En considérant la loi de Beer-Lambert adaptée à l’optique guidée A = ΓLεc, nous
remarquons que l’augmentation de la sensibilité de la mesure pour un élément d’une
concentration donnée est régie par le produit du coefficient d’interaction Γ par la
lon-gueur d’interaction L. Afin de comparer les performances optiques du capteur intégré à
celles d’un spectromètre classique, nous introduisons le paramètre de longueur
d’interac-tion équivalente L
éq= Γ×L, qui correspond au parcours optique équivalent entre une
propagation libre et une propagation guidée pondérée par le coefficient d’interaction.
Le but est d’obtenir une sensibilité de capteur absorptiométrique optimisé équivalente
à celle d’outils disponibles en laboratoire de chimie. Comme référence, nous avons choisi
de considérer les performances analytiques d’un spectromètre comportant une cuve
ab-sorptiométriques de 1 mm de parcours optique, avec laquelle les mesures d’échantillons de
faible volumes sont effectuées. Cette cuve a été choisie puisqu’elle représente une limite de
réduction de volume de l’analyse effectuée par des instruments macroscopiques. L’objectif
de ce chapitre est donc de concevoir une structure permettant d’obtenir uneL
éq≈1 mm.
5.3.1 Solutions d’amélioration de la sensibilité du capteur intégré
L’amélioration de la longueur équivalente L
éq= Γ×L d’un capteur présente donc
deux pistes possibles. La première consiste à augmenter le coefficient d’interaction, et la
seconde à augmenter la distance d’interaction.
Le coefficient d’interaction d’un mode Ψ avec un fluide dans une région de l’espace Σ
du plan transverse à l’axe de propagation z a été défini tel que :
Γ = n
flun
eff R Σ|Ψ|
2dxdy
R R2|Ψ|
2dxdy (5.1)
Pour un indice de fluide donné, l’augmentation de Γ requiert plus d’interaction du
champ dans le superstrat, ce qui a pour effet de réduire l’indice d’effectif du mode et
d’augmenter l’intégrale de recouvrement du champ avec le fluide. Pour cela, une première
solution consiste à réaliser des guides segmentés, afin d’obtenir une interaction semi-libre,
comme le montre la figure 5.1 (a). La réalisation de guides segmentés permet d’obtenir
un compromis entre l’augmentation du taux d’interaction et la réduction des pertes par
propagation en espace libre. En dépit de ce compromis, cette structure présente
d’impor-tantes pertes théoriques et technologiques. En effet, sa réalisation nécessite l’utilisation
de techniques de gravure fortement optimisée d’un point de vue du facteur de forme et
de la rugosité des canaux. Cette piste n’est donc pas envisageable à court terme.
Une seconde solution consiste alors à optimiser le taux d’interaction dans le plan
transverse du guide d’onde. La structure à nanocanal étudiée par E. Jardinier permet par
exemple d’augmenter l’interaction du mode avec le fluide par élaboration d’une structure
guidante hybride schématisée sur la partie (b) de la figure 5.1 [9, 47]. Cette structure
à nanocanal a permis d’obtenir un coefficient d’interaction Γ = 0,72 % avec une
d’interaction environ 5 fois plus élevée que celui du capteur évanescent que nous avons
réalisé. En considérant une longueur de microcanal maximale de 2 cm réalisable avec les
plaquettes de verre borosilicate utilisées, cette solution permet théoriquement d’obtenir
un parcours optique équivalent L
éq= 0,14 mm.
y z (b) y x e≈100 nm (a)
Figure 5.1 – Pistes d’augmentation du taux d’interaction d’un guide évanescent par réalisation (a) de guides segmentés et (b) d’un guide hybride.
L’augmentation de la longueur d’interaction sur la puce peut elle aussi être obtenue
de différentes manières. La réalisation de structures résonantes permet d’augmenter le
parcours optique obtenu dans une cavité optique. Cette solution requiert la conception de
structures de miroir/réseau de Bragg [106] ou d’anneaux [107], comme le montre la figure
5.2. Le réseau de Bragg qui est constitué d’une succession de perturbations périodiques de
l’indice de réfraction entraîne une réflexion d’un faisceau sonde grâce à des phénomènes
d’interférences constructives. De même, la réalisation d’anneaux résonants permet de
coupler la lumière d’un guide d’onde d’entrée dans un guide anneau. La lumière se propage
alors plusieurs fois à travers la boucle avant de se coupler dans un guide d’onde de sortie.
Le parcours optique dans l’anneau entraîne également un phénomène d’interférence du
signal. Les phénomènes interférométriques entraînent néanmoins un filtrage du signal
autour des longueurs d’onde de résonance caractéristiques des structures. Les structures
résonantes filtrent ainsi le signal injecté et ne sont pas compatibles à l’élaboration de
structures absorptiométriques pour l’analyse large-bande.
x z (a) x z (b)
Figure 5.2 –Pistes d’augmentation du chemin optique sur une puce par réalisation de cavités résonantes (a) à réseau de Bragg, (b) à anneau.
Une alternative pour augmenter la longueur du guide capteur sur un substrat de
dimensions fixe consiste alors à l’enrouler. La réalisation de la fonction à spirale illustrée
sur la figure 5.3 permet par exemple d’obtenir des longueurs théoriques très importantes.
rarc
rsp(θ)
pc,dr-cou
pc,cou-cou
pc,dr-cou
Figure 5.3 –Guide d’onde enroulé à double spirale d’Archimède. Le guide d’onde est constitué de deux guides d’accès raccordés à deux spirales inverses de rayon de courbure rsp(θ), elles-même raccordées au centre par deux arcs de cercles de rayon de courburerarc.
La réalisation de guides enroulés de plusieurs mètres est rapportée dans la littérature
pour les filières d’optique intégrée sur silicium et silice [108–113]. Dans notre cas,
l’enrou-lement du guide capteur sur quelques dizaines de centimètres suffit déjà pour atteindre
l’objectif de longueur équivalente du capteur chimique fixé dans ce chapitre, pour des
volumes de l’ordre du nanolitre. Du fait de la géométrie du guide spiral, l’augmentation
de la longueur du guide à partir d’un guide fonctionnel intégré sur une surface donnée par
ajout de spires ne présente pas une contrainte principale en terme d’espace. L’exploration
de cette solution représente donc une piste extrêmement intéressante à long terme.
5.3.2 Définition de la problématique
Dans la suite de ce chapitre, nous nous attachons donc à la réalisation du motif du
guide d’onde enroulé représenté sur la figure 5.3. Nous avons fait le choix de développer une
fonction (notamment un masque photolithographique) compatible avec d’autres activités
du laboratoire. Afin d’adapter l’utilisation du guide enroulé à d’autres filières de verre
et/ou dans d’autres domaines de longueur d’onde de travail, le paramètre de largeur
de fenêtre de diffusion a = 3 µm du guide capteur présenté dans le chapitre 4 a du
être réduit. Étant donné que la réduction de la fenêtre de diffusion réduit légèrement
le coefficient d’interaction Γ incontournable dans le cas de notre application d’analyse,
un compromis a été choisi en retenant une largeur de fenêtre de diffusion a = 2 µm
pour la suite de notre étude. Selon les résultats de calcul présentés dans le paragraphe
4.2.2.1, une durée d’échange t = 15 min a été retenue afin d’adapter la bande spectrale
monomode du nouveau guide sur la gamme de longueur d’onde de 700-1000 nm. Sauf
indication contraire, nous considérons donc le fonctionnement d’un nouveau capteur dont
le guide d’onde présente une largeur de fenêtre de diffusiona= 2µm, une durée d’échange
t= 15 min et est recuit 72 h à 150
◦C.
L’utilisation d’une structure à guide enroulé est principalement limitée par la
dyna-mique de mesure et donc par les pertes de propagation du guide. De plus, l’enroulement
d’un guide entraîne l’introduction de pertes de rayonnement par courbure. La réalisation
d’une structure enroulée requiert donc la connaissance précise des pertes par propagation
du guide ainsi que la détermination des rayons de courbure minimum que peut tolérer le
guide d’onde sans que les pertes deviennent trop élevées.
La conception du motif concerne alors la définition de la taille globale du motif qui
est définit par le rayon de courbure des arcsr
arcau centre de la fonction d’une part et la
longueur totale L
totdu guide d’autre part. Le rayon de courbure minimum ne devra pas
être trop réduit afin d’éviter l’apparition de pertes par courbure excessives, tandis que la
longueur totale doit être suffisamment faible pour permettre de collecter le signal en sortie
même si la structure a des pertes. En considérant un banc de mesure absorptiométrique
composé de la diode superluminescente utilisée pour la mesure du plutonium dans le
chapitre 4 et du spectromètre Ocean Optics disponible à l’IMEP-LAHC, nous disposons
d’une dynamique de 76 dB pour effectuer la mesure. En effet, la diode laser présente une
puissance de sortie de 5 mW (≈7 dBm) tandis que la sensibilité du spectromètre est de
de 0,1 nW (-70 dBm). Cette valeur nous permet d’envisager la mesure d’une absorbance
de plusieurs dizaines de décibels en dépit de pertes optiques importantes également de
l’ordre de plusieurs dizaines de décibels. Dans le cadre de cette étude exploratoire, nous
considérons que la fonction de guide spirale intégrée sur substrat de verre devrait présenter
des pertes inférieures aux 76 dB de dynamique disponibles.
En considérant une surface disponible de 4×4 cm
2sur les plaquettes de BF33 utilisées,
le fonctionnement du guide spiral requiert la réalisation de guides d’ondes à faibles pertes,
avec des arcs de cercle au centre du motif de rayon de courbure inférieur à 1 cm. De plus,
en considérant un facteur d’interaction Γ ≈ 0,2 %, l’objectif de longueur équivalente
L
éq≈1 mm fixé dans ce chapitre nécessite l’enroulement d’un guide de L≈ 50 cm. En
retenant une marge sur la dynamique de mesure par rapport aux pertes par couplage
théoriques du capteur, la réalisation de cette fonction requiert des pertes par propagation
moyenne α <1,4 dB·cm
−1dans l’ensemble du guide.
Dans le document
Réalisation d'un micro-capteur optofluidique pour la mesure déportée de radionucléides
(Page 124-127)