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Sindiane, ou ةنايدنس Sindyana, signifie le Chêne, au féminin. C’est un arbre symbolisant dans les pays arabes et spécifiquement en Syrie, la force, la robustesse, un chêne ne tombe jamais malgré les tempêtes successives et les autres désastres naturels qu’il peut subir. D’être à ses côtés serait un moyen de se sentir protégé et plus fort, de rester debout quelles que soient les épreuves que la vie mène à traverser. Ce terme a été pensé, proposé et illustré par l’une des intervenantes fondatrices du programme (voir annexe 1). Il est au féminin parce qu’il a été constitué par et pour des femmes.

Le programme Sindiane est issu de l’engagement d’une juriste française aux côtés d’un collectif de réfugiés pratiquant l’autosupport et du soutien psychosocial dans des camps de réfugiés en Grèce, ainsi que de ses expériences professionnelles en France et en Allemagne. Il s’est concrétisé initialement par sa rencontre avec une psychologue syrienne, puis une médiatrice en santé et une artiste pratiquant l’art thérapie. Conscientes de l’efficacité du groupe et de l’intérêt des logiques d’autosupport, elles ont créé ensemble le projet Sindiane. Le programme communautaire Sindiane est donc expérimental et récent. Il n’est financé que depuis le mois de juin 2018 par la Fondation de France, grâce au portage de l’association JUST (Justice and Union toward Social Transformation). Selon les principes de l’action communautaire, il s’ajuste continuellement aux besoins des bénéficiaires.

Les détails de l’action de Sindiane et ses enjeux ont été publiés dans la revue interdisciplinaire consacrée aux problématiques situées à l’interstice entre les champs de la santé mentale et de la précarité Rhizome par l’éditeur Orspere-Samdarra – Observatoire Santé mentale Vulnérabilités et Sociétés. L’article s’intitule « Sindiane, un programme

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communautaire pour personnes migrantes arabophones », paru dans Rhizome « Soigner le traumatisme ? » 2018/3-4 (N° 69-70), avec pour auteurs : Caroline Aubas, Olga Loris, Julien Grard et Aurélie Tinland (voir annexe 2).

Au sein du programme Sindiane, les thématiques abordées au cours des ateliers en groupe sont : le recours aux informations sur le droit d’asile et le droit des femmes, sous forme d’atelier ou de permanence en français traduit en arabe, conduits par une juriste française spécialisée dans ce domaine ; l’expression artistique, art-thérapie animé en arabe par une artiste syrienne ayant déjà mené des groupes communautaires pour réfugiés à Istanbul en Turquie ; les ateliers bien-être qui consistent en la découverte de la ville de Marseille, exploration, culture, lieux clefs, et accompagnement avec interprétariat langue arabe – langue française pour les consultations médicales menée par une médiatrice de santé en arabe et français. Deux des trois intervenantes du programme ont vécu l’expérience de la migration forcée et du processus de résilience, elles ont également la même langue maternelle que les participantes ce qui permet d’être au plus proche et dans la compréhension mutuelle. Dans la logique communautaire l’intervention a pour objet de réunir sous forme d’ateliers initialement uniquement destinés aux femmes, arabophones, demandeuses d’asile ou réfugiées qui le souhaitent. Le programme est proposé de façon gratuite, sur deux jours par semaine tout au long de l’année. Un groupe s’est aussi créé pour des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) compte tenu de leur demande, liée à une forte stigmatisation et un fort rejet, ainsi que des besoins majorés en termes d’accès aux informations sanitaires, juridiques et d’entraide communautaire. Le récit de vie est abordé pour commencer dans un cadre juridique, en séance individuelle si besoin, puis en groupe. Au sein du programme Sindiane, sont abordés le parcours des participantes, les difficultés passées et présentes de ces dernières et, surtout, les moyens de les affronter, qu’elles soient administratives, légales ou existentielles.

La présence de réfugiées syriennes parmi les animatrices et co-porteuses du projet a un effet d’identification positive : « En échangeant avec des personnes positivement transformées par des traumas comparables, l’individu s’ouvre un champ du possible »(45).

Les moments de rencontre au sein des ateliers ont également pour but de créer une solidarité, un réseau d’entraide mutuelle. Les porteuses du projet mettent en avant l’autogestion, mais aussi la formation des participantes ayant des compétences ou une appétence pour le droit, l’art ou la psychologie, avec pour objectif de donner à ces femmes volontaires les outils leur permettant d’être un relais de l’information au sein de leur communauté et animer à leur tour

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des ateliers. Les passerelles avec des dispositifs de soutien psychologique ou consultations spécialisées psychiatriques, individuels pour les bénéficiaires présentant des troubles plus caractérisés ou demandeurs se formalisent au fur et à mesure de la demande, l’orientation se fait actuellement au cas par cas avec les dispositifs de droits commun (CMP, psychiatre libéral, médecin généraliste, PASS). Le programme assure ainsi une fonction de repérage précoce et d’adressage spécialisé. La communication du programme se fait par le bouche-à-oreille de personnes ayant participé ou pas, par le biais d’informations auprès des centres d’accueil de demandeurs d’asile en France (CADA) et d’associations soutenant les demandeurs d’asile. Au bilan à neuf mois, 61 personnes ont bénéficié des ateliers et des permanences juridiques de Sindiane, 37 des ateliers artistiques, 35 des ateliers bien-être.

Ainsi, le programme Sindiane est innovant par sa forme communautaire dans l’accueil et le partage, dans la transmission de connaissances sociojuridiques, dans l’accompagnement culturel et humain et par sa démarche préventive des psychotraumatismes, sources de souffrance ou potentielles pathologies psychiques. Il apporte un support solidaire pour une population ciblée en termes de besoins, en l’occurrence dans un premier temps, des femmes arabophones et personnes LGBT en demande d’asile ou réfugiées à Marseille. Il porte également l’espoir d’une vision plus sociale et adaptée de l’accueil de ces personnes en France et en Europe.

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Hypothèse

Sindiane, le programme innovant communautaire de soutien précoce de personnes demandeuses d’asile et réfugiés est adapté aux besoins de ces personnes et peut, par un empowerment juridique, social et psychologique, l’auto-support par des pairs, un travail de narration de soi supportée par le groupe et les intervenants, avoir un impact sur la santé mentale de ces personnes, notamment sur la prévention des troubles psycho traumatiques.

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