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Partie 2 : Le couplage oxydant d’énolates par mémoire de

I.2. Exemples de couplage oxydant d’énolates

I.2.3. Hétérocouplage oxydant d’énolates

Les réactions d’hétérocouplage oxydant d’énolates sont beaucoup plus complexes parce qu’elles entrent en compétition avec la réaction d’homocouplage. Les rendements de ce type

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de réaction ne sont pas aisés à optimiser. Il faut trouver un moyen de favoriser l’hétérocouplage par rapport à l’homocouplage qui est relativement rapide. Dans la toute première publication relatant ce type de réaction, Saegusa et coll. ont été obligés d’ajouter un excès d’une des cétones pour statistiquement favoriser l’hétérocouplage mais les rendements restent de l’ordre de 50 à 70 % maximum. En effet, de nombreux sous-produits peuvent être obtenus lors de ce type de réaction (Figure 23), il faut donc une grande chimiosélectivité pour obtenir de bons rendements. (Remarque : tous les sous-produits possibles ne sont pas représentés).

Figure 23. Réactions en compétition avec l’hétérocouplage oxydant d’énolates

L’hétérocouplage oxydant d’énolates a été, après les travaux de Saegusa et coll. en 1975, très peu exploré jusqu’aux travaux de Baran et coll. en 2006[81].

Dans ses travaux, l’équipe de Baran a étudié intensément tous les paramètres pouvant influencer cette réaction. En jouant sur la densité électronique du partenaire de couplage, elle a également réussi à effectuer des hétérocouplages oxydants stoechiométriques avec des rendements acceptables.

Après avoir trouvé de bonnes conditions pour effectuer la réaction, l’équipe a effectué le couplage de différents dérivés d’oxazolidinone avec différents dérivés de la propiophénone pour obtenir des motifs 1,4-dicarbonyles disubstitués (Tableau 13).

[81] a) Baran, P. S.; DeMartino, M. P. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 7083 b) DeMartino, M. P.; Chen, K.; Baran, P. S. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 11546

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Tableau 13. Etude de l’hétérocouplage oxydant d’énolates

De ces résultats, de nombreuses informations importantes sur la réaction peuvent être déduites :

- Le rendement dépend fortement de la densité électronique des partenaires de couplage.

- La densité électronique de l’oxazolidinone (entrées 1-8) a plus d’influence sur le rendement que la densité électronique de la propiophénone (entrées 9-14).

- Le complexe de cuivre fonctionne mieux avec les partenaires de couplages pauvres en électrons (entrées 6, 12) et, inversement, le complexe de fer fonctionne mieux avec les partenaires riches (entrées 1, 9) en électrons.

- La diastéréosélectivité dépend de l’oxydant utilisé. Le cuivre donne un diastéréoisomère majoritaire (entrées 2, 4, 6, 10, 12) tandis que le fer donne l’autre diastéréoisomère en produit majoritaire (entrées 1, 3, 5, 9, 11, 15).

- L’encombrement du centre chiral de l’oxazolidinone influe peu sur la diastéréosélectivité de la réaction (entrées 3 et 15).

Les auteurs indiquent que l’encombrement stérique sur les carbones en α des carbonyles est très important pour la réaction. Ainsi, lorsqu’un des deux carbones est tertiaire,

Entrée R1 R2 Oxazolidinone R3 Produit final Oxydant Rdt (%) rd (a,b) 1 Bn OMe 325 H 330 [FeIII] 65 2.2:1.0 2 [CuII] 9 1.0:2.1 3 Bn H 326 H 331 [FeIII] 57 1.8:1.0 4 [CuII] 55 1.0:1.6 5 Bn Br 327 H 332 [FeIII] 31 1.8:1.0 6 [CuII] 65 1.0:1.4 7 Bn NO2 328 H 333 [FeIII] 0 N.D. 8 [CuII] 0 N.D. 9 Bn H 326 OMe 334 [FeIII] 67 1.9:1.0 10 [CuII] 42 1.0:1.7 11 Bn H 326 Br 335 [FeIII] 54 1.9:1.0 12 [CuII] 58 1.0:1.6 13 Bn H 326 NO2 336 [FeIII] 0 N.D. 14 [CuII] 0 N.D.

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l’hétérocouplage oxydant d’énolates entre l’oxazolidinone 338 avec la propiophénone 339 (ou entre l’oxazolidinone 326 avec la propiophénone 340) ne fonctionne pas (Schéma 54).

Schéma 54. Limitations de l’hétérocouplage oxydant d’énolates

La réaction a aussi été étendue au couplage entre l’oxazolidinone 326 avec la carvone 341 ainsi qu’avec la 4-chromanone 343 avec des rendements corrects. Il est aussi également possible d’opérer un couplage direct en position 3 de l’oxindole 345avec la carvone 341 ainsi que la 4-chromanone 343avec de bons rendements (Schéma 55).

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Baran et son équipe se sont alors intéressés à l’étude des intermédiaires réactionnels dans le but d’expliquer la diastéréosélectivité. Comme la diastéréosélectivité est inverse entre le complexe fer et le complexe de cuivre, il est postulé que la réaction passe par deux intermédiaires réactionnels différents selon l’oxydant employé (Schéma 56).

Schéma 56. Mécanisme de l’hétérocouplage oxydant d’énolates en fonction de l’oxydant

utilisé

Il a été observé que le complexe de cuivre donnait de bons rendements à basse quantité d’oxydant dans le milieu réactionnel, contrairement au complexe de fer. L’augmentation de la quantité d’oxydant augmente peu le rendement du couplage oxydant dans le cas du complexe de cuivre. En revanche, l’augmentation du rendement est proportionnelle à l’augmentation de la quantité de complexe de fer.

A l’appui de ces observations, les auteurs proposent deux mécanismes :

- Une transmétallation aurait lieu avec l’atome de lithium de l’énolate de la propiophénone 349pour aboutir aux deux intermédiaires réactionnels 351a et 351b. L’intermédiaire 351a serait stabilisé par des intéractions π entre le phényle de la

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propiophénone et le phényle de l’oxazolidinone, tandis que l’intermédiaire 351b induirait un grand encombrement stérique entre le phényle de la propiophénone et l’oxazolidinone. Cela favoriserait le couplage de l’intermédiaire 351a pour aboutir à l’intermédiaire radicalaire 352, anti qui ensuite conduit au produit final 331a majoritaire.

- A partir des énolates 348 et 349, l’atome de cuivre viendrait se complexer avec les deux molécules. Ceci explique le fait que l’augmentation de cuivre n’augmente pas proportionnellement le rendement de la réaction (contrairement au complexe de fer). En effet, cette augmentation favorise également la complexation de chacune des deux molécules à un atome de cuivre différent, qui deviendrait compétitive avec la complexation des deux molécules avec un même atome de cuivre. Deux intermédiaires sont alors imaginables. Le premier, 353a, aurait des intéractions de type π entre le phényle de la propiophénone et le phényle de l’oxazolidinone, tandis que l’intermédiaire 353b induirait un grand encombrement stérique entre le phényle de la propiophénone et l’oxazolidinone. Cela favoriserait le couplage de l’intermédiaire

353apour aboutir à l’intermédiaire radicalaire 352, syn qui ensuite aboutira au produit final 331b.

Ces travaux ont permis de montrer le potentiel de l’hétérocouplage oxydant d’énolates. De nombreuses équipes de recherche se sont alors intéressées à l’exploration des possibilités qu’offre une telle réaction, bien que l’homocouplage oxydant d’énolates fasse l’objet de beaucoup plus d’études à ce jour.

Très récemment, Ohshima et son équipe ont, par exemple, décrit un hétérocouplage oxydant avec de bons rendements et une bonne diastéréosélectivité passant par un intermédiaire dimérique[82] (Tableau 14).

Entrée R1 R2 R3 Cétone Produit

final Rdt (%) rd 1 Me H H 356 366 74 / 2 C6H5 H H 357 367 44 / 3 i-Pr H H 358 368 72 / 4 Me Me H 359 369 85 85:15 5 Me C8H17 H 360 370 76 68:32 6 Me CH2-C6H5 H 361 371 76 68:32 7 Me C2H4-OTBS H 362 372 77 84:16 8 Me C6H5 H 363 373 68 71:29 9 Me CH(CH3)2 H 364 374 63 68:32 10 Me C6H5 Me 365 375 47 53:47

Tableau 14. Hétérocouplage oxydant d’énolates passant par un intermédiaire dimérique

Les auteurs expliquent qu’en suivant la réaction par RMN et CCM, il est possible de voir la formation du dimère 355 qui est consommé au cours de la réaction. Ils prouvent ce point en

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faisant directement réagir le dimère 355 avec la cétone 356 en vue d’obtenir le produit d’hétérocouplage oxydant 366avec un bon rendement (Schéma 57).

Schéma 57. Hétérocouplage oxydant avec le dimère 355

Les réactions de couplage oxydant d’énolates trouvent également des applications dans la synthèse totale.