• Aucun résultat trouvé

I. Jupiter et la sismologie

3.3 Historique des observations

Les premières tentatives d’observations commencèrent en 1987 avec Deming et al. (1989) et Schmider et al. (1991). Les techniques employées furent respectivement l’in- frarouge thermique et la spectrométrie Doppler. Mosser et al. (1993 et 2000) reportent

0 200 400 600 800 1000 0 1 2 3 Frequence Amplitude Frequence nombre d intervalle 2 4 6 8 10 12 14 16 10 20 30 40 50 Frequence nombre d intervalle 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 10 20 30 40 50

Fig. 3.4 – Diagramme échelle. Le graphe du dessus représente le spectre, bruité, d’un signal composé de deux modes, de mêmes périodes, de fréquence caractéristique ν0.

L’identification de la fréquence de séparation ν0 se traduit par un alignement dans le

diagramme échelle. Par exemple, le deuxième graphe représente le diagramme échelle du spectre découpé en tranches de largeur 0.8 ν0. Aucune information n’en ressort. En

revanche, le troisième est obtenu avec la fréquence ν0. L’équidistance entre les pics est

ainsi mise en évidence alors que le spectre est trop bruité pour permettre l’identification directe des pics.

des observations réalisées par spectrométrie à transformée de Fourier. Aucune de ces observations n’a apporté une identification claire de modes d’oscillations joviennes ; en revanche, elles laissent fortement présupposer leur existence. En guise de conclusion à cette partie introductive, nous allons présenter succinctement ces travaux et les raisons de non-détection des oscillations.

3.3.1 Signature thermique des ondes

Les observations de Deming et al. (1989) sont la suite logique des travaux théoriques de Bercovici et Schubert (1987), soit la recherche de modes de hauts degrés. Concrè- tement, ces observations se consacrent aux signatures sismiques pour ℓ ≥ 10 dans

l’infrarouge thermique (8-13 µm) effectuées à l’IRTF3

à Hawaï. Afin d’identifier les éventuels modes d’oscillations, ils comparent leurs observations à un spectre théorique calculé suivant la méthode de Bercovici & Schubert, mais en incluant la discontinuité de densité due à la transition de phase de l’hydrogène.

D’un point de vue technique, les observations se font avec une barrette CCD, com- posée de deux barrettes d’une longueur de 10 pixels, séparées par un trou d’une lon- gueur équivalente à 6 pixels. L’inconvénient de ce procédé est la nécessité de déplacer continûment le détecteur sur le disque Jovien, afin d’en couvrir le diamètre. Les obser- vations ne sont réalisées qu’aux latitudes 0◦ et 20N, ce qui complique l’identification

des modes en cas de détection de signal sismique (voir figure 3.5). Ce type d’observa- tion n’est principalement sensible qu’aux modes sectoraux4

. De plus, ceci implique des problèmes de recentrage et des interruptions régulières des observations (3 minutes par demi-heure).

La recherche de pics de puissance correspondant aux fréquences théoriques des modes ne donne rien. Compte tenu de la sensibilité de leur détecteurs, ils concluent à une limite supérieure de 1 ms−1 (qui correspond à un fluctuation de température

de 0.07 K) pour les oscillations joviennes. Il est important de rappeler que ce résultat vaut pour des degrés supérieurs à 10, qui atteignent le niveau de pression 0.5 bar. La profondeur sondée est donnée par la fenêtre spectrale (e.g. Irwin 2003).

0° 0°

20°

20° 20°

Fig. 3.5 – Procédé d’observation employé par Deming et al. (1989). Une barrette de 20 pixels balaie le diamètre jovien aux latitudes 0◦ et 20. Le détecteur restant toujours

parallèle à l’équateur, ce type de mesure ne sera sensible qu’aux modes sectoraux.

3.3.2 Spectrométrie Doppler par résonance magnéto-optique

Schmider et al. (1991) et Mosser et al. (1991) reportent des observations, menées en 1987, par spectrométrie Doppler, réalisées avec des cellules à sodium. Une vapeur de sodium est illuminée par le rayonnement jovien. Les photons, de fréquence égale à la transition entre deux niveaux d’énergie de la vapeur, sont absorbés, puis réémis par désexcitation spontanée. La mesure des photons réémis se fait perpendiculairement à la direction incidente. La présence d’un champ magnétique induit un décalage Zeeman aux atomes de la vapeur. Les deux raies jaunes du doublet du sodium sont utilisées. L’avantage d’un tel système est que le rapport du signal réémis au signal transmis est indépendant des fluctuations de transmission atmosphériques ou instrumentales.

3

InfraRed Telescope Facilities 4

L’application de la spectrométrie par résonance magnéto-optique à la sismologie jo- vienne repose sur le principe suivant : les raies du sodium solaire, réfléchies par Jupiter, sont très larges par rapport à celles de la cellule (élargissement par température). Par conséquent, l’absorption par la cellule ne couvre qu’une fine partie de la raie solaire. Un décalage de la raie solaire, par effet Doppler, se traduira donc par une variation d’in- tensité du signal réémis (figure 3.6). La plupart des observations héliosimologiques ont

S(σ)

nombre d'onde σ

spec

treso

laire

réflé

chi

20 A°

raies instrumentales

10 km/s 2 σ v/c décalage Doppler

Fig.3.6 – Principe de la spectroscopie Doppler par cellule à sodium. La lumière solaire réfléchie par Jupiter, est d’abord filtrée, par un filtre de 20 A de large, afin de ne laisser passer que le doublet du sodium à 589 et 589.6 nm. Ensuite, la cellule sélectionne deux étroites bandes du spectre jovien, là où la pente des raies du sodium est maximale, afin d’avoir une sensibilité maximale au décalage Doppler des raies. La distance entre le centre et le bord des raies joviennes correspond à une vitesse radiale de 10 km s−1. La

ligne pleine représente le spectre solaire réfléchi, en l’absence de décalage Doppler. La ligne discontinue représente le spectre décallé par la vitesse v.

été faites par résonance magnéto-optique et l’efficacité de ce type de méthode n’a plus à être démontrée, pour une source brillante comme le Soleil. C’est dans cette optique, et dans le but de tester les capacités d’un instrument dédié à la sismologie stellaire, que furent réalisées les observations de Schmider et al. (1991). Ces mesures sont de type disque intégré, ce qui implique une sensibilité limitée aux modes de degrés inférieurs ou égaux à 2. La somme des données couvrent une quarantaine d’heures réparties sur 6 nuits, ce qui a permis d’avoir un bruit de photons de l’ordre de 40 cms−1.

Un excès de puissance dans l’intervalle de fréquence [0.5 −1.8] mHz a été observé et attribué à une activité “sismique” jovienne. Les diagrammes échelles ont fait ressortir une fréquence caractéristique de 136 µHz, qui pourrait correspondre à un alias du splitting rotationnel séparant deux modes (environ 5 fois 28 µHz), ou à la fréquence caractéristique ν0, que les calculs théoriques situent entre 148 et 160 mHz (Gudkova

et Zharkov 1999). A l’époque l’amplitude des modes avait été estimée à 8 ms−1, ce qui

dépassait de très loin les 50 cms−1 prévus par Bercovici et Schubert (1987) et ce qui

est alors expliqué par le fait que les observations dans les raies du sodium sondent au niveau de pression 3 bar (0.5 bar pour l’infrarouge thermique), là où l’amplitude des ondes est plus élevée.

Cette détection d’activité “sismique” représentait une première. Cependant, ces conclusions ont dû être quelque peu révisées. Tout d’abord, une erreur d’étalonnage a replacé l’amplitude autour du ms−1, ce qui n’est pas dramatique en soi. C’est la

tentative d’identification des modes présentée par Mosser et al. (1991) qui est plus problématique. En effet, la sismologie jovienne par disque intégré se démarque très fortement de la sismologie solaire, en raison de la rapidité de la rotation jovienne. D’un bout à l’autre de l’équateur, la différence de vitesse radiale est d’environ 25 kms−1.

Ceci implique que les raies du sodium solaire sont décalées par la rotation, en fonction de la position sur Jupiter. La méthode de disque intégré ne prend, donc, pas toute la surface en compte, si le décalage Doppler dû à la rotation fait sortir les raies du sodium du filtre magnéto-optique (figure 3.6). L’identification des modes est dans ce cas pra- tiquement impossible ou du moins excessivement complexe. Cependant, cela ne retire rien à l’excès de puissance observé, qui reste difficilement explicable par des bruits de mesures.

Depuis, la tentative de détection des oscillations joviennes par cellule à sodium n’a pas été abandonnée, si l’on en juge par les travaux de Cacciani et al. (2001). Le détecteur est composé de deux cellules à sodium, dont le rôle est de stabiliser le signal. L’inconvénient d’une telle méthode est de filtrer encore plus fortement le flux lumineux. De plus, cet instrument, qui est à priori un imageur, n’est en réalité sensible en moyenne qu’à deux bandes étroites, parallèles à l’axe de rotation planétaire, pour lesquelles le décalage Doppler de la composante radiale de la vitesse angulaire additionnée à la vitesse d’entraînement Jupiter-Terre localise la raie locale au flanc de la raie solaire réfléchie. Les observations relatée dans Cacciani et al. (2001) n’ont pas abouti à la détection d’oscillations.

3.3.3 Spectrométrie à transformée de Fourier

Mosser et al. (1993 et 2000) présentent deux campagnes d’observations menées sur le spectromètre par transformée de Fourier FTS5

, installé au foyer du CFHT6

(Maillard et Michel 1982). Pour une source ne présentant qu’une seule raie d’absorption, le signal en sortie de l’instrument s’approxime par :

S(δ) = τhw + AΓ(δ) cos³2πσ0δ ³ 1−v c ´´i (3.17) où τ est la transmission totale du système, w l’énergie totale qui passe dans le filtre, A la profondeur de la raie d’absorption, Γ la fonction de visibilité de la raie, σ0 le

nombre d’onde correspondant au centre de la raie, v la vitesse radiale, c la vitesse de la lumière et δ la différence de chemin optique (Mosser et al. 1993). L’interférogramme à proprement parler est la partie oscillante du signal de sortie. Puisque v ≪ c, il est possible d’utiliser le développement limité de l’interférogramme. Au premier ordre, il vient :

I(δ) = τ AΓ(δ)hcos (2πσ0δ) + 2πσ0

v

cδ sin (2πσ0δ) i

(3.18)

5

Fourier Transform Spectrometrer. 6

Pour une différence de chemin fixée δ, une variation de vitesse radiale se traduit par une variation d’intensité. Autrement dit, les franges se déplacent avec la vitesse (voir figure 3.7). Il existe une différence de marche idéale pour laquelle la sensibilité à la vitesse est maximale.

spectre

1

1 - A

A

nombre d'onde σ différence de chemin δ

S(δ)

[ ] w

interférogramme

σ dv/c0 D dv/c

S(σ)

Fig. 3.7 – Spectrométrie par transformée de Fourier. Le décalage d’une raie spectrale se traduit par le déplacement des franges de l’interférogramme.

L’idée principale de ces observations était d’utiliser non pas une seule raie (voire deux), comme c’est le cas avec la cellule à sodium, mais d’utiliser un maximum de raies, afin d’améliorer le rapport signal à bruit. Cependant, combiner de manière strictement cohérente dans l’interférogramme des informations provenant de plusieurs raies n’est pas évident. En effet, il faudrait que toutes les intensités de sortie provenant des dif- férentes raies, soient en phases, à la différence de chemin optique idéale. Le problème, pour les étoiles et planètes, est qu’il n’existe pas de portion du spectre qui respecte cette condition. Le gain peut augmenter dans un autre cas de figure : lorsque les raies ont la même profondeur A0. Cette condition est à peu près satisfaite autour de 1.1 µm

avec les bandes ν3 du méthane. Le filtrage du spectre jovien sera donc centré sur ces

raies. Il est à noter que ces raies sondent au niveau de pression 1.3 ± 0.2 bar.

Les conditions de visibilité de Jupiter, lors de ces deux campagnes, indiquaient une sensibilité aux modes d’oscillations caractérisés par (ℓ + m) impair en 1993 et pair en 2000. Les observations reportées dans Mosser et al. (1993) concluent à une détection et à l’identification de modes d’oscillations de modes p de degrés ℓ = 1 et ℓ = 2, ainsi que la mesure de leur équidistance. Cependant, des problèmes d’étalonnage du système ont conduit à revoir l’interprétation de ces mesures. A la différence des précédentes, les mesures de Mosser et al. (2000) sont directement étalonnées et présentent une plus grande précision en phase. Malheureusement, les conditions d’observations étaient moins favorables qu’en 1993 et un fort effet de fenêtre a entaché les données (figures 3.1 et 3.3). Ajouté à des problèmes de guidage elles n’ont pu atteindre le niveau de bruit

du seul bruit de photons. Cependant, la fréquence caractéristique ν0 dans les spectres

échelles autour de la valeur (142 ± 3) µHz est clairement mise en évidence. De plus, ces mesures étant des mesures absolues de la vitesse, la limite supérieure de la vitesse des modes qu’elles apportent sont probablement les plus fiables. Cette limite est estimée à 60 cms−1.

II. Recherche des oscillations par

Documents relatifs