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5.1 La planification urbaine à Colombo

5.1.1 Historique des plans urbains

A Colombo, six plans urbains ont été proposés depuis les années 1920. Ceux-ci reflètent les aspirations, les objectifs ainsi que les projets de développement en fonction des différentes époques.

Le premier plan urbain de Colombo date de 1921 et a été proposé par un planificateur anglais, Patrick Geddes, qui a pour la première fois proposé de développer Colombo sur le concept d’une ville verte, composée de plusieurs parcs (HERATH 2007) (une partie du Sri Lanka était alors colonisée par la Grande-Bretagne). Cela s’adaptait parfaitement, selon lui, à cette ville tropicale. Il a proposé des plans ainsi que des objectifs basés sur les modèles anglais qui avaient pour but de faire de Colombo une ville renommée en tant que « Garden City of the East » (HERATH 2007). Ce premier plan permet d’illustrer que la période coloniale a

effectivement laissé des traces non matérielles, puisque la planification urbaine actuelle a gardé certains objectifs centraux de cette époque. En effet, actuellement les objectifs de Patrick Geddes sont toujours utilisés et mis en avant dans la planification urbaine, puisque l’objectif central de devenir une « Garden City », comme l’est Singapour, est intact. Cependant, bien que les objectifs de Patrick Geddes soient d’actualité, les acteurs se comparent à Singapour et s’en inspirent actuellement comme représentante des « Garden City » et non pas de la Grande-Bretagne, comme nous le verrons par la suite.

Le second plan urbain a été réalisé en 1949, également par un planificateur anglais, Patrick Abercrombie, qui a évoqué l’importance que Colombo soit reliée par la route à des villes proches afin que la ville gagne en importance. Cette création d’un réseau de routes était importante puisque Colombo n’était alors plus considérée comme ville isolée, mais vue dans son ensemble : pour la première fois, l’idée qu’une métropole puisse se former autour de la capitale a été évoquée (BANDARA 2007). Ce réseau de routes est toujours actuel et utilisé, même si celui-ci est aujourd’hui modifié et agrandi aux besoins contemporains. Ainsi, ce second plan urbain illustre encore une fois l’influence du passé colonial de la ville, puisque contrairement au plan de Patrick Geddes qui a laissé en héritage des effets majoritairement non matériels, ce sont, avec ce second plan urbain, des traces matérielles que garde la ville. Le troisième plan urbain, connu sous le nom de « Colombo Master Plan Project » a été préparé en 1978 par un groupe de planificateurs urbains provenant du Programme de Développement des Nations Unies (UNDP) en collaboration avec des planificateurs sri lankais et projetait l’accélération du développement économique du Sri Lanka à travers la modernisation de la capitale. Ainsi, plusieurs projets, ayant pour but d’attirer les investisseurs, d’accroître la productivité et d’améliorer les équipements urbains ont, par exemple, été proposés afin de permettre au pays de se développer économiquement (HERATH 2007). Cependant, ces projets ainsi que leurs réalisations n’étaient pas réellement réglés et ordonnés. Certains quartiers ont donc connu de grandes modifications, sans pour autant que celles-ci soient précisément organisées (BANDARA 2007). Conjointement à cela, l’Urban Development Authority (UDA) a été créé en tant qu’organisme principal de gestion du développement urbain de Colombo. Ce plan met en lumière, selon moi, un changement important dans la planification urbaine. En effet, de nouveaux acteurs locaux (qui ont dû apprendre à travailler sans les Britanniques), de nouveaux partenariats (UNDP et planificateurs sri lankais), des organisations (comme l’UDA), des objectifs (développer économiquement le Sri Lanka) et des volontés ont émergé. Ainsi, je peux en déduire qu’un nouveau régime urbain a débuté à cette période puisque les directions et les politiques prises ont radicalement changé par rapport aux plans et à leurs objectifs proposés précédemment. De ce fait, un tournant dans la manière d’organiser le développement urbain s’est effectué dès l’apparition de ce nouveau régime urbain qui est accompagné d’un nouveau référentiel de politique illustré par la volonté d’un développement économique du pays.

Le quatrième plan urbain a été proposé par l’UDA en tant que « City of Colombo Development Plan of 1985 » et se trouve, à mes yeux, dans la même lignée de volontés que le plan précédent. Même si le terme de « Development » apparaît pour la première fois dans l’appellation de ce plan, les objectifs proposés visent également un développement économique du pays en améliorant considérablement l’agencement de la ville (HERATH 2007), contrairement au troisième plan. En effet, le quatrième plan proposait différents types de

zones et des règlementations en matière de bâtiments afin d’avoir un développement urbain qui soit quelque peu ordonné, contrairement à ce qui avait été proposé auparavant. Cependant, l’UDA ne proposait pas encore de zone de développement spécifique et commerciale au sein de la ville mais préconisait de développer Colombo dans son ensemble. C’est précisément ce qu’a modifié le cinquième plan de la ville, « The City of Colombo Development Plan – 1999 ». Celui-ci a ajouté de nombreuses précisions et règlements par rapport au plan de 1985, tels que « Land use Zoning, Building density […] traffic and transportation strategy » (HERATH 2007 : 38). Une zone où les changements devaient se concentrer et où les bâtiments élevés ont été encouragés, a été proposée autour du lac Beira et du port. De ce fait, « for the first time in Colombo’s planning history this Plan promoted high-rise developments in identified locations in the city » (HERATH 2007: 40). Cette citation évoque le fait que les volontés et les objectifs ont été coordonnés afin que certains quartiers se développent plus rapidement et puissent devenir les symboles et les vitrines de la capitale. Pour la première fois, le plan urbain considérait la modernité en tant que réel objectif à réaliser. De ce fait, et au regard des modifications ajoutées dans ce plan, je constate qu’un nouveau régime urbain a débuté à ce moment-là. En effet, des changements majeurs de volontés (se développer internationalement), de projets (développement vertical, mise en valeur des abords du lac Beira), de répartitions spatiales (délimitation d’une zone précise où les modifications seront les plus importantes), mais surtout l’unification de plusieurs types d’acteurs (gouvernement, municipalité et investisseurs privés) autour d’un même but peuvent illustrer, selon mon analyse, d’importantes modifications dans le développement urbain de Colombo et donc l’apparition d’un nouveau régime urbain. Ce dernier a comme référentiel de politique le développement international de la capitale du Sri Lanka.

Le dernier plan urbain date de 2008 et a également été proposé par l’UDA. Celui-ci présente quelques modifications et améliorations par rapport au plan proposé en 1999 et illustre également une volonté de se développer, de se moderniser et d’acquérir une reconnaissance internationale au cours du 21ème siècle. Le principal changement par rapport au plan précédent réside dans les volontés que le développement urbain soit bénéfique à la fois sur le plan national (« to improve the transportation system to increase its efficiency and reduce congestion and travel time », « to increase the quality and quantity of the housing stock and the associated social infrastructures ») et international (« to develop the city of Colombo as the financial and commercial hub of the South Asian Region », « to encourage private sector participation in development projects and programmes within the planning framework of the Core Area » (CITY OF COLOMBO DEVELOPMENT PLAN 2008: 4)). De manière générale, ce plan illustre donc les mêmes objectifs centraux que le cinquième plan de développement, même si la modernité, telle qu’elle a été émise dans le précédent plan de développement (1999) a évolué, s’est complexifiée et a adopté plusieurs formes, comme nous le verrons par la suite. Grâce aux investissements internationaux et locaux se développant depuis la fin du conflit civil, il s’agit, à terme, de réaliser les objectifs énoncés en 2008 dans le plan de développement.

Les six plans de développement illustrent des volontés et des objectifs à des moments précis, mais également les moyens qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour parvenir à réaliser ces aspirations.