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A. Grands traits morphostructuraux de la Réunion et du massif de la Fournaise

Située dans le Bassin des Mascareignes (Océan Indien, 55°30' E et 21°S) l'Ile de la Réunion est émergée depuis plus de 2,1 Ma (Billard et Vincent, 1974). Elle culmine à 3069 m au dessus du niveau de la mer pour une hauteur totale d'environ 7500 m depuis sa base, sur le plancher océanique.

La Réunion se place dans le prolongement du Plateau des Mascareignes et de l'Ile Maurice avec lesquelles elle forme la Ride des Mascareignes. Elle est aussi le site actuellement actif d'un point chaud à l'origine des Trapps du Déccan dans les Indes Occidentales (Fig III-1).

Soumis à des conditions climatiques de zone tropicale, ses reliefs sont marqués par une érosion intense. Les vallées profondes creusées par les rivières importantes de l'île donnent accès à une partie des formations masquées sur les plaines par les produits de l'activité plus récente.

Aujourd'hui, deux grands massifs volcaniques partagent l'île en deux domaines distincts (Fig III-2) : au Nord-Ouest le Piton des Neiges, éteint depuis près de 12000 ans (Deniel et al., 1992), est aussi le point culminant de l'île et couvre les 2/3 de sa surface. Sur son flanc sud-est, le Piton de la Fournaise, avec en moyenne trois éruptions par an depuis 1998, est actuellement l'un des deux édifices volcaniques les plus actifs au monde (avec le Kilauea à Hawaï) et atteint une altitude de 2631 m. L'activité se concentre sur le cône principal et sur les deux rift zones d'orientation Nord-Est/Sud-Ouest et Nord-Ouest/Sud-Est depuis la zone centrale du volcan.

Cette île volcanique présente un modèle d'évolution complexe, marqué par des périodes de croissance et de déstabilisation des édifices volcaniques qui la composent actuellement ou qui la constituaient par le passé. Les dépôts résultant des différentes phases d'activité de ce système et ceux produits lors d'évènements de déstabilisation ont une influence sur la mise en place des formations ultérieures et ils ont notamment un impact fort sur leur stabilité.

Figure III-1 : Localisation de l'Ile de la Réunion. A 750 km de Madagascar, elle est, tout comme l'Ile Maurice, dans le prolongement du Plateau des Mascareignes.

Figure III-2 : Carte géologique de l'Ile de la Réunion drapée sur le MNT. Au Nord-Ouest, le Massif du Piton des Neiges et au Sud-Est, le Massif du Piton de la Fournaise.

La morphologie du Piton des Neiges est accidentée. Il est entaillé par trois dépressions disposées autour de son sommet : le Cirque de Mafate au Nord-Ouest, le Cirque de Salazie au Nord-Est et le Cirque de Cilaos au Sud. Leur origine a dans un premier temps été attribuée à l'érosion (Von Drasche, 1878) et si d'autres hypothèses sont venues compléter l'interprétation, celle-la s'avère incontournable. Defos du Rau (1959) leur attribue une origine essentiellement volcano-tectonique (effondrements caldériques) tandis que d'autres auteurs (e.g. Haurie, 1987) associent les deux hypothèses. Plus récemment, une origine strictement tectonique a été proposée (étalement gravitaire, van Wyk de Vries et al., 2001 ; Oehler et al. , 2005 ; subsidence du complexe hypovolcanique du Piton des Neiges, Lambert, 2003; Lénat, comm. pers.). La morphologie actuelle du Piton des Neiges serait donc le résultat de processus érosifs importants sous contrôle structural.

Le Piton de la Fournaise, formé sur son flanc sud-est naît alors que le Piton des Neiges est toujours en activité. Le centre éruptif de ce second édifice, initialement situé dans la région de la Plaine des Sables, s'est déplacé vers le Sud-Est à 0,15 Ma pour trouver sa place actuelle (Bachèlery et Mairine, 1990).

Le massif est marqué par de profondes vallées ou des escarpements (la Rivière des Remparts RR, la Rivière Langevin, le Rempart des Sables et le Rempart de l'Enclos Fouqué). Ces grandes incisions soulignent les grandes structures interprétées par certains auteurs comme des têtes de grands glissements dirigés vers l'Est (e.g. Duffield et al., 1982 ; Gillot et al., 1994) tandis que d'autres les considèrent comme l'emboîtement de calderas effondrées successivement au cours de l'histoire du volcan (Bachèlery, 1981 ; Chevallier et Bachèlery, 1981 ; Bachèlery et Mairine, 1990; Bachèlery, 1995- Figure III-3 et 4).

Figure III-3 : Le Piton de la Fournaise (PdF) et son environnement immédiat. PdS : Plaine des Sables ; RdS : Rempart des Sables ; GP : Grandes Pentes ; T : le Tremblet ; BB : Bois Blanc ; RF : Ravine Ferdinand.

Figure III-4 : En haut, carte géologique simplifiée du massif du Piton de la Fournaise (Modifiée par Oehler (2005) d’après Bachèlery et Mairine (1990)). Formations du Bouclier Ancien : 1- série ancienne (>0.53-0.29 Ma), 2- série de Mahavel (0.29- 0.15 Ma). Formations du Bouclier Récent : 3- série antérieure à l’effondrement de la Plaine des Sables (0.15- 0.04 Ma), 4- série antérieure à l’effondrement de l’Enclos (0.04-0.005 Ma), 5- série actuelle. 6- unité de la Plaine des Cafres, 7- coulées boueuses récentes, 8- alluvions récentes, 9- limites des effondrements caldériques, 10- limites de glissement, 11- limite des escarpements actuels. RR : caldera de la Rivière des Remparts, ML : caldera du Morne Langevin, PS : caldera de la Plaine des Sables, E : caldera de l’Enclos, GB : Grand Brûlé.

En bas, chronologie des grandes phases de l'évolution du Piton de la Fournaise (reconstituée d'après Bachèlery et Mairine, 1990 et Staudacher and Allègre, 1993).

L'interprétation de ces différentes structures est donc toujours débattue. L'ensemble Enclos Fouqué/Grandes Pentes/Grand Brûlé n'y échappe pas. La nature de cette grande structure et le lien génétique entre l'Enclos et le Grand-Brûlé restent sujets à discussions. L'Enclos Fouqué serait donc soit la tête d'une zone d'arrachement soit le résultat de plusieurs phases d'effondrement caldériques tandis que le Grand Brûlé aurait été formé par un glissement initié au niveau des Grandes Pentes (Bachèlery et Lénat, 1993). Dans un troisième modèle, les contraintes sur le système hydrothermal du volcan ont été libérées vers l'Est par le glissement du Grand Brûlé. La roche hydrothermalisée aurait alors flué vers cette "bordure libre" entraînant l'effondrement de l'Enclos (Merle and Lénat, 2003). Dernièrement, l'analyse des pentes et des photos aériennes dans et autour de la structure en fer à cheval a conduit Michon and Saint-Ange (sous presse) à réinterpréter l'ensemble de la structure comme le résultat d'un effondrement strictement vertical.