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gt; Délices littéraires

Dans le document 43 : Mexique (Page 72-75)

D’avril à juin, le public tourangeau, qu’il ait ou non participé aux étapes précédentes, était alors invité à ren- contrer les quatre écrivains au cours d’autant de soirées gastronomiques : repas commentés, préparés autour de spécialités locales, sur les thèmes de Rabelais, Ronsard, Racan, Balzac : Marie Rouanet (Petit traité romanesque de

cuisine) au restaurant Les Glycines de

Saint-Christophe-sur-le-Nais ; Jacques Jouet (L’Amour comme on l’apprend à

l’école hôtelière) au Musée Balzac de

Saché ; Martin Winckler (À ma bouche) à la salle des fêtes de Channay-sur- Lathan et Hervé le Tellier (Je m’attache

très facilement), à l’Abbaye de Seuilly.

Pour assister à ces soirées, une contri- bution financière – modeste (20 €), eu

égard à la qualité du repas annoncé – était demandée aux participants, sauf pour les personnes qui avaient livré une recette utilisée lors d’une soirée, ou les participants à un atelier d’écriture, invités par la DDBL. Les lectures par les écrivains et les repas étaient les deux moments forts de ces soirées.

Le caractère et la personnalité des écrivains ont beaucoup joué dans cet échange. La spontanéité, la convivialité de leur propos furent les ingrédients de la réussite… Une enquête menée

a posteriori a pourtant montré que

ces rencontres, apparaissant comme la motivation essentielle du public, n’étaient pas totalement en phase avec son attente. Nombre de person- nes s’attendaient à entendre « plus » de lectures, « de meilleure qualité », à « mieux » les entendre, et qu’elles se composent davantage de textes en rapport avec les écrivains « classiques » de la Route. Souvent induites en erreur par l’intitulé des soirées (« Secrets gourmands de Balzac, Ronsard, Racan ou Rabelais »), ces personnes ont été désorientées d’assister à des lectures et des échanges davantage axés sur l’écri- vain contemporain invité. En outre, pour les concepteurs du projet, qui avaient saisi l’occasion de la venue de ces écri-

Lorsque mon père ramenait de la campagne une pleine musette d’herbes sauva- ges et du petit gibier ou une friture d’ablettes, quand une odeur verte remplis- sait la maison, je ne savais pas que viendrait le rejoindre, au plus chaud de ma mémoire, un poète et des plus grands.

Si différents que soient un artisan qui travailla de ses mains et un prodigieux lettré amis des rois, ils devisent ensemble, en moi, de la « douce alouette », de « la pâquerette à la feuille menue », des ruisseaux et des sources.

Lorsque je lis Ronsard et que je l’imagine rentrant de sa cueillette champêtre de saladettes, je lui prête la silhouette paternelle, pas lents et regard au sol comme tous ceux qui traquent de l’œil dans l’exubérance de la végétation printanière « la boursette touffue », « la pimprenelle heureuse pour le sang », « la respon- sette à la racine douce ».

Certes, mon père n’emportait pas un exemplaire d’Ovide à lire sur le chemin du retour, mais il savait parler avec finesse de ces moments où il prenait le temps de trier son joli butin, de séparer ce qui se cuit… et ce qui se mange cru, et s’il ne voyait pas des nymphes dans des reflets incertains de l’eau, il y repérait la truite qu’il n’était pas loin de percevoir comme une petite divinité rustique.

Aucun Corydon ne lui préparait son casse-croûte mais, comme Ronsard, il man- geait « au bruit de l’eau », le melon de son jardin.

Marie ROUANET © V alerie T ieur celin Hervé Le Tellier.

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vains pour des rencontres en bibliothè- ques dans l’après-midi, où dans leur esprit s’était davantage joué l’aspect littéraire et culturel, la soirée était un moment plutôt gastronomique et festif. Il y a donc eu malentendu et ambiguïté dans la communication. Nous serons amenés à revoir l’organisation des soirées autour de l’aspect « littéraire » et à valoriser le temps de rencontre avec les écrivains lors des prochaines Rencontres gourmandes et devrons panacher davantage les ambiances lors des soirées.

Quant au repas, dire ce que ressentent les papilles est un art réservé à certains, au nombre desquels il faut compter Jean-Jack Martin « écriturier » du goût et des saveurs, invité par la Chambre des métiers. Ce personnage haut en couleur a commenté, chaque soir, les produits travaillés par les artisans, la façon de les accommoder, et a raconté une expé- rience particulière des produits du terroir. Ainsi, par exemple du « plat de résistance » du menu Balzac, la géline aux poires tapées et au miel.

Ceux pour qui, hors du terroir touran- geau, poire tapée et géline demeurent énigmatiques auront sans doute eu quelques difficultés à décrypter les messages culinaires. Néanmoins, au- delà du plaisir de la table, ce fut un vrai

message culturel, populaire qui fut déli- vré par les artisans – artistes du goût et des saveurs. Et un vrai régal. Sur ce point, la cote de satisfaction des parti- cipants est très élevée ! Deux personnes seulement sur près de 300 participants ont été déçues par la qualité des plats. Des réponses vraiment marginales : on ne peut pas plaire à tout le monde !

> « Le monde est fait pour

aboutir à un beau livre »

Retour à l’écriture. Au fil du temps, le long de cette « opération », la DDBL a préparé l’édition d’un ouvrage, qui ne devrait pas être l’énième ouvrage de recettes locales que l’on peut trouver sur les rayons des bibliothèques, mais une invitation à la lecture des écrivains du passé, des écrivains invités ce prin- temps 2008, et un recueil des recettes des soirées et des bibliothécaires volon- taires du réseau de la bibliothèque départementale.

À paraître ce printemps 2009, il décli- nera les quatre soirées thématiques et rassemblera, outre une présentation des ateliers d’écritures, celle des tex- tes de Ronsard et consorts, des auteurs invités et leur texte hommage, enfin les recettes réalisées par les artisans.

> Poursuivre la route…

Pour compléter ces propos, écrits alors que cheminait ce projet sympathique et gourmand achevé fin juin 2008, quel- ques points de repère et un bref bilan ont été réalisés à l’automne. Un partena-

Reportages À l'abbaye de Seuilly. © V alerie T ieur celin Nomblet de pourceau. © V alerie T ieur celin

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riat riche avec des organismes peu « ordinaires » pour une BDP a révélé – si

tant est

qu’il faille le faire – du lien culturel lit- térature-gourmandise à 90 personnes enthousiastes, réunies chaque soir pour rencontrer des écrivains autour d’une bonne table : peut-on demander mieux en nombre de participants pour une sen- sibilisation littéraire en milieu rural ? Aussi, ce concept « littérature et gas- tronomie » nous semble-t-il être un bon

moyen d’amener un public à se dépla- cer. Le prix modeste a été jugé bon : plus élevé, il serait prohibitif… et ne permet- trait pas aux gens d’acheter les ouvrages vendus à la fin du repas. La proximité du lieu où se déroulaient les soirées revê- tait une importance non négligeable puisqu’elle est citée comme un élément les ayant incités à se déplacer.

La communication publique fut princi- palement assurée par les bibliothèques du réseau assistées par les offices de tourisme, maison des vins et autres musées, et souvent par le bouche-à- oreille – ce qui était bien le moins… Cela vaut néanmoins d’être souligné, car plusieurs participants déclarent que c’est l’enthousiasme de la personne qui leur a parlé du projet qui les a incités à se déplacer. On voit donc que dans le cas d’un tel projet, les réseaux locaux et sociaux fonctionnent particulièrement bien, d’où l’importance aussi de tenir compte des remarques du public qui a eu la gentillesse de répondre à notre questionnaire de bilan.

Enfin, le souhait des différents acteurs du projet – et des élus concernés,

moyennement enthousiastes au départ – de poursuivre cette opération nous fait chaud au cœur, car ces belles rencontres ne peuvent laisser indiffé- rents des bibliothécaires qui souhaitent ancrer leur travail de médiation dans la réalité sociale.

Didier GUILBAUD Directeur de la DDBL

TRAVAILLER AVEC LES BIBLIOTHÈQUES DU RÉSEAU

Pour une BDP, la difficulté du travail en réseau et avec des partenaires dans le cadre d’une opération de ce genre consiste en la motivation des acteurs à un « deuxième niveau ». Je m’explique.

Ceux qui « agissent » sont les lecteurs en « bout de chaîne », or, il est bien connu qu’une BDP ne connaît ces lecteurs que par l’entremise des bibliothèques. Il faut donc exercer une double motivation au projet : motiver des bibliothécaires, volontaires ou professionnels, qui eux-mêmes motiveront les équipes et les lecteurs.

Par ailleurs, pour « motiver » des partenaires, même partants, il faut apprendre à se connaître, se comprendre, fixer les règles, les cadres, etc.

Enfin, « gérer » les financements avec les pays, Leader +, le conseil général, etc., représente toujours une véritable aventure administrative.

Au final, beaucoup d’intérêt des bibliothèques en général, beaucoup d’énergie dépensée et pas mal d’embûches sur le chemin. Mais de grandes satisfactions à l’arrivée. Témoins :

• La bibliothèque de Sainte-Maure-de-Touraine (3 909 hab., 1 professionnel) s’est beaucoup investie dans le projet : collecte de recettes, acquisition d’ouvrages, distribution de prospectus, promotion de l’ensemble des étapes du projet, accueil d’un écrivain… mais n’a été récompensée de presque aucune participation de son public. Face à un public visiblement difficile à motiver sur des projets culturels, une communication plus ciblée aurait certainement porté davantage de fruits.

• La bibliothèque d’Ambillou (1 301 hab., bénévoles) a participé à la collecte des recettes et à la promotion des soirées. Elle s’attendait à davantage d’implication, notamment de la part des « anciens » de la commune, mais la participation n’a pas été à la hauteur de ses espérances. De l’aveu de la bibliothécaire, l’équipe (entièrement bénévole) n’avait pas réalisé l’ampleur de la charge de travail nécessaire pour mener à bien un tel projet. Au final, la bibliothèque ne souhaite plus s’investir dans un projet de ce type.

• La bibliothèque de Cléré-les-Pins (1 166 hab., bénévoles) a participé à l’ensemble des aspects du projet, sauf la promotion des auteurs de la Route. Les retombées ont été très positives pour la bibliothèque : l’accueil d’un écrivain l’a valorisée et dynamisée (44 nouvelles inscriptions). La bibliothèque est, en conséquence, partante pour réitérer l’aventure l’année prochaine.

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Jean-Jack Martin, « écriturier » du goût.

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