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CHAPITRE I DE LA PROBLÉMATIQUE AUX OBJECTIFS DE RECHERCHE

1.1 PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.1.2 ÊTRE HANDICAPÉ AU QUÉBEC AUJOURD’HUI

Le Québec a légiféré en 1978 sur le statut de sa population handicapée répartie sur l’ensemble de son territoire. La Loi assurant l’exercice des droits des personnes est à l’origine, cette même année, de la création de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ). Cet organisme gouvernemental a notamment pour mission de veiller à la coordination des services aux personnes handicapées et d’élaborer des moyens assurant l’intégration sociale, scolaire et professionnelle des personnes handicapées. (Office des personnes handicapées du Québec, 1984). En 1981, l’OPHQ a été mandaté par le Conseil des ministres afin d’élaborer une proposition de politique d’ensemble, en collaboration avec ses partenaires des secteurs publics, parapublics et privés, et les personnes handicapées et leurs organismes de promotion. Trois ans plus tard est née la première politique d’ensemble. (Office des personnes handicapées du Québec. 1984). Plus récemment, l’OPHQ a eu le mandat, par la loi de 2004 qui modifiait la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et d’autres dispositions législatives adoptées en 1978, d’actualiser la politique adoptée en 1984 en concertation avec les partenaires concernés. Un des objectifs de la nouvelle politique (Office des personnes handicapées du Québec. 2009) a pour objectif de rendre la société québécoise plus inclusive vis-à-vis des personnes handicapées et d’accroître leur participation sociale d’ici 2019.

Cependant, malgré l’évolution de la législation et des politiques en faveur de l’intégration sociale, scolaire et professionnelle des personnes handicapées, celles-ci vivent encore dans notre société moderne des conditions socioéconomiques difficiles.

L’Enquête québécoise sur les limitations d’activités, les maladies chroniques et le vieillissement 2010-2011 (Institut de la statistique du Québec 2013b) permet d’estimer à un peu plus de 33% le taux d’incapacité global chez la population québécoise de 15 ans et plus. Ces résultats se démarquent néanmoins de ceux obtenus à partir de données d’enquêtes sur l’incapacité réalisées dans le passé. Ainsi, l’Enquête québécoise sur les limitations d’activités 1998 (Institut de la statistique du Québec 2003b) avait révélé un taux d’incapacité de près de 17 %. Dans l’enquête sur la participation et les limitations d’activités (Statistique Canada 2006), le taux était estimé à 12 %. Rappelons que ces prévalences ne sont pas comparables sur le plan statistique en raison de différences conceptuelles et méthodologiques entre les enquêtes. Globalement, il s’agit d’une population moins scolarisée, vivant davantage dans des conditions de pauvreté et qui connait une relation plus difficile avec le marché du travail que les personnes sans handicap.

La participation sociale de la population handicapée notamment au marché du travail a également fait l’objet d’une collection de documents produit par l’OPHQ (Office des personnes handicapées Québec, 2017). Il apparait qu’en 2011, les personnes de 15 à 64 ans avec incapacité ont une situation sur le marché du travail généralement moins favorable que celles sans incapacité. En effet, elles sont moins souvent en emploi ou actives sur le marché du travail que ces dernières, et ce, quel que soit leur sexe, leur âge ou leur niveau de scolarité. Par ailleurs, elles ont un taux de chômage supérieur à celui des personnes sans incapacité, notamment chez les hommes où ce taux est environ le double du taux de chômage des hommes sans incapacité.

Les portraits statistiques de la population avec incapacité produits par l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), principalement en 2003, donnent un éventail complet de la situation des personnes handicapées par région administrative du Québec. Bien que moins récentes que la précédente enquête, ces analyses sont les plus actuelles à fournir des résultats relatifs à l’emploi des personnes handicapées par région administrative. En effet, ces

portraits ont été rendus possibles grâce à une enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), réalisée en 1998 et publiée en 2001, entièrement consacrée à l’étude de la population québécoise présentant une incapacité de longue durée et vivant en ménage privé. Il est donc possible de comparer le taux d’emploi des personnes de 15 ans et plus avec incapacité et des personnes sans incapacité par région administrative. Le taux d’emploi des personnes handicapées en fonction d’un échantillonnage de cinq régions administratives est exposé dans la figure ci-dessous.

Figure 1 : Taux d’emploi selon la présence d’une incapacité par région

Source : Portrait statistique de la population avec incapacité, Région du Bas-Saint-Laurent, 2003a ; région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, 2003b ; région de Québec, 2003 ; région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, 2003c ; région de Montréal-Centre, 2003d.

Nous pouvons déduire de ce graphique que les personnes ayant une incapacité sont sous- représentées dans la catégorie des personnes de 15 ans et plus occupant un emploi dans toutes les régions sélectionnées. Mais comment expliquer les variations interrégionales quant aux taux d’emploi des personnes présentant une incapacité entre, par exemple, la région de Montréal-Centre et la région du Bas-St-Laurent ou encore le Saguenay–Lac-St-Jean ? Bien entendu, du point de vue professionnel, les inégalités interrégionales des personnes handicapées pourraient découler des inégalités économiques entre les régions du Québec. Selon Tremblay et Van Schendel (2004), les régions les plus excentriques au regard du cœur

24,1% 24,5% 33,5% 29,2% 22,0% 55,9% 58,3% 50,0% 54,5% 51,7% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

Montréal-Centre Québec Saguenay-Lac-St- Jean Bas-St-Laurent Gaspésie-Îles-de- la-Madelaine T a ux d 'em pl oi e n pource nt a ge Région

Taux d'emploi selon la présence d'une incapacité par région

Avec incapacité Sans incapacité

économique que constitue la région de Montréal sont les plus touchées par l’exode démographique, la faiblesse de l’offre d’emploi, le haut taux de chômage et d’inactivité. En effet, nous pourrions penser que le taux d’emploi des personnes handicapées à Montréal est plus élevé que dans la région périphérique du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay–Lac-St-Jean, car la présence d’un marché du travail plus fertile offrirait à cette population de plus grandes possibilités, mais ce n’est pas le cas. Une réponse à ces questions réside peut-être dans la nature des espaces. Autrement dit, le territoire pourrait être une explication en soi.

Di Méo (2007) entend que notre identité est fondée sur une cristallisation sociale, construite dans une certaine temporalité et ancrée dans un territoire. Il soutient également que les villes, en particulier les métropoles, se prêtent très bien à jouer le rôle de médiateur entre le social et le spatial. Autrement dit, l’interaction entre facteurs psychologiques et facteurs sociaux sera augmentée dans un contexte de forte densité de population. Dans cette optique, il y aurait un lien à faire entre territoire, représentation sociale et handicap. Des caractéristiques propres au territoire, telles que la densité de population ou encore les liens sociaux pourraient être à l’origine de représentations sociales différentes du handicap.

D’autres scientifiques font le trait d’union entre les représentations sociales des personnes handicapées et le territoire. Dorvil, Renaud et Bouchard (1995) ont établi ce lien par la voie du concept d’exclusion sociale.