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Chapitre 1. Généralités sur l'hémoglobine

IV. L'hémoglobine dans les règnes du vivant

5. Hémoglobines de vertébrés, de mammifères et de l'homme

La famille multigénique des hémoglobines humaines a été la première à être caractérisée, en termes de nombre de gènes, de localisation chromosomique, de lieu de synthèse, de succession et d'expression au cours du développement (Chapitre 1, I). Le rôle de transporteur

pigment et ses principales caractéristiques ont été retrouvés chez les autres mammifères et tous les vertébrés.

Pourtant, la description d'hémoglobines ayant des fonctions différentes ne manque pas. Des hémoglobines humaines et de vertébrés possédant des fonctions nouvellement découvertes sont présentées ci-dessous.

a. Fixation du monoxyde d'azote (NO)

Les sous-unités β de l'hémoglobine humaine, de tous les mammifères et de la plupart des vertébrés possèdent une cystéine (cysβ93) avec un groupement thiol hautement réactif, dont la fonction est restée longtemps inconnue. Il a été montré chez les mammifères que cette cystéine fixe le monoxyde d'azote et forme de la S-nitrosohémoglobine (SNO-Hb) dans les globules rouges au niveau des poumons. Pendant le trajet artériel et veineux, le monoxyde d'azote est relargué et joue un rôle au niveau du contrôle de la pression artérielle (Jia et al. 1996). Les travaux qui portent sur le monoxyde d'azote et l'hémoglobine ont conduit à un nouveau paradigme sur la fonction de l'hémoglobine chez les mammifères, les oiseaux et poissons et de nombreux vertébrés. Comme le soulignent Durner et al (1999), "Ces nouvelles observations ont conduit à la révision de notre compréhension du cycle respiratoire, et à y inclure un troisième gaz, le monoxyde d'azote. Dans leur forme dé-oxygénée, les érythrocytes passent dans les capillaires et transportent NO fixé sur l'hème, ainsi que le CO2. Dans les poumons, l'hémoglobine subit un changement allostérique de T vers R qui est couplé avec le transfert de NO de l'hème à la cystéine 93. La S-nitroso-oxyhémoglobine (avec NO lié au groupement thiol et O2 sur l'hème) entre ensuite dans le circuit artériel. Exposé à de basse tension en O2, la transition de l'état R vers l'état T relargue NO qui dilate les vaisseaux sanguins et facilite le relarguage de O2 ". Ce mécanisme est illustré dans la figure 16.

Le cycle SNO-hémoglobine tel qu'il est décrit ci-dessous, a également été montré au niveau de la circulation fœtale.

A la question : " Est-ce que le nouveau paradigme du cycle SNO-hémoglobine devient obsolète avec des hémoglobines sans cystéine en position β93 ? La réponse est non ! En effet, de récents travaux sur le poisson perciforme Leiostomus xanthurus montrent que la cystéine fixatrice de NO n'a pas besoin d'être en position 93 (Bonaventura et Lance 2001).

Figure 16. Le schéma (didactique et révisé) du transport de l'oxygène où interagissent O2, CO2 et NO.D'après Bonaventura et Lance (2001).

b. Autres fonctions

Des travaux sur des cellules hépatiques humaines par une approche protéomique, ont permis de séquencer une hémoprotéine qui a une activité enzymatique de type peroxydase et qui présente 40% d'homologie avec la myoglobine. De sérieux indices suggèrent que cette protéine pourrait aussi être un transporteur intracellulaire d'oxygène (Kawada et al. 2001). L'adaptation à des apnées longues (jusqu'à une heure) de certains crocodiles est expliquée par un relarguage plus lent de l'oxygène. Cette capacité est expliquée par la présence au sein de la globine de quelques acides aminés clés qui confèrent un effet allostérique particulier. Des hémoglobines chimériques humaine-crocodile ont mimé in vitro cet effet allostérique, montrant que la substitution de quelques acides aminés permet de modifier l'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène. Ainsi, une modification mineure peut permettre l'émergence d'une nouvelle fonction qui confère un avantage sélectif et permet une adaptation à un

L'hémoglobine de Salmo irideus (la truite) possède une d'activité peroxydasique (Fedeli et al. 2001) sans que le mécanisme moléculaire soit identifié. Il reposerait davantage sur la configuration hétéropolymérique des hémoglobines et leur dissociation que sur une propriété portée intrinsèquement par les sous-unités. En effet, l'activité peroxydasique n'a pas été retrouvée à partir des chaînes de globines seules.

L'identification récente de nouvelles hémoglobines humaines, différentes des hémoglobines circulantes dans les globules rouges et de la myoglobine (cytoplasmique), est venue également révolutionner nos conceptions concernant les pigments respiratoires humains.

Deux nouveaux types de globines humaines ont été ainsi récemment décrits : les

neuroglobines et les cytoglobines (ou histoglobines).

c. les neuroglobines

Les neuroglobines ont été identifiées in silico à partir des bases de données sur l'ADN humain et murin, puis séquencées et utilisées comme sonde pour de l'hybridation in situ pour chercher un éventuel patron d'expression. Leur expression dans le cerveau humain et les cellules neurales de différentes régions du cerveau de souris leur ont valu le nom de neuroglobines (Burmester et al. 2000). L'arbre phylogénétique incluant des myoglobines, des hémoglobines et ces neuroglobines, montre une association avec la myoglobine (probablement une neuroglobine) exprimée dans des tissus nerveux du polychète Aphrodite aculeata (Moens et Dewilde 2000 ; fig. 17). Des travaux précédents avaient également montré l'existence d'hémoglobines dans des tissus nerveux de divers autres mollusques, annélides et nématodes. La découverte de ces neuroglobines humaines et murines et leur présence chez des invertébrés suggèrent qu'elles ont probablement évolué avec le développement du système nerveux, et qu'il ne serait pas surprenant de les retrouver chez d'autres métazoaires. Ces neuroglobines ont été récemment retrouvées également chez des poissons téléostéens (Awenius et al. 2001) et le rat (Zhang et al. 2002).

Les neuroglobines auraient un effet neuroprotecteur contre l'hypoxie et ischémie (arrêt de l'irrigation) (Sun et al. 2001). Elles représentent le premier exemple d'hémoglobines "hexacoordinées" de vertébrés (Trent et Hargrove 2002), semblables aux hémoglobines "hexacoordinées" des bactéries. Ainsi, la présence d'hémoglobines hexacoordinées, chez les vertébrés, les plantes et les bactéries suggère une fonction plus générale de ces hémoglobines.

Figure 17. Phylogénie moléculaire de globines (Neighbour-joining). Légendes des taxons en annexe 1. D'après Burmester et al (2000)

d. Les cytoglobines

Les cytoglobines (Burmester et al. 2002) ou histoglobines (Trent et Hargrove 2002) sont des globines ubiquitaires exprimées dans tous les tissus de vertébrés (humains, murins et de poissons). L'étude phylogénétique montre qu'elles sont proches mais différentes des myoglobines et montre ainsi que l'évolution des globines est plus complexe qu'initialement envisagée (fig. 18).

Figure 18. Phylogénie moléculaire de globines de vertébrés avec les valeurs de bootstraps (au-dessus) et de quartets (au-dessous). Légendes des taxons en annexe 1. D'après (Burmester et al. 2002)

Ces hémoglobines présentent un état d'hexacoordination, mais possèdent cependant des caractéristiques de fixation du ligand différentes des neuroglobines. Ce deuxième exemple d'hémoglobines "hexacoordinées" chez les vertébrés renforce l'idée d'une fonction répandue de ce type d'hémoglobine.

Avant la découverte des neuroglobines et des cytoglobines, une souris de laboratoire sans myoglobine a été générée par la technique du "gene knock-out". Cette mutante vit comme une souris sauvage qui aurait exprimé normalement la myoglobine (Garry et al. 1998). Ces travaux ont suscité des interrogations à propos du transport de l'oxygène au niveau cellulaire et suggéraient la présence de molécules alternatives, exprimées au niveau cellulaire à des concentrations très faibles, pouvant se substituer aux myoglobines.