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HISTORIQUE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE EN ALLEMAGNE

LE PROGRAMME « S OZIALE S TADT »

3. HISTORIQUE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE EN ALLEMAGNE

En Allemagne comme dans d’autres pays d’Europe, les années 60 et 70 sont caractérisées par un renouvellement urbain qui prend la forme de démolitions-reconstructions d’assez grande ampleur. Suivant le principe alors en vigueur de la ville structurée et aérée, on favorise un changement structurel de grande surface dans les quartiers anciens compacts où on préfère aménager des constructions en rangées maillées d’espaces verts. En 1971, la

« loi sur la promotion de la construction urbaine » autorise la démolition d’édifices historiques pour construire à leur place des bâtiments modernes.

Durant les décennies suivantes, s’opère peu à peu un changement de paradigme. On critique la destruction du patrimoine et le déplacement de populations ne pouvant payer les loyers trop élevés des nouveaux logements. L’accent est mis sur la réhabilitation douce. Il ne s’agit plus de rénover entièrement certains périmètres, mais de réhabiliter des bâtiments particuliers avec soin, en préservant leurs caractéristiques patrimoniales (par exemple les

stucs de l’époque impériale). Toutefois, l’accent reste mis sur la régénération physique des quartiers.

Ce n’est qu’assez tardivement (dans les années 90) qu’on aboutira au développement d’une approche intégrée.

Les villes connaissent à cette époque de nombreuses difficultés. 7 Aux processus de désindustrialisation et de mondialisation de l’économie, viennent s’ajouter les processus de transformation engagés à l’Est après la réunification du pays. Résultat : un chômage élevé et une ségrégation socio-économique importante. Comme ailleurs, des quartiers défavorisés concentrent une multitude de problèmes, que ce soient les anciens quartiers ouvriers centraux ou de grands ensembles construits à la périphérie des villes dans l’après-guerre. Il faut y ajouter les grands quartiers de logements collectifs de l’ex-RDA, construits d’une façon industrialisée selon un modèle-type. Au moment de la réunification, 1,6 millions d’appartements s’inscrivaient dans ce type de construction et un habitant sur six y vivait. 240 grands ensembles comptaient 2500 logements ou plus.8 La population y était assez diversifiée, ce type de logement étant prisé par les classes aisées autant que les populations ouvrières. Selon Jacquier, la restauration des centre-ville a conduit à ce que les populations les plus solvables quittent les grands quartiers d’habitat collectif. Un modèle de ségrégation commence à s’y installer progressivement.

Aujourd’hui, la vacance des logements est un problème de grande ampleur dans les villes d’ex- Allemagne de l‘Est qui ont perdu une part importante de leur population également au profit de la périurbanisation et de l’exode vers l’Ouest. Plus d’un million de logements sont vacants fin 2003 dans les territoires de l’Allemagne de l’Est, notamment dans les grands quartiers typiques de l’urbanisme socialiste9. Un programme de démolition a été conçu dès 2001 : le programme « Stadtumbau Ost ». Pour la période 2002-2009, le niveau fédéral finance le programme à une hauteur de 1,1 milliards d’euros. Avec les participations financière des Länder et des communes, l’enveloppe totale du programme s’élève à près de 3 milliards d’euros.

Par ailleurs, une politique vigoureuse de restauration des centres-ville historiques, en voie de délabrement au moment de la réunification, a été promue dans les nouveaux länder, y entraînant une attractivité nouvelle et un développement du tourisme. En 1991, les pouvoirs publics ont lancé un vaste programme de sauvegarde du patrimoine urbain. Les subventions versées entre 1991 et 2005 se montaient à près de 4 milliards d’euros. L’objectif est de rénover en profondeur les ensembles architecturaux en préservant leur cohérence. En 2005, à Berlin, une exposition montrant le chemin parcouru à travers des photos

« avant-après » témoigne de l’important changement parcouru en 15 ans dans 98 quartiers historiques, restés à l’abandon pendant des décennies sous le régime de la RDA.

A l’Ouest, il a fallu faire face à l’insuffisance du parc de logements sociaux et de l’équipement de certains quartiers pour accueillir les nouveaux arrivants en provenance de l’ex- Allemagne de l’Est et d’Europe centrale.

Et de part et d’autre, les changements issus de la réunification ont contribué à une augmentation de la pauvreté, ainsi qu’à des manifestations de racisme et de xénophobie

7Voir WEBER Florian Daniel , La politique de la ville en France et la ville sociale en Allemagne, une étude comparative, Délégation Interministérielle à la ville, 2007

8 Voir Jacquier Claude, Un dispositif de veille internationale sur les approches intégrées de développement urbain en Europe, Rapport de synthèse des politiques intégrées de développement urbain – Allemagne, DIV, novembre 2003

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envers les nouveaux arrivants, en particulier dans les domaines de l’accès au logement et de l’accès à l’emploi.

Pour faire face à ces nouveaux enjeux, une approche plus intégrée s’est progressivement développée. Ses origines remontent aux expériences-pilote menées dans les länder de Rhénanie du Nord-Westphalie et de Hambourg10. Antérieurement aux années 90, la rénovation urbaine portait avant tout sur le bâti. Les programmes européens de lutte contre la pauvreté prônant une approche intégrée ont également contribué à faire percoler ces nouveaux principes d’action.

La Ville-Etat de Hambourg a été la première à développer un programme global de lutte contre la pauvreté en 1995. Les principaux champs d’intervention étaient l’habitat et l’emploi ; ils se sont traduits avant tout par des interventions de construction et d’aménagement urbains. Le programme fonctionnait sur le principe d’accumulation des fonds publics : augmenter les moyens financiers modestes du programme en intégrant dans le projet global d’autres fonds publics déjà utilisés dans le quartier. Ceci devait permettre d’appliquer le nouvel esprit de projet aux interventions de droit commun. Une instance intermédiaire était créée au niveau du quartier dans le but d’aider à développer le projet, de jouer un rôle de relais entre les acteurs locaux et les instances supérieures, de monter les financements, et d’assurer la coordination entre les différents services publics oeuvrant localement. Ces expériences –pilote ont donné lieu à un nouveau programme en 1998 : le

« Soziale Stadtteilentwicklung in Hamburg » (développement social de quartiers à Hambourg), avec une contractualisation plus forte. Le projet est négocié non plus avec la commune dans son ensemble, mais avec l’arrondissement qui forme une entité plus petite et plus proche du citoyen. Un volet reste centré sur le renouvellement urbain, tandis qu’un autre est ciblé sur les aspects sociaux. L’engagement des habitants est soutenu par des fonds de participation des habitants permettant de financer rapidement de petites réalisations.

En Rhénanie du Nord-Westphalie, un programme du même type a été mis en œuvre en 1993 : le programme « Stadtteile mit besonderem Erneuerungsbedarf » (quartiers avec un besoin particulier de renouvellement). Les deux-tiers des quartiers bénéficiant du programme sont des anciens quartiers industriels proches des centre-ville. Ce programme porté par le Ministère en charge de l’urbanisme et de l’habitat vise à réunir à l’échelle des quartiers les financements de droit commun. L’élaboration et la mise en œuvre du projet se font le plus souvent au travers d’un travail interservices et par l’installation d’une maison de quartier. 14 champs d’action prioritaires sont prévus allant de la promotion de l’emploi au marketing de quartier en passant par l’habitat, l’école et les activités culturelles.

La conférence des ministres des Länder chargés de l’urbanisme, de la construction et de l’habitat a formulé le programme « Soziale Stadt » sur base des expériences évoquées précédemment. C’est le gouvernement Schröder qui le lancera en 1999.

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