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2.3 Élaboration de canaux microfluidiques

2.3.2 Gravure chimique humide

Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 1, le verre est une structure amorphe

de complexes d’oxydes. La gravure chimique du verre correspond à la dissolution de ces

oxydes. Le réactif d’attaque du verre le plus employé est l’acide fluorhydrique (HF), qui

est une solution aqueuse d’hydrogène fluoré. Le HF dissout les oxydes de silicium selon

la réaction (2.1).

SiO

2

+ 6HF→H

2

SiF

6

+ 2H

2

O (2.1)

La gravure chimique humide est donc isotrope. L’acide fluorhydrique présente une

réactivité avec les métaux et les polymères très faible par rapport aux oxydes. Cette

pro-priété de sélectivité de la gravure fait du HF un excellent candidat pour la gravure de

micro-structures, puisqu’un un grand nombre de matériaux micro-structurables peuvent

être utilisées comme couche masquante. La vitesse de gravure de la réaction dépend de

la teneur en acide, de la température de la solution utilisée ainsi que de la

composi-tion du verre gravé. La gravure humide du verre est typiquement réalisée dans des

solu-tions concentrées de HF à 49%. Selon le verre, des vitesses de gravure de l’ordre de 5 à

10µm·min

1

sont alors observées [70]. L’utilisation de solutions diluées permet de réduire

la vitesse de gravure à environ 1µm·min

1

. Les travaux dans ce domaine concernent

prin-cipalement l’optimisation de la rugosité de la surface gravée car la réaction des oxydes

du verre comme les oxydes de calcium (CaO), de magnésium (MgO) ou d’aluminium

(Al

2

O

3

) avec le HF peut donner des produits insolubles suffisamment stables pour ne pas

intéragir avec l’acide. Ces produits insolubles créent un effet de micro-masquage qui crée

des défauts de gravure et impacte la rugosité de la surface gravée [71]. L’addition d’acide

chlorhydrique (HCl) à la solution de gravure a été proposée pour résoudre ce problème.

L’idée générale est de transformer les produits insolubles CaF

2

, MgF

2

et AlF

3

dérivés

d’une réaction avec le HF, en produits solubles CaCl

2

, MgCl

2

et AlCl

3

par réaction avec

le HCl. Un ratio optimum de solution réactive (HF/HCl, 10/1) pour la gravure de verre

Pyrex (Corning 7740) a par exemple été mis en avant afin de maintenir la rugosité de

surface à 6 nm plutôt que 18 nm dans le cas de gravure d’une solution de HF (49%) [71].

L’objectif de notre étude étant tout d’abord d’élaborer des canaux de motifs complexes de

plusieurs centaines de microns afin d’assurer l’interfaçage des dispositifs microfluidiques

élaborés, l’étude de l’impact de la chimie sur la rugosité de la surface gravée n’a pas été

jugée prioritaire. Nous ne l’avons donc pas abordée.

Dans la suite de ce travail, nous utiliserons donc un procédé standard de gravure du

verre par une solution de HF concentrée à 49%. Afin de graver des motifs, nous cherchons

à élaborer une couche masquante adaptée à la gravure humide sur substrat borosilicate.

Les couches masquantes généralement utilisées pour la gravure humide sont [70] :

— les résines épaisses ;

— le silicium polycristallin ;

— les couches métalliques.

Il a été mis en évidence que certaines résines photosensibles sont inertes au HF.

Néan-moins, leur faible adhérence au verre résulte en un décollement rapide de celles-ci en

solution HF [72] et ne permet pas de transférer des motifs avec précision. Les couches

minces de silicium et de métaux présentent des caractéristiques variables en termes de

résistance à la gravure et de taux d’adhérence aux différents substrats. De plus,

l’appari-tion de défauts lors du dépôt et de la mise en forme des différentes couches masquantes

entraîne le transfert de ceux-ci lors de la gravure. Un compromis est donc nécessaire entre

la sélectivité de la couche masquante, son adhérence au substrat considéré et le transfert

de défauts. Pour cela, nous avons abordé l’élaboration de masques multi-couches [70–73].

Différents dépôts de couches minces disponibles au laboratoire ont été testés comme

couche d’adhérence à la résine épaisse SPR220. La recette de dépôt de SPR220 a été

optimisée selon les données constructeurs pour que celle-ci ait une épaisseur de 10 µm.

Des dépôts standards d’alumine (Al

2

O

3

(40 nm)), de silicium (Si(120 nm)) et des

bi-couches chrome/or (Cr(40 nm)/Au(80 nm)) ont été utilisés. La couche mince d’alumine

a été testée bien que ce soit un oxyde car elle est déjà utilisée comme masque pour la

technologie d’échange d’ions. Le dépôt métallique est un dépôt standard utilisé à

l’IMEP-LAHC, où la couche de chrome agit comme couche d’adhérence à la couche d’or.

épaisse, puis transmis aux couches d’adhérence par des solutions chimiques réactives

dé-diées à la gravure des différentes couches minces. Les différents échantillons sont ensuite

plongés dans la solution de HF standard. Plusieurs critères sont alors étudiés après la

gravure. Tout d’abord, la tenue de la résine SPR220 a été observée. Le profil des

ca-naux obtenus a ensuite été mesuré à l’aide d’un profilomètre Brücker Dektak XT. La

sur-gravure du motif par rapport au motif lithographié est ainsi mesurée et un facteur de

forme normalisé F des canaux est calculé, selon l’équation :

F = e

l’−l (2.2)

avec e la profondeur du motif gravé, l la largeur du motif lithographié et l

0

la largeur

du motif gravé, selon la figure 2.5. Comme le montre cette figure, le calcul du facteur

de forme F permet d’évaluer la résistance au décollement de la résine. Pour une couche

masquante résistante, F tend vers 1.

Profondeur gravéee Largeur motifl Largeur gravéel0 HF Couche masquante Substrat Sur-gravure HF Décollement du masque (a) (b)

Figure 2.5 –Représentation des profils de canaux gravés avec (a) une bonne adhé-rence de la couche masquante (F →1) et (b) un décollement de la couche masquante (F 1).

La figure 2.6 montre des photographies des différents masques multi-couches utilisés

après passage dans le HF. Les résultats de mesure sont reportés dans le tableau 2.3.

Masque Tenue Sur-gravure F

Al2O3/SPR220 <7 min 43±2 µm·min−1 0,15 Si/SPR220 <9 min 25±1 µm·min−1 0,24 Cr/Au/SPR220 >30 min 6±1 µm·min1 1,0

Tableau 2.3 – Couches masquantes testées pour la gravure du BF33 dans le HF (49% vol).

Sur les photographies de la figure 2.6, on peut observer le décollement de la résine

des couches de Al

2

O

3

et de Si et l’adhérence de celle-ci à la couche mince d’or. Lors des

différentes gravures, la résine décollée ne s’est pas dissoute dans le HF après plus d’une

heure de manipulation, ce qui permet de vérifier que la SPR220 est inerte par rapport

au HF. Les contraintes de manipulation du HF ne permettent pas de photographier ce

(a) (b) (c)

Figure 2.6 –Photographies des différentes couches masquantes utilisées après gra-vure dans le HF : (a) Al2O3/SPR220, (b) Si/SPR220 et (c) Cr/Au/SPR220.

phénomène. Les résultats du tableau montrent la faible résistance des couches minces de

Al

2

O

3

et de Si pour des durée de gravure faibles, tandis que le masque Cr/Au/SPR220 est

intact après gravure. L’utilisation du masque métallique et polymère tri-couches permet

donc de réaliser des gravures profondes sans détérioration des motifs.

L’ensemble des résultats de gravure a été utilisé pour déterminer la vitesse de gravure

du BF33 par le HF concentré à 49% vol. Une régression linéaire sur les profondeurs

mesurées, présentée sur la figure 2.7, a permis d’estimer la vitesse de gravure v

HF

=

6,1±0,1 µm·min

1

.

vHF =6 ,1± 0,1 µm ·min 1

Figure 2.7 –Mesure de la vitesse de gravure du BF33 par le HF (49%) : profondeur de gravure en fonction du temps de gravure.

Nous avons donc mis au point un procédé de gravure de motifs profonds (>100µm)

définis par photolithographie grâce à l’utilisation d’un masque tri-couches Cr/Au/SPR220.

La figure 2.8 montre des exemples de motifs microfluidiques gravés sur une plaquette de

verre BF33.

400µm

150µm

(a) (b)

Figure 2.8 – Motifs de microcanaux gravés sur une plaquette de verre BF33 avec (a) la vue des motifs et (b) la vue en coupe d’un des canaux.