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Granularité vs passage à l’échelle

CHAPITRE 2 : RECONNAISSANCE DE TÂCHE

2.5.2 Granularité vs passage à l’échelle

Le passage à l’échelle (scalability) est généralement défini comme étant « l’habilité d’un

système à s’accommoder d’une augmentation du nombre d’éléments ou d’objets, à traiter gracieusement un volume croissant de travail, et/ou à être apte à l’accroissement » [26].

Dans le contexte de la reconnaissance automatique de tâche, et plus précisément dans le cadre de notre approche, le passage à l’échelle peut être défini comme étant l’habilité de la technique d’inférence à gérer une croissance dans la complexité de l’ensemble d’interactions et/ou dans le modèle de tâche. Pour ces deux aspects du passage à l’échelle, la complexité est liée de près à la granularité.

• Modèle de tâche: une même activité peut être décrite avec plus ou moins de détails en fonction des objectifs liés à l’activité en question. Une description précise implique un modèle de tâche plus complexe pour représenter les différents états de la tâche. Une description détaillée et granulaire augmente le nombre d’états cachés et a donc un impact sur la précision de la prédiction • Ensemble d’interactions: le comportement de l’utilisateur peut être suivi

selon différents niveaux d’analyse allant, par exemple, de la simple l’URL de la page internet courante à la position exacte du regard dans l’écran. Une reconnaissance de tâche précise requiert une analyse fine des actions de l’utilisateur afin d’inférer correctement l’état courant au sein d’un large éventail de possibilités. Cependant, la granularité de l’ensemble d’interactions affecte le niveau de bruit dans les données recueillies. En effet, les petits éléments atomique transitoires et éphémères (ex. : clic de souris, déplacements du regard) sont plus susceptibles d’être erronés ou sans rapport avec la tâche. Comme mentionné par Carberry (2001) [39], la précision de la prédiction – comme dans d’autres contextes – est fortement liée à la quantité de bruit présente dans les données. Concernant la granularité du flux de données oculaires de l’utilisateur, une petite AOI a plus de chance d’être bruitée en raison de la précision (p) inhérente à tout oculomètre. Lorsqu’un utilisateur regarde un point (x, y) sur un écran, l’oculomètre fournit une estimation (x±p,

y±p). Plus l’AOI est petite, plus la probabilité que (x±p, y±p) soit en dehors de ses frontières est grande.

Une approche puissante et précise de reconnaissance requiert un certain niveau de granularité tant au niveau de modèle de tâche que de l’ensemble d’interactions. Cependant, comme mentionné précédemment, une granularité élevée impose une pression importante sur la technique d’inférence et conséquemment affecte aussi la précision de la prédiction. Le passage à l’échelle peut donc être défini comme étant la capacité d’un modèle à supporter un haut niveau de granularité tout en maintenant un bon niveau de précision. La plupart des approches de reconnaissance ont leur propre manière de gérer la granularité. Par exemple, dans le Projet Lumière [115], les événements atomiques de bas niveau sont transformés selon une sémantique de haut niveau en actions de l’utilisateur (ex. : errance de souris ou navigation de menu) avant d’être transmis à un modèle bayésien. Dans l’approche proposée dans cette thèse, une part de la justification de choix des AOI comme modélisation des mouvements oculaires est liée au dilemme granularité vs précision. Tel que mentionné à la section 2.2.1, les parcours oculaires contiennent de l’information précieuse sur les intentions et l’activité de planification de l’utilisateur tout en étant très bruités. Encapsuler plusieurs mouvements oculaires dans une seule AOI, en ignorant les regards dans des régions de l’écran sans AOI, permet alors de réduire ce bruit. De plus, puisque la taille des AOI peut être ajustée, cela fournit un moyen direct d’ajuster la granularité en fonction des besoins spécifiques des différentes activités pour lesquelles l’approche est utilisée. L’autre justification principale pour le choix des AOI comme représentation des mouvements oculaires est son indépendance face au design des interfaces. L’apparence visuelle et l’agencement spatial des éléments d’une interface peuvent être modifiés après l’entraînement d’un modèle de reconnaissance sans que cela n’implique la nécessité de ré-entraîner par la suite. La même définition d’AOI peut être utilisée, de manière transparente pour les algorithmes des MMC, en changeant simplement leur position dans l’écran. Ce qui n’est pas le cas, par exemple, des approches reposant sur une représentation absolue des mouvements oculaires (cf. [121]).

En regard du dilemme granularité vs précision, les résultats présentés dans la section 2.4 peuvent fournir une vue d’ensemble du passage à l’échelle de notre approche. La tâche 2

(e-learning) a été conçue pour avoir une faible granularité : trois sous-tâches et 13 AOI recouvrant 57 % de l’écran. La tâche 1 (Google Analytics) est très granulaire avec 8 sous- tâches et 27 AOI couvrant 15 % de l’écran. Les AOI sont plus petites et sont associées à des parties plus précises de l’interface. Le Tableau 2 montre que la précision de la prédiction diminue de 2.7 fois le niveau de base (tâche 2) à environ deux fois le niveau de base (tâche 1 – moyenne des deux niveaux). Ces résultats indiquent que l’approche est capable de faire face à une hausse substantielle de la complexité et de la granularité du problème de reconnaissance en maintenant un niveau comparable de précision. Les environnements expérimentaux du simulateur Race to Mars et du site Bell.ca, qui seront présentés au chapitre 4, comportent, en l’occurrence, ce type de complexité.