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5. Traitements de l’Onchocercose :

5.2 L’ivermectine – Mectizan® : L’espoir d’une éradication :

5.2.1 Histoire de sa découverte :

Dans les années 1970, Satoshi Omura en partenariat avec des chercheurs de la compagnie Merck, Sharpe and Dohme ont découvert un complexe d'agents chimiquement apparentés qui présentent une activité antihelminthique extraordinairement puissante (Fox Leanne M, 2006).

Ils sont produits par une nouvelle espèce d'actinomycète, NRRL 8165 (Figure 44), qu’ils ont nommé Streptomyces avermitilis. Les avermectines ont été identifiées comme une série de dérivés de lactone macrocycliques qui, contrairement aux antibiotiques macrolides ou polyéniques, ne présentent pas d'activité antibactérienne ou antifongique significative (Burg W. Richard et al, 1979).

65 Figure 44 : Streptomyces avermitilis vu au microscope électronique

Source : Burg W. Richard et al. 1979

Ce groupe d'agents a été isolé à l'Institut Kitasato à partir d'un échantillon de sol prélevé à Kawana, Ito City, Préfecture de Shizuoka, au Japon (Burg W. Richard et al, 1979).

De là, cet échantillon a été envoyé aux Laboratoires de recherche Merck Sharp & Dohme pour des tests. Ces derniers indiquaient que le complexe avermectine était très actif contre divers nématodes. Notamment, il est entièrement actif contre Nematospiroides dubius lorsqu'il est administré à des souris infectées pendant 6 jours à 0,0002% dans l'alimentation (Burg W. Richard et al, 1979).

Le complexe contient quatre composants majeurs étroitement liés, A1a, A2a, B1a et B2a, dans des proportions variables et quatre composants mineurs, Alb, A2b, Blb et B2b, chacun étant un homologue inférieur du composant principal correspondant (Miller Thomas W et al, 1979) (Figure 45).

Figure 45 : Structure des avermectines Source : Burg W. Richard et al. 1979

66 Les composants individuels, bien que différents dans leurs puissances, sont actifs contre d'autres espèces de nématodes (Wuchereria bancrofti, Brugia malayai…) lorsqu'ils sont administrés par voie orale ou parentérale à 0,1 mg/kg ou moins (Burg W. Richard et al, 1979).

Dans l’article d’Egerton J.R. et al (1979), les auteurs ont rapporté l'activité anthelmintique du composant B1a des avermectines, une lactone macrocyclique a-L- oleandrosyl-a-L-oléandroside, contre les parasites des nématodes du bétail, des moutons, des chiens et des poulets. Pour les nématodes trouvés expérimentalement susceptibles d'être traités par l'avermectine B1a, une excellente efficacité a été démontrée à des doses considérablement inférieures à 1 mg/kg, par voie orale.

Les résultats de l’étude ont montré que les avermectines ont une activité puissante contre une large gamme de nématodes chez les animaux domestiques. Dans ces expériences, aucune réaction toxique notable n'a été observée chez aucun animal traité avec des taux efficaces d'avermectine B1. Les résultats ont montré que l'activité antihelminthique des avermectines s'étend à au moins huit familles de nématodes: Filariidae, Oxyuridae, Trichinellidae, Trichuridae, Heterakidae, Metastrongylidae, Trichostrongylidae et Strongylidae. Ainsi, les avermectines semblent être des produits naturels avec une puissance sans précédent et un spectre d'activité anthelminthique large.

Dans les années 1980, grâce aux travaux du Dr William Campbell, on fit enfin la découverte de l’ivermectine. Il a été observé que la série A d'avermectines n'était pas considérée suffisamment puissante face aux parasites. Les composés B étaient meilleurs, mais l’agent B1a était imparfait car il manquait d'efficacité lorsqu'il était injecté chez des bovins au lieu d'être administré par voie orale. Le composé B1b était aussi imparfait. Cependant, ils souhaitaient un meilleur médicament. Ainsi, ils ont envisagé de développer une combinaison des deux composés (Esch Gerald, 2007).

De manière structurale, l'avermectine B1a a une liaison oléfine dite alcène (=double liaison covalente entre deux atomes de carbone) entre les carbones 22 et 23, tandis que B1b a une liaison hydratée via le groupe hydroxyle au carbone 23 (Esch Gerald, 2007) (Figure 46).

67 Figure 46 : Structure chimique des avermectines B1a et B1b

Source : Laing Roz, Gillan Victoria & Devaney Eileen, 2017

On retrouve une différence importante du point de vue stéréochimique : la bague entièrement saturée est en forme de chaise chez l’avermectine B1b tandis que la bague oléfine est plus plate chez la B1a. De là, les chimistes ont eu l’idée de fabriquer un dérivé qui conserverait le cycle en forme de chaise de l'avermectine B1b, mais à partir duquel le groupe hydroxyle serait retiré de la position 23 (Esch Gerald, 2007).

Cette idée a été forgée par le fait que les milbémycines (un composé chimique semblable aux macrolides tels que les avermectines possédant un aglycone macrocyclique, produite par la fermentation de Streptomyces hygroscopicus var. aureolacrimosus) ont une liaison 22-23 saturée. Les milbémycines étaient actives contre les nématodes (Esch Gerald, 2007).

La fabrication de ce dérivé n’a pas été aisée car sur les cinq oléfines dans la molécule d'avermectine, seule la 22,23 devait être hydrogénée. Heureusement, c'était la seule des oléfines qui était substituée en cis et susceptible d'utiliser le catalyseur homogène de Wilkinson. Le catalyseur a été essayé par Chabala JC et son équipe en 1980 et, après plusieurs essais, a conduit à la préparation de la 23,33-dihydroavermectine B1 (Esch Gerald, 2007) (Figure 47).

Ce produit obtenu était actif contre les nématodes par voie orale ET par injection sous- cutanée! À l'époque, ce n'était qu'une des nombreuses avermectines modifiées, il fallait donc lui attribuer son propre nom. Le choix évident de cette avermectine hydrogénée était l'hypermectine, mais cela a été annulé. Apparemment, ce nom sonnait légèrement vilain à certaines oreilles de l'Europe de l'Est, et donc il a été modifié pour l'ivermectine (Esch Gerald, 2007).

68 Figure 47 : Structure chimique de l'ivermectine

Source : Develoux M. 2014

L’ivermectine est donc un mélange entre : (INCHEM, 2015) - 80% du composant B1a :

5-O-demethyl-22,23-dihydroavermectin A1a

- 20% du composant B1b :

5-O-demethyl-25-de(1-methylpropyl)-22, 23-dihydro-25-(1-methylethyl)avermectin A1a

L'ivermectine n'était pas plus puissante dans l'activité antiparasitaire que son précurseur naturel, l'avermectine B1. De plus, plus de 1000 dérivés ont été fabriqués et testés et, en termes de puissance, très peu d'entre eux ont dépassé le précurseur naturel (Esch Gerald, 2007).

Un peu plus tard dans les années 1980, la décision d'étudier l'ivermectine chez l'Homme reposait initialement sur son efficacité contre les ankylostomes et autres nématodes intestinaux chez les chiens. En outre, après l'efficacité de l'ivermectine contre Onchocerca qui a été établie chez les chevaux, le Dr Campbell a suggéré que l'ivermectine pourrait être utile dans le traitement de la cécité des rivières (Molineux David & Taylor R. Hugh, 2015).

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