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I. C Imagerie cérébrale

3.2. h Applications cliniques

Comme nous l’avons entre-aperçu dans l’historique, le domaine d’application de la TEP est très large. Actuellement, plus de 500 radiotraceurs ont été développés : enzymes, substrats pour transporteurs, ligands, hormones, anticorps, peptides, médicaments et oligonucléotides ([Phelps, 2000]). Ces traceurs vont être appliqués en oncologie, dans l’étude des maladies neuro-dégénératives, dans l’étude de réponses du cerveau à des stimulations, en neuropsy- chiatrie, pour évaluer l’action de thérapeutiques. Nous ne verrons donc dans ce chapitre que quelques exemples d’applications en recherche clinique, mettant à profit la haute sensibilité de la TEP (pouvant détecter des doses de radiotraceurs de l’ordre de la 0.01 à 10 nanomoles par

litre).

La principale application clinique de la TEP est l’oncologie en imagerie corps-entier utilisant le [18F]-FDG . Ce traceur permet notamment une différenciation de certaines tumeurs malignes

et bénignes, d’évaluer précocément la réponse à des chimiothérapies, et est un bon indicateur de la survie des patients. Il permet également en surveillance après traitement de différencier les tumeurs viables des nécroses ou fibroses, évitant ainsi parfois des traitements inutiles [Juweid et Cheson,2006]. L’utilisation conjointe de la TEP et de la TDM permet une bonne caractérisation anatomique et fonctionnelle des tumeurs en corps entier, comme illustré sur la FigureI.38. Pour l’imagerie cérébrale, la capture de [18F]-FDG est un bon indicateur du grade de la tumeur et de

survie dans les gliomes. Cependant, la matière grise ayant un haut métabolisme du glucose, le contraste tumeur/tissu sain est à peine supérieur à un dans le cerveau et en particulier la localisation des tumeurs requiert une modalité anatomique. Dans ces conditions, l’IRM avec ou sans agent de contraste est souvent préférée.

Le [18F]-FDG en TEP est également utilisé pour évaluer les épilepsies partielles et localiser

leur foyer lorsque des modalités non-invasives ont précédemment échouées à les caractériser [Hoh,2007]. Des images acquises sous différentes modalités d’un patient épileptique sont pré- sentées dans la FigureI.39.

La TEP métabolique est également un outil de recherche clinique utilisé pour l’évaluation de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou la sclérose en plaque. Pour la maladie d’Alzheimer, l’utilisation du [18F]-FDG a montré une réduction importante du métabo-

lisme du glucose dans le cortex temporal et parietal, dans le gyrus cingulaire et le precuneus, qui peut être différencié de la diminution de CMRglu lié à l’âge ou d’autres formes de démences. Cet examen s’est avéré posséder une sensibilité et une spécificité de 85-90% [Jagust,2004]. Un exemple est représenté dans la FigureI.40. Un marqueur des plaques amiloïdes (le [11C]-PIB),

qui accompagnent l’évolution de la maladie est également utilisé, et a montré une corrélation négative avec le [18F]-FDG [Klunk et al., 2004]. La maladie d’Alzheimer s’accompagne éga-

lement d’une diminution du volume cérébral et de structures comme l’hippocampe qui peut servir de détection précoce de la maladie [Jagust, 1994]. La sclérose en plaques, pathologie qui affecte la substance blanche (démyélinisation des axones), a été étudiée au [18F]-FDG et

en utilisant également des radiotraceurs se liant aux récepteurs périphériques benzodiazepine [Venneti et al., 2006]. Ceux-ci sont sur-exprimés au niveau des plaques présents dans la sclé- rose en plaque, suite à l’activation de microglies (cellules gliales chargées d’éliminer les cellules endommagées) et de macrophages.

Les études de récepteurs sont également particulièrement précieuses dans l’étude des ma- ladies neuro-dégénératives (par exemple le système dopaminergique pour les maladies d’Hun- tington et de Parkinson, voir FigureI.41) mais également en neuropsychiatrie. La TEP permet d’évaluer les hypothèses d’altération des mécanismes de neurotransmission dans les pathologies psychiatriques suggérées en particulier par l’action des antidépresseurs et des neuroleptiques atypiques sur ces systèmes. Ainsi les relations entre schizophrénie et récepteurs D2 de la dopa- mine [Soares et Innis,1999], entre dépression et système de la sérotonine [Meltzer et al.,1998]

FIG. I.38 – Image coronales oncologique TEP-TDM d’un examen corps entier utili- sant le [18F]-FDG.

A : image TDM seule, B : fusion TEP-TDM, C : TEP seule, D : Maximum Intensity Pro- jection (MIP) du PET

On observe des nodules au niveau des pou- mons et une métastase osseuse dans la ré- gion sacro-iliaque. La fusion des deux mo- dalités permet de bonnes performances en détection et localisation (acquisition sur BIOGRAPH, reconstruction TEP FORE- AWOSEM, source CEA-SHFJ).

FIG. I.39 – Etude IRM (T1, T2) et TEP [18F]-FDG pour un sujet épileptique. La lésion est visible sur l’IRM pondérée en T1 et l’hypométabolisme est très marqué dans le lobe temporal gauche (acquisition ECAT-953B avec reconstruction FBP, source : CEA-SHFJ).

FIG. I.40 – Examen 18F]-FDG d’un patient sain et d’un patient atteint de la maladie d’Alz- heimer, illustrant l’hypométabolisme au niveau du precuneus (flèche PC). (acquisition HR+, reconstruction 3DRP, source : CEA-SHFJ).

FIG. I.41 – Quelques radiotraceurs utilisés pour cibler différentes molécules intervenant dans le système dopaminergique (acquisition HR+, reconstruction 3DRP, source des images : CEA- SHFJ).

ont été évaluées avec la TEP. L’imagerie métabolique (mesure du rCMRO2 et du rCMRglu) est également utilisée dans l’étude de la dépression [Dunn et al., 2005]. La TEP est également utilisée dans l’étude des comportements addictifs, comme illustré sur la FigureI.42; une partie de ce protocole sera repris au chapitreIIIpour illustrer les développements de notre travail. Les cartes statistiques de cette figure sont dérivées des cartes paramétriques du potentiel de liaison (obtenues avec le modèle avec région de référence de Gunn [Gunn et al., 1997]). Elles justi- fient a posteriori l’emploi des régions d’intérêt dans le striatum où des différences statistiques importantes sont observées entre le groupe témoins et les autres groupes ; elles montrent éga- lement d’autres régions de différences entre ces groupes (para-hippocampe et mésencéphale). Ceci illustre l’intérêt d’une analyse paramétrique couplée à une analyse statistique, permettant de s’affranchir des hypothèses de correspondances anatomo-fonctionnelles (voir §1.2.b) dans des études exploratoires.

FIG. I.42 – Exemple de résultats obtenus pour un protocole sur les addictions utilisant le [11C]- PE2I. A : distribution des moyennes du potentiel de liaison (BP) dans le striatum pour trois groupes de patient, montrant une différence significative entre le groupe témoin et le groupe cannabis, et le groupe témoin et le groupe tabac. B : Cartes statistiques visualisées avec l’IRM en trois coupes montrant les régions de différence significatives entre témoins et groupes cana- bis et tabac (acquisition HRRT, reconstruction OP-OSEM (6 itérations de 16 sous-ensembles), source des images : CEA-SHFJ).

Enfin, la TEP est particulièrement utile pour suivre les effets d’un médicament sur un sys- tème de neurotransmission quand on dispose d’un radioélément ciblant un des éléments de ce système. Un exemple est présenté dans la FigureI.43. Dans cette étude, on s’intéresse au taux d’occupation d’un inhibiteur de la MAO-A (molécule dégradant les neurotransmetteurs dans la fente synaptique) au cours du temps grâce à l’utilisation en TEP d’un inhibiteur similaire mar- qué, le [11C]-befloxatone. L’occupation d’un médicament B

medest définie comme la différence

entre quantité de récepteurs occupés par la molécule marquée avant Bpreet après injection Bpost

du médicament, mesurée par l’analyse paramétrique : Bmed= Bpre−Bpost. Le taux de déplace-

ment Tdeplou taux d’occupation du médicament est alors défini par BBmedpre. Le taux d’occupation

peut être utilisé en particulier pour définir la posologie du médicament (FigureI.43), mais aussi un indice de toxicité (voir FigureI.44).

4 Conclusion sur l’imagerie fonctionnelle

Nous avons vu que l’organisation fonctionnelle du cerveau était grandement localisée dans des aires cérébrales correspondant aux structures anatomiques de petites tailles décrites dans le §1.1; Les mécanismes sous-tendant les fonctions cognitives supérieures appartiennent encore au domaine de la recherche, et deux modalités ont été présentées. L’IRMf (§3.1) est une mo- dalité à haute résolution spatiale et temporelle, basée principalement sur l’augmentation locale du flux sanguin lors d’une activité fonctionnelle. Elle permet de visualiser des aires d’activa- tion lors de tâches effectuées par le patient. La TEP (§3.2) est une modalité reposant sur le marquage avec des émetteurs de positron de molécules visant un processus physiologique par-

FIG. I.43 – Exemple de détermination du rythme de prise d’un médicament en utilisant la TEP. En haut à gauche : évolution de la concentration plasmatique d’un inhibiteur de la MAO-A chez un patient prenant régulièrement ce médicament. L’examen TEP-1 est effectuée avant la première prise. Après une semaine de traitement, la concentration plasmatique est stable et deux examens sont effectués : juste après la prise (TEP-2) et juste avant la prise le lendemain (TEP-3). Les coupes transversales sont présentées en dessous. Une étude paramétrique permet de retrouver les concentrations de récepteurs occupés par le radiotraceur dans chacun des examens (graphique en haut à droite), et permet de calculer le taux d’occupation du médicament en fin de journée. (acquisition HR+, reconstruction 3DRP, source des images : CEA-SHFJ).

FIG. I.44 – Exemple d’étude de toxicité en TEP. A : graphique illustrant le déplacement en fonc- tion de la dose injectée. B : après analyse paramétrique, il est possible de relier dose injectée et taux d’occupation de récepteurs du médicament, et définir ainsi un indice de toxicité, l’ID50

(pour inhibition dose) correspondant à un taux d’occupation de 50% (source des images : CEA- SHFJ).

l’effet thérapeutique de médicaments (§3.2.h). La TEP repose sur des développements en ra- diochimie, en instrumentation, en reconstruction d’images, en analyse compartimentale, et a de nombreuses applications en recherche clinique. Elle est principalement limitée par une faible résolution spatiale et par une faible résolution temporelle à cause de son niveau élevé de bruit intrinsèque à faible taux de comptage (§3.2.f), ce qui empêche une analyse compartimentale non-biaisée et une analyse paramétrique robuste.

Nous n’avons pas parlé ici d’autres modalités permettant d’obtenir des informations com- plémentaires (par exemple l’électro-encéphalographie ou la magnéto-encéphalographie), ou de l’utilisation des modalités morphologiques pour accomplir des mesures fonctionnelles (par in- jection et suivi d’un bolus d’agent de contraste : perfusion-TDM, perfusion-IRM).

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