pauvreChevalier François,qui ne cherche
que
rhonneur,qui afaitvœu
de ne dire fonnom
à perfonne,
&
qu'illefupplie de nepasexige*qu'il le lui dife.
Le Roi
loin de lui favoir mauvais gré decette réponfe, louafamodef-tie-, iladmira bien plus (oncourage, lorfquil lui vit abattre tous les Chevaliers qui fe pré-fenterent , pouffant vigoureufement les uns de fa lance, frappant les autres de fon épée
,
évitantavec une légèreté furprenantetous les coups qu'on lui adreiToit, foit en voltigeant, foiten lesparant\fonagilité n'étoitpasmoins redoutable que fa force.
Le Roi
ne put s'em-pêcher de convenir que jamais il n'avoirvu
'
un
Chevalier auffi vaillant,&
qui eut autant degrâces.Maguelone
encherilfoitfurleséloges.LesChevaliers
même
qu'ilavoit vaincus, pre-noient part à fa gloire ; Caprara fur -tout devint dès cemoment
fon meilleur ami. Ma-gueloneétoitficharmée dele voircombatre,àé Pierre àe Provence> &c.
«|
tju'àfaprière,le
Roi
ordonna plusieurs autres tournois -,il en fdrtittoujours aveclemenié
éclat,
&
la rinceflène
leyoyoit jamaisqu'elfene
fentîtaugmenterfon eftime. Elle avoitvu
bien des chevaliers, aucunn
avoit fait fur elle lamême
impreffion. Elle juftifia fe xlefirde
lavoir fonnom,
parl'envie que fon pèreen
avoir témoignéelé premier -,il avoir jrépéré plufieurs foisque l'inconnu avoit des manières tropnobles>un
courage tropfiifié-rieur, pour
n
être pasdune
ilîuftre origine§&
elle en conduoit qu'il"falloir le traitereliconféquence>
&
prendre tous lesmoyens de
découvrir fonnom. Maguelone
réunifToit la douceur&
la vivacité-, elle avoit toutes les vertusd
uneame
tendre,&
toutes lesqualités
d un
efprit aâif&
pénétranr ymais dans cemoment,
le fentiment qui là domi-noitiétoit la crainte que fon pere neman-quât aux bienféances. Elle eût defiré
de
pouvoir dire à fon pere d'attirer l'étranger à(àCouf
$elle n'ofoit luitracerlesmoyens
lurs qu'ellecroyoitavoirpourfatisfairelacuriofîréde
fon pere,carellemettoittout furlecompté du
Roi.Tandis qu'elle rouloir dans fà tête mille defleins, qu'elle voyoit partout des obftacles
,
qu'elle aceufoiten fecret lepeud'égârdsqu'on avoit pourl'inconnu,qu'elles'enprenoitàfon J>ere, fi l'on ne favoit pasencorequi ilétoit*
e
Roi
, faqs recouriràaucundesprojetsinu-âfc" Nouvelle Hiftoïre
tiles que fà fille formoit, envoya retenir le Chevalier avec plufieurs de ceuxqui avoienc combattucontrelui,à dînerpourlelendemain dans fon palais.
Si
Maguelone
futcharméede
cette invita-tion,quelplaifirenrefïentitPierre,quibrûloirde
lavoirdeplus près! leRoi
le plaça à côtéde
fafille pour lui témoignerplus particuliè-rementlecasqu'ilfaifoitde
lui. Lesrepasdes RoisnefontpastoujourslesfeftinsdesDieux;
le cérémonial
incommode,
lacontrainte&
lerefpedfc en banniflènt fouvent le plaifir
&
lagaieté. Pierre, fans oublier qu'il étoit affis à côté
du Roi
, ne fitattention qu'àlabeautéde
fa fille il dévoroit fes foupirs,
&
foncœur
étoit déchiré par la paillon la plus vive.
Ma-gueloneéprouvoitlesmêmes
fentimens& n en
vouloit rien croire >elleprenoitfes tranfports {>our de fimplesmouvemens
d'une admiration égitime,&
fa tendreflèpourun
eftimequ'onne
pouvoir refuferà tant de vertus. Lorfque ledînerfutfini, laconvention
devenantplus générale,Maguelone,
après avoir dit quel-quesmots qu'elle crut tres-flateurs auxautres Chevaliers,s'adreflaà Pierre d'un tonqu'elle croyoit marquer beaucoup d'indifférence, L'impreffionquevotre valeur&
votrefageflè*lui dit-elle, ont faites fur le
Roi &
lur laReine, eft fi forte, que fi elle a échappé
à
^votre
amour
propre, il faut que vous foyezl'homme
le plus modefte qu'ily
ait furk
de Pierre de Provencej &cl
it
terre. Ils vous regardent
comme
le plus belornement de
leurCour
}&
ce quiprouve la foliditédu
jugement qu'ils ont fait de vous,c'eftque ceux qui auroient leplusd'intérêt à vousporterenvie,ne peuvents'empêcherde vous aimer.
Le
plus grand plaifirdu Roi, de
laReine &
desDames,
eft de vous voirici le plus fouvent que vous pourrez.
Ceft
k
feulemarque de
reconnoiflànce qu'ils exi-gentde voùs&
vousêtestropcourageuxpour être ingrat.Pierre étoitmoinspénétré des marques
de
labonté
du
Roi, que decelledelaPrinceflèy aprèsl'avoir priée de les remercier, il ajoutaque
ce qui le flattoit le plus,étoit l'honneur qu'elle daignoir lui faire, de luiexpliquerles intentionsdu Roi
, n'ayant rien fait encore pourmériterqu'ellenelevîtpoint avec répu-gnanceàlaCour
ils'obligea,uellene ledélap-prouvoitpoint,defeconiacrertoutentieràfon fervice:le défapprouver,\dit-elle,non
,non
,
jèvousretiensdès ce
moment
pourmon
Che-valier. Ellealloit continuer, lorfquela
Reine
fortit; laPrinceflèfe vit à regret obligée
de
lafuivre -, mais avantdefeféparer
de
Pierre:BraveChevalier, lui dit-elle, venez le plus fouvent qu'il vous fera bbflible.
Vous
êtes François, j'ai toujoursdeiîréde
connoîtrelesmœurs
Se les ufages de votre nation ;je fuis fâchéede
ne pouvoir vous mettre fur cette matière j'efpere que je ferai plus heùreuieB3
$%
Nouvelle Hljhîriune
autre fois.La
Princeflè fortit auflï-tôt avec famère, &
Pierre refta avecles autres çoqrtifansauprèsdu Roi
quil'interrogeaencorefqrfon pays
&
furfonnom
,il luirépétaqu'ilççoitFrançois
&
Chevalier}qu'il n'ayoitqu'une fortune médiocre&un
granddefird acquérirde
i'honneui,&
qu'il le fupplipit encorede
tiç pas exiger qu'il dît fon
nomV
S'il étoiçconçu,
ajouta- 1-il par les aâionsde me*
ancêtres, jaurpis à craindre, fi je
ne
les?cgaloispoint,
de
faire tortàun nom
illuftre; Je craindrois encore,ce quin'arrivequetrop fpuvent,quç ceuxquiferoienttémoinsde
mes.faits, ne leshonoraflent à caufe
du nom que mes
ayeutfm
aùroient rtanfmis,&)enc
veuîçÔçn
devoir qu'à tftoi-mêrtie. Si par hazardj'étoisd'une naiffance obfcure,
oU du
jnoins;fimple gentilhomme, je né voudroîs faire çonnoître
mon nom
fquê
lorfque je lauroisilluftré.
Le Roi
approuva l'étranger, il luipromit
de
ne plus lui marquer aucune cu-t riofité à ce fujet,& de
ne c&ifidérer ci*hiique
lui-même.de Pierre de Provence3 &e.
tf
CHAPITRE III.
Çonverfation intéreffante de
Maguelone &
deNicé
i manière de phïlofopker de la Prin*cejfefurlepréjugé delanaijjance ;rneffage de Nicé;fes remontrances inutiles.
Ï^ierre
voulut en vairife rendrecompte
desfentimerisqu'iléprotrvoit>illescomparoit à tous ceux qui Tavoientagité )u(qu'à cemo-ment
ioncœur
n'avoit encoreconnu
que ceux de Tamiti^, de la tendreflè pour fes païens& de
la gloire-, Maguelorieavoitquel-que
chofe de plus féduiiaat } fon idée leule le jettoit dansune
rêverie profonde, fonnom
le faifoit treflaillir; il paflbit malgré luide
la ]oie àtlà trifteffe,du
refpeâau defir,de
Tefpérance à la crainte.Le
fonde
voixde Maguelone
retentit fans ceffe au fondde
fon cœur, fon image eft toujours préfente à fês yeux; ilne conçoitpoint quelle eftcette Gffion, fi douce&
fi impérieufe.La
gloirevoittyrannifé
&
le dominoit encore,maiselle n'enflammoitpas fonfangdansfes veines.
Mafguelonede(oncôtén'étoitguèresriioins agitée ; elle avoit vu avec indifférence
une
foule des Chevalierss'efforcerà luiplaire,&
Pierre fahs auturi effort s'étoit rendu le maî-tre