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C. Facteurs de risque du carcinome hépatocellulaire

C.2. h.Mécanismes moléculaires de l'hépatocancérogenèse par le VHB. .52

À quelques exceptions près, la répartition géographique du portage chronique du VHB et celle de l'incidence du CHC sont similaires (cf. figure 18).

Le VHB pourrait induire un CHC par deux voies principales : (1) par l'intégration de son génome ou (2) par l'effet de la protéine HBx.

(1) Le génome du VHB peut s'intégrer et provoquer une instabilité génomique qui favorise le développement d'un CHC. De même, l'intégration peut se faire sur des sites très spécifiques à proximité de gènes contrôlant la prolifération, la viabilité ou la différenciation cellulaire, et le phénomène d'intégration peut provoquer des microdélétions dans l'ADN de l'hôte (Tokino et al. 1991). L'insertion du génome du

VHB ne semble que partiellement aléatoire, puisqu'il est possible de distinguer des catégories de gènes touchés. Le gène codant hTERT semble être une cible récurrente de l'intégration du VHB. D'autres gènes sont impliqués : le récepteur β à l'acide rétinoïque, la cycline D1, des gènes liés à la voie de signalisation du calcium, les gènes codant des peptides ribosomaux, des familles de facteurs de croissance, des gènes associés à l'apoptose ou des gènes suppresseurs de tumeur (Pang et al. 2006 et Murakami et al. 2005).

Figure 18 : Répartition géographique du portage chronique du VHB et de l'incidence annuelle du CHC : ces deux cartes sont quasiment superposables. Tiré de Lavanchy 2004.

(2) La protéine HBx est une protéine transactivatrice qui peut activer, au moins in vitro, des oncogènes (c-myc ou c-jun), des facteurs de transcription (NFκB, AP-1, ATF/CREB), des gènes liés à la prolifération cellulaire (IL-8, TNF, TGF-β1,

EGFR), ou des kinases activées par des signaux extracellulaires (ERKs) ou par le

stress (SAPK/JNKs). Elle peut également activer la voie Ras, les voies de signalisation JAK/STAT, p21 (indépendamment de p53), Wnt (ce qui permet la stabilisation de la β-caténine), VEGF (ce qui permet une activation de l'angiogenèse), et inhiber le phénomène de réparation de l'ADN (Pang et al. 2006 et Bouchard et Schneider 2004). HBx agit aussi par l'intermédiaire d'interactions protéine-protéine, notamment avec le domaine C-Terminal de p53, ce qui a pour effet d'inhiber certaines des activités de p53 (cf. paragraphe III.B.2.c). La fonction de la protéine X a

beaucoup été étudiée dans des modèles cellulaires mimant la réplication virale mais non infectables par le VHB. Il existe des modèles de souris exprimant le VHB avec une protéine X fonctionnelle ou non, et un modèle récent dans lequel un plasmide imitant l'infection virale est injecté à des souris. Les études sur les souris ont permis de confirmer l'effet de la protéine X sur l'activation de la réplication virale et son rôle de facteur de transcription (Xu et al. 2002, Keasler et al. 2007).

Il semblerait que l'intégration du génome viral ait lieu plutôt lors de la phase aiguë de l'infection, et qu'ensuite l'activité oncogénique des gènes de l'hôte et du virus éventuellement modifiés par l'intégration confère peu à peu un avantage sélectif à la cellule, durant la phase d'infection chronique (Murakami et al. 2005).

Les interactions entre l'hôte et le virus contribuent au développement du CHC. En effet, l'hôte développe une réponse immunitaire dépendante des lymphocytes T afin d'éliminer les cellules infectées par le virus. Cette réponse induit des cycles de nécrose, d'inflammation et de régénération des hépatocytes, ce qui favorise la propagation de lésions et l'érosion des télomères (et donc l'instabilité génomique). Le virus est également capable d'interagir avec le réticulum endoplasmique des hépatocytes, ce qui peut induire un stress oxydatif, la génération de radicaux libres et l'activation des cellules stellaires (Block et al. 2003). Le stress oxydatif active notamment les MAPKinases (Mitogen Activating Protein Kinases) qui régulent de nombreux gènes impliqués dans la croissance et la différenciation ainsi que l'apoptose. Les cellules stellaires sont des cellules du foie qui stockent la vitamine A et sont dans un état quiescent. Elle sont activées lors d'un stress oxydatif par des cytokines, et produisent de façon anormale des composants de la matrice extracellulaire comme le collagène, favorisant ainsi l'apparition d'une fibrose.

C.3. Virus de l'hépatite C

C.3.a. Données épidémiologiques

Le virus de l'hépatite C (VHC) a été découvert en 1989 par Choo et al. dans le plasma d'un patient atteint d'une hépatite et non infecté par les virus hépatiques connus. Ce virus est un membre de la famille des Flaviviridae, c'est un virus à ARN

enveloppé, et c'est le seul membre du genre Hepacivirus. Les virions ont un diamètre d'environ 55-65 nm et sont constitués d'une enveloppe entourant la capside contenant l'ARN viral (cf.figure 19). Il a été évalué comme cancérigène du groupe 1 par le CIRC en 1994 (IARC, Monographies volume 59).

Figure 19 : Représentation "écorchée" d'un virion de l'hépatite C.

Région OMS Population totale (millions) Prévalence du VHC (%) Population infectée (millions) Nombre de pays dont les données sont manquantes Afrique 602 5,3 31,9 12 Amériques 785 1,7 13,1 7 Méditérannée Orientale 466 4,6 21,3 7 Europe 858 1,03 8,9 19 Asie du Sud-Est 1500 2,15 32,3 3 Pacifique Ouest 1600 3,9 62,2 11 Total 5811 3,1 169,7 57

Figure 20 : Tableau récapitulatif de la répartition géographique du nombre de personnes infectées par le VHC. Les estimations ont été effectuées par l'OMS. (Tiré de http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs164/en/index.html)

En 2000, l'OMS estimait qu'environ 170 millions de personnes étaient des porteurs chroniques du VHC, et que 3 à 4 millions de personnes étaient nouvellement infectées chaque année (cf. figures 20 et 21).

Figure 21 : Carte du monde de la répartition géographique du taux de personnes infectées par le VHC. Données de l'OMS.

C.3.b. Modes de transmission

Le VHC est transmis par contact direct avec du sang humain. Les conditions de transmission les plus courantes sont : les transfusions de sang dans lequel la présence du VHC n'a pas été cherchée, la réutilisation de matériel médical (seringues et aiguilles mal stérilisées par exemple), le partage de seringue chez les consommateurs de drogue, certaines pratiques comme le piercing, la circoncision, le tatouage. La transmission peut également se faire par voie sexuelle ou périnatale, mais de façon beaucoup plus rare.

C.3.c. Données moléculaires

Le génome du VHC consiste en une molécule d'ARN d'environ 9,6 kilobases qui contient un cadre ouvert de lecture très long, entouré de deux régions non transcrites en 5' et en 3' (cf. figure 22). Les protéines virales sont traduites en une polyprotéine à partir d'un site d'initiation de la traduction situé dans la région non

transcrite en 5'. Les différentes protéines sont ensuite clivées à la fois par autocatalyse et par des enzymes de la cellule hôte (cf. figures 22 et 23, Tellinghuisen et Rice 2002, et Levrero 2006).

Figure 22 : Organisation du génome du VHC et les différentes protéines synthétisées à partir de la polyprotéine. Tiré de Levrero 2006.

Figure 23 : Cycle de réplication du VHC. Tiré de Levrero 2006.

Les protéines structurales (cf. figure 23) sont la protéine core (C), et les glycoprotéines d'enveloppe E1 et E2. Ces protéines sont clivées de la polyprotéine par

les peptidases signal du réticulum endoplasmique. Après maturation dans le réticulum, elles sont assemblées pour former des virions.

Les protéines non structurales (cf. figures 22 et 23) sont :

- le polypeptide p7 dont la fonction n'est pas connue et qui se trouve dans le polypeptide à la jonction entre protéines structurales et non structurales. Les protéines suivantes forment le complexe de la réplicase virale.

- l'autoprotéase constituée par les protéines NS2 et 3, qui autocatalyse le clivage entre NS2 et NS3;

- une fois séparée de NS2, NS3 a une activité de protéase spécifique aux sérines et d'hélicase à ARN dans sa région C-terminale;

- le polypeptide NS4 agit comme un co-facteur de NS3;

- les protéines NS4B et NS5A sont des protéines hydrophiles associées à la membrane;

- la polymérase à ARN ARN-dépendante NS5B.

Figure 24 : Répartition géographique de différents génotypes du VHC. Tiré de Fang et al. 1997.

Le génome du VHC présente une très forte variabilité (que l'on retrouve de façon générale chez les virus à ARN) d'environ 10-3 substitutions/base/année, ce qui explique sa capacité à induire des infections chroniques en échappant au système immunitaire. Le VHC est classé en 6 génotypes (1 à 6) dont les séquences peuvent varier entre elles jusqu'à 30%, et en plus de 100 sous-types, répartis inégalement dans le monde (cf. figure 24).