1. Lésions et réparation de l’alvéole pulmonaire 1.2. La réparation physiologique de l’épithélium alvéolaire 1.3.1. La fibrose pulmonaire idiopathique 1.3.1.2. Histologie et physiopathologie La figure 7 montre des coupes histologiques de poumons d’une personne saine et d’un patient atteint de FPI, où l’on note le remodelage de l’architecture du parenchyme pulmonaire, une densification des zones alvéolaires avec une accumulation de collagène produit par les fibroblastes. La fibrose se développe dans les régions distales des poumons, en particulier sous-pleurales. Chez des patients atteints de FPI, on retrouve une alternance de zones pulmonaires saines avec des zones de fibrose. Fig 7. Coupe histologique de poumon. Sujet contrôle (à gauche) et patient atteint de FPI (à droite). Marquage éosine/hématoxiline (aimablement fournie par le Dr Marianne Kambouchner, Service d’Anatomopathologie, Hôpital Avicenne, Bobigny) La pathogénie de la FPI reste mal connue à ce jour. Une première hypothèse reposait sur une inflammation chronique du poumon précédant la fibrose, comme dans d’autres pneumopathies interstitielles diffuses. Cependant, plusieurs observations nuancent l’importance de l’inflammation dans le déclenchement de la maladie. Une légère 41 inflammation est présente chez les patients atteints de FPI, mais de manière constante tout au long de l’évolution de la maladie. Certains modèles animaux développent des fibroses, sans qu’une réponse inflammatoire soit présente. Par ailleurs, la FPI ne répond pas aux traitements anti-inflammatoires (pour revue Selman 2002). L’hypothèse actuelle repose sur une réparation anormale de l’épithélium, en réponse à de multiples micro-agressions répétées au niveau alvéolaire. 1.3.1.2.1. Le défaut de réparation de l’épithélium respiratoire Au cours de la FPI, l’intégrité de l’épithélium alvéolaire est compromise [Figure 8]. Les alvéoles subissent une perte importante de pneumocytes de type I. De plus, la capacité de transdifférenciation des PII en PI est altérée, du fait d’un environnement non propice à une réparation efficace (composition altérée de la matrice extra-cellulaire, défaut en facteurs de croissance) (pour revue Kuhn 1991). La perte de PI contribuerait au développement de la fibrose, dans le sens où ces cellules sécrètent un facteur anti-fibrosant, la calvéoline 1 (Wang 2006). De plus, les PI présentent à leur surface le récepteur RAGE (Receptor for Advanced Glycation End Products) impliqué dans leur adhésion à la membrane basale. La perte de ce récepteur observée chez les patients atteints de FPI suggère son implication dans le défaut de réparation de l’épithélium alvéolaire, et dans le développement de la fibrose (Englert 2008). Une perte de cellules épithéliales, par apoptose ou nécrose, est observée au niveau des foci fibroblastiques (Uhal 1998). A ces endroits, de nombreux fibroblastes, fibroblastes-like et myofibroblastes s’accumulent. Le profil de sécrétion des fibroblastes est altéré. Ces cellules présentent un défaut de sécrétion de KGF, d’HGF et de PGEβ, respectivement nécessaires à la prolifération des PII, et à leur propre régulation (Marchand-Adam 2003, Marchand-Adam 2005). Le profil de sécrétion des PII hyperplasiques est également modifié. Ces cellules épithéliales vont sécréter des facteurs pro-fibrosants, comme le TGF- , le TNF-α (Kapanci 1995), le PDGF (Antoniades 1990), le CTGF, facteur induit en réponse au TGF- (Xu 2003, Pan 2001b). La sécrétion par les PII de facteurs pro-coagulants comme le PAI-1 et PAI-2 (Plasminogen Activator Inhibitor), molécules anti-fibrinolytiques, facilite l’accumulation de fibrine dans les alvéoles (pour revue Selman 2002). 42 La mort massive des cellules épithéliales alvéolaires, la perte de l’intégrité épithéliale et un retard dans la réparation provoquent la migration, la prolifération, l’activation et la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes, induisant une accumulation de ces cellules au niveau alvéolaire (Adamson 1990, pour revue Scotton 2007Ψ. L’origine des fibroblastes et myofibroblastes dans la FPI repose sur trois hypothèses : l’hypothèse classique propose que les fibroblastes résidant dans le poumon prolifèrent et se transforment en myofibroblastes sous l’effet de divers facteurs profibrosants. Une autre hypothèse suggère que les myofibroblastes résulteraient du recrutement et de la transformation de fibrocytes circulants issus de la moelle osseuse, attirés vers les zones lésées en réponse à des chimiokines (Andersson-Sjoland 2008, pour revue Bonniaud 2005a). Les CEA pourraient intervenir dans ce recrutement de fibrocytes. En effet, les CEA de patients de FPI expriment fortement la chimiokine CXCL-12 (aussi appelé Stromal-Derived Factor-1 (SDF-1), conduisant au recrutement des fibrocytes (Phillips 2004, Andersson-Sjöland 2008). Une hypothèse plus récente est que les cellules épithéliales des voies aériennes, dont les pneumocytes, pourraient subir une TEM, et acquérir un phénotype myofibroblastique (Willis 2005). L’accumulation dérégulée de fibroblastes et de myofibroblastes, ainsi que la perte excessive des PII, conduisent à la fibrose progressive du poumon, altérant de manière irréversible l’efficacité des échanges gazeux. 43 Fig 8. Schéma de la pathogénie de la fibrogénèse pulmonaire idiopathique. Abréviations: MEC matrice extra-cellulaire, PDGF platelet derived growth factor, TGF transforming growth factor, CXCL12 chemokine récepteur (CXC motif)-12, Shh Sonic hedghog, TEM transition épithélio-mésenchymateuse. CEA cellule épithéliale alvéolaire, RAGE receptor of advanced glycation end product (King 2011). 1.3.1.2.2. Une inflammation délétère Bien que le défaut de réparation de l’épithélium alvéolaire soit admis comme étant le facteur déclenchant dans l’apparition de la FPI, une inflammation est présente lors des phases d’exacerbation aiguës qui peuvent émailler l’évolution de la maladie. En effet, lors de ces périodes de détérioration rapide de la fonction respiratoire, on retrouve chez les patients des taux plus élevés de neutrophiles et de cytokines pro-inflammatoires dans le lavage broncho-alvéolaire (LBAΨ, par rapport aux LBA recueillis avant la phase d’exacerbation aiguë (Schupp 2015). Les neutrophiles et macrophages recrutés aux sites lésionnels sont des sources de facteurs pro-TEM tels que le TGF- , IL-1 , et le TNF-α (Fichtner-Feigl 2006, Kolb 2001, Bates 44 2003), connus pour induire la sécrétion de collagène par les fibroblastes (pour revue Chapman 2011). 1.3.1.2.3. Evolution de la maladie L’évolution de la FPI au cours du temps est différente d’un patient à un autre [Figure 9]. La pathologie peut évoluer de manière très rapide, avec des symptômes visibles quelques mois seulement après le déclenchement de la maladie, et une dégradation rapide de l’état de santé du patient [Figure 9. A]. Les gros fumeurs sont le plus souvent retrouvés dans cette catégorie (pour revue Ley 2011). Des actes médicaux peuvent constituer des facteurs d’exacerbations aiguë, tels que des opérations chirurgicales thoraciques, des lavages broncho-alvéolaires, la ventilation mécanique (pour revue Ryerson 2015). Chez d’autres patients le déclin est lent et continu, avec une diminution progressive de la fonction pulmonaire [Figure 9. C et D]. Une étude réalisée sur 47 patients pendant 9 ans montre que 19% de ces patients présentaient ce type d’évolution (Fernandez Pérez 2010). L’évolution de la maladie peut enfin se faire par l’alternance de phases de relative stabilité, avec des épisodes d’exacerbations aiguës, caractérisés par une détérioration rapide de la fonction respiratoire en quelques jours ou semaines [Figure 9. B]. Fig 9. Schéma représentant les différentes évolutions de la FPI au cours du temps. (A) déclin rapide et continu. (B) déclin mixte, entre périodes de stabilité, et périodes de déclin rapide (représenté par une étoile). (C, D) déclin progressif mais lent. (Ley 2011). 45 Dans le document Caractérisation de l'effet cytoprotecteur des cellules souches mésenchymateuses sur l'apoptose et sur les altérations phénotypiques des cellules épithèliales alvéolaires soumises à l'hypoxie (Page 41-46)