du m ´edecin, • Il s’agit d’une utilisation dans le cadre de recherche franco-m ´exicaine.
C
ONCLUSIONDepuis les ann ´ees 2000, un nouveau domaine de recherche a ´emerg ´e : le domaine du CSCW (Computer Supported Collaborative Work). Ce domaine est pluridiscipli- naire et il comporte dans son volet informatique, en particulier, l’aspect algorithmique distribu ´ee.
Comme le montre l’ ´etude de la litt ´erature, ces applications distribu ´ees de nouvelle g ´en ´eration n ´ecessitent de respecter certaines contraintes en terme de coh ´erence des donn ´ees, de communication, et d’interface distribu ´ee . . . . Un nouveau mode de fonc- tionnement ´emerge depuis les ann ´ees 2010 : le cloud computing, qui consiste `a utiliser la puissance de calcul et/ou de stockage de serveurs informatiques distants `a travers un r ´eseau (le mode SaaS est plus particuli `erement utilis ´e).
Enfin, dans le domaine du t ´el ´ediagnostic m ´edical qui ´emerge fortement (notamment en France depuis la loi HPST : H ˆopital, Patient, Sat ´e et Territoires [HPST12]), les param `etres de s ˆuret ´e et de s ´ecurit ´e sont encore plus contraignants. Et en particulier, l’aspect m ´edico-l ´egal est primordial. Et il apparaˆıt d ´esormais indispensable de pouvoir tracer les actions effectu ´ees par les diff ´erents acteurs d’un acte de t ´el ´em ´edecine.
2
´
ETAT DE L’ART DES ONTOLOGIES
MEDICALES´
I
NTRODUCTIONLes ontologies de domaine sont ´etudi ´ees et utilis ´ees dans plusieurs domaines de re- cherche (par exemple la m ´edecine, la biologie, les applications militaires, la philosophie, la linguistique. . . ). Les ontologies permettent de stocker des connaissances du domaine dans un formalisme partag ´e. A l’inverse des bases de donn ´ees, elles offrent la possibilit ´e de stocker la s ´emantique d’un domaine et de fournir des m ´ecanismes d’inf ´erence. Au cours des derni `eres d ´ecennies, la recherche dans le domaine de l’informatique biom ´edicale s’est d ´evelopp ´ee. Dans le m ˆeme temps, divers outils biom ´edicaux sont conc¸us pour ex ´ecuter la collecte et la gestion des donn ´ees. Aujourd’hui, les syst `emes de base de donn ´ees sont confront ´es `a la gestion d’une grand quantit ´e d’information (par exemple dossiers cliniques, diagnostics des patients, examens de laboratoire, images m ´edicales. . . ). Il est donc tr `es important :
• (1) de collecter et stocker correctement les informations m ´edicales produites au cours des consultations, traitements et ´etudes m ´edicales ;
• et (2) de collecter des connaissances utiles `a partir de ces donn ´ees, pour fournir le meilleur traitement possible aux patients.
Ces efforts visent `a cr ´eer des mod `eles qui permettent de formaliser d’une mani `ere effi- cace toutes les connaissances issues des activit ´es m ´edicales de sorte qu’elles puissent ˆetre utilis ´ees par la suite, et de rendre plus efficace la d ´etection et le traitement des patho- logies connues. Parmi les m ´ecanismes de formalisation, largement utilis ´es ces derni `eres ann ´ees, on trouve les ontologies. Elles s’int ´eressent `a la cr ´eation d’entit ´es : les propri ´et ´es et les relations de termes concrets ou abstraits. L’ontologie s’appuie sur la mise en place d’un vocabulaire commun et utilise des repr ´esentations et des concepts d ´efinis par des ressources terminologiques (par exemple UMLS1, MeSH2, SNOMED3. . . ) et des res- sources ontologiques construites pour r ´epondre `a des besoins pr ´ecis mais divers (par exemple OBO4 qui est une biblioth `eque d’ontologies formelles), elles sont expliqu ´ees
dans la section 2.2.1. Ces ressources permettent l’interop ´erabilit ´e des donn ´ees et faci- litent l’ajout de connaissances.
1. UMLS http://www.nlm.nih.gov/research/umls/ 2. MeSH http://www.ncbi.nlm.nih.gov/mesh 3. SNOMED http://www.ihtsdo.org/snomed-ct/ 4. OBO http://www.obofoundry.org
Dans chaque pays ou continent apparaissent des groupes multidisciplinaires qui cherchent `a standardiser les connaissances et le langage m ´edical afin de mieux utiliser ces ressources.
Dans ce chapitre, nous pr ´esentons tout d’abord le domaine g ´en ´eral de recherche sur les ontologies, puis les sp ´ecificit ´es des ontologies d ´evelopp ´ees et utilis ´ees dans le cadre m ´edical. Enfin les derni `eres sections de ce chapitre pr ´esentent deux points essentiels qui sont le cycle de vie d’une ontologie et son ´evaluation.
2.1/
L
E DOMAINE GEN´
ERAL DES ONTOLOGIES´
La notion d’ontologie s’int ´eresse `a la fois `a l’ing ´enierie des connaissances, `a la linguis- tique et `a la philosophie. Initialement, l’ontologie ´etait un domaine de la philosophie concernant≪l’ ´etude de l’ ˆetre en tant qu’ ˆetre, c’est- `a-dire l’ ´etude des propri ´et ´es g ´en ´erales
de ce qui existe ≫. En philosophie, on peut parler d’une ontologie comme d’une th ´eorie
de la nature de l’existence. En informatique et sciences de l’information, l’ontologie est un terme technique d ´esignant un artefact qui permet la mod ´elisation de connaissances sur un domaine quelconque qu’il soit r ´eel ou imaginaire.
Le terme a ´et ´e ensuite adopt ´e en Intelligence Artificielle (IA). Les chercheurs en IA ont reconnu l’applicabilit ´e du travail de la logique math ´ematique et ont fait valoir qu’il est possible de cr ´eer de nouvelles ontologies comme des mod `eles informatiques qui per- mettent un raisonnement automatis ´e [Mac89]. Dans les ann ´ees 1980, la communaut ´e IA a utilis ´e le terme ontologie pour d ´esigner `a la fois une th ´eorie d’un monde mod ´elis ´e et une composante des syst `emes de connaissances [Gru93a]. Nous pouvons d ´ecrire l’on- tologie d’un programme comme un ensemble de termes. Dans une telle ontologie, les d ´efinitions de termes associent les noms des entit ´es de l’univers du discours avec des textes compr ´ehensibles par les humains qui d ´ecrivent la signification des concepts et des axiomes formels qui limitent l’interpr ´etation et la bonne utilisation de ces termes.
Il existe de nombreuses d ´efinitions de l’ontologie. Malgr ´e leurs similarit ´es, elles diff `erent sur certains points. La d ´efinition la plus largement accept ´ee est celle donn ´ee par Gruber [Gru93a] :≪une ontologie est une sp ´ecification explicite d’une conceptualisation≫. Une
conceptualisation est un r ´esum ´e, une vue simplifi ´ee du monde, que nous souhaitons repr ´esenter pour une certaine intention. Cette vue est compos ´ee d’objets, de concepts, et d’autres entit ´es qui sont cens ´es exister dans un domaine d’int ´er ˆet ainsi que des relations qui existent entre eux [Gru93b]. Les d ´efinitions d’ontologie ont provoqu ´e beaucoup de d ´ebats, les points les plus commun ´ement retenus sont :
• L’ontologie d ´efinit des concepts, des relations et d’autres distinctions qui sont pertinents pour la mod ´elisation d’un domaine [Gru95].
• La sp ´ecification prend la forme de d ´efinitions du vocabulaire de repr ´esentation (classes, relations. . . ), qui fournissent des significations pour le vocabulaire et les contraintes formelles sur son utilisation coh ´erente [Gua98].
Les ontologies partagent des propri ´et ´es avec les taxonomies [Hak04] (liste de termes contr ˆol ´es organis ´es de fac¸on hi ´erarchique), les classifications et ´egalement les th ´esaurus (r ´eseaux de termes contr ˆol ´es, enrichis par des relations associatives) [Vii04]. Pour sp ´ecifier une conceptualisation, il est n ´ecessaire de d ´efinir les axiomes qui peuvent contraindre l’interpr ´etation des termes d ´efinis. Charlet [Char02] propose quant `a lui cette
d ´efinition : ≪une ontologie implique ou comprend une certaine vue du monde par rapport
`a un domaine donn ´e≫. Cette vue est souvent conc¸ue comme un ensemble de concepts
(entit ´es, attributs, processus), de d ´efinitions et d’interrelations. Gandon [Gan06] enrichit cette d ´efinition en indiquant qu’une ontologie informatique est une repr ´esentation de pro- pri ´et ´es g ´en ´erales de ce qui existe, que l’on peut formaliser et qui peut supporter un trai- tement rationnel.
Le d ´eveloppement d’ontologies s’est effectu ´e dans des domaines aussi vari ´es que la m ´edecine, le droit, la biochimie, l’indexation de s ´equences audiovisuelles, l’ ´electronique. . . Les ontologies apparaissent aujourd’hui comme des composants logi- ciels avanc ´es qui s’ins `erent au centre des syst `emes informatiques pour leur apporter une dimension s ´emantique [Bod06a].
Apr `es plusieurs critiques et suggestions, en 2009, Gruber propose une nouvelle d ´efinition de l’ontologie [Gru09] :≪Dans le contexte de l’informatique et des sciences de l’informa-
tion, une ontologie d ´efinit un ensemble de primitives de repr ´esentation qui permettent la mod ´elisation d’un domaine de connaissance≫. Les primitives de repr ´esentation sont
g ´en ´eralement des classes (ou ensemble), des attributs (ou propri ´et ´es), et des rela- tions (ou des relations entre les membres de la classe). La d ´efinition de primitive de repr ´esentation comprend des informations sur leur signification et les contraintes sur leur application logique et coh ´erente. Dans le contexte des syst `emes de base de donn ´ees, l’ontologie peut ˆetre consid ´er ´ee comme un niveau d’abstraction des mod `eles de donn ´ees, analogues `a des mod `eles hi ´erarchiques et relationnels, mais conc¸ue pour la mod ´elisation des connaissances sur les individus, leurs attributs et leurs relations avec d’autres indi- vidus. Les ontologies sont g ´en ´eralement sp ´ecifi ´ees dans des langages qui permettent l’abstraction `a partir des structures de donn ´ees et du contexte d’application.
En pratique, les langages des ontologies sont plus proches de l’expressivit ´e de la lo- gique du premier ordre que les langages utilis ´es pour mod ´eliser des bases de donn ´ees. Pour cette raison, les ontologies sont cens ´ees ˆetre au niveau s ´emantique , alors que le sch ´ema de base de donn ´ees est un mod `ele de donn ´ees au niveau logique ou au niveau
physique. D ˆu `a leur ind ´ependance, les ontologies sont utilis ´ees pour int ´egrer des bases
de donn ´ees h ´et ´erog `enes, permettant l’interop ´erabilit ´e entre des syst `emes disparates, et en sp ´ecifiant des interfaces de services ind ´ependants, bas ´ees sur la connaissance. Dans la technologie des normes du Web s ´emantique [Ber01], les ontologies sont compos ´ees de plusieurs couches (cf. section 2.1.3). Il y a maintenant des langages standards et une vari ´et ´e d’outils commerciaux et open source pour cr ´eer et travailler sur des ontologies. Dans une perspective plus pragmatique, on peut dire que l’ontologie est un outil qui pro- duit de l’ing ´enierie des connaissances d ´ependante de son domaine d’application (cf. sec- tion 2.1.1). Ainsi, les ontologies fournissent des m ´ecanismes pour instancier des mod `eles d’un domaine dans des bases de connaissances, faire des requ ˆetes bas ´ees sur ces connaissances et repr ´esenter les r ´esultats obtenus. Malgr ´e tout, la cr ´eation d’une onto- logie constitue une t ˆache complexe pour le d ´eveloppeur. C’est pourquoi, un ensemble de m ´ethodologies ont ´et ´e mises en œuvre pour faciliter cette t ˆache (cf. section 2.1.2). La repr ´esentation de l’ontologie s’appuie quant `a elle sur un formalisme sp ´ecifique qui a ´et ´e mis en avant par le W3C-Semantic Web. Ce formalisme permet de coder des on- tologies et poss `ede plusieurs variantes avec des expressivit ´es diff ´erentes (cf. section 2.1.3). Cela refl `ete l’intention qu’une ontologie est une sp ´ecification d’un mod `ele abstrait de donn ´ees (la conceptualisation du domaine) ind ´ependant d’une structure particuli `ere. Une ontologie d ´efinit un vocabulaire qui permet la formulation d’assertions. De m ˆeme, si
une ontologie doit ˆetre formul ´ee dans un langage de repr ´esentation, il est destin ´e `a ˆetre une sp ´ecification de niveau s ´emantique, c’est- `a-dire, qu’il est ind ´ependant de la strat ´egie de mod ´elisation de donn ´ees ou de la mise en application.
2.1.1/ TYPES D’ONTOLOGIES
Comme dans le cas de la d ´efinition d’une ontologie, il n’existe pas non plus de consensus `a propos de la classification des diff ´erents types d’ontologie. Valencia [Val05] montre une synth `ese des diverses classifications existantes. La Figure 2.1 illustre cette classification.
FIGURE2.1 – Classification des ontologies pour le type de probl `eme `a r ´esoudre