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Contrairement à ce qui pouvait être observable dans les générations précédentes, la présence des deux grands-parents pour la garde des petits-enfants et pour les rencontres familiales semble être aujourd’hui la norme à laquelle tous souhaitent se conformer. Dans les témoignages recueillis, il apparait toutefois que les grands-pères ne peuvent être toujours présents, certains d’entre eux ayant encore des obligations professionnelles contrairement à leurs conjointes. C’est notamment le cas des conjoints de Nicole H., Monique A. et Denise F.40.

Mais même lorsque les deux grands-parents sont présents, le rôle qu’ils tiennent peut être d’une ampleur et d’une teneur différente. Certains grands-pères, comme le beau-père de Joannie H., occupent des fonctions très modestes, parfois même négligeables : Mon beau-père, lui, il ne joue pas beaucoup avec les enfants, il

est plus… bien, il n’est pas absent, parce qu’il est là, mais il s’en occupe moins (Joannie H.). Cette posture

grand-parentale distante est plutôt rare – ce cas de figure n’étant décrit que par Joannie – et pour la plupart des couples grand-parentaux, l’ampleur du rôle joué est assez similaire.

Mais si l’ampleur de l’implication est semblable entre les grands-mères et les grands-pères, la teneur de celle- ci peut grandement différer. Les grands-mères s’occupent davantage des tâches fonctionnelles et de l’encadrement des enfants, tandis que les grands-pères se consacrent essentiellement au divertissement :

C’est plus elle qui dit ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, alors que moi je joue. Je suis le compagnon. Souvent, elle m’envie d’avoir cette relation avec mes petits-enfants, mais j’y dis : « Écoute, c’est parce que je joue avec eux ». Mon petit-fils, j’ai joué, j’ai joué, j’ai joué avec lui. […] Alors, moi je joue à quatre pattes, et ma femme, elle, elle va plus s’occuper des repas. C’est elle qui va dire : « C’est le temps d’aller prendre le bain ». Je ne sais pas si c’est classique, mais.... Non, on ne fait pas la même chose, mais c’est complémentaire. C’est bien équilibré, pis ça se fait bien. (Jacques E.)

Décrivant la répartition des tâches et des activités entre ses parents lorsque ceux-ci gardent ses enfants, Véronique J. décrit également cette différenciation du rôle grand-parental :

Ma mère, elle va plus… pas comme une mère, mais t’sais elle va continuer à faire à manger, à faire la discipline, alors que mon père, ça va être de jouer pis de dire : « On est les grands-parents, pis on laisse tout faire! » (Véronique J.)

40 Le conjoint de Denise F. est officiellement à la retraite, mais il fait encore des contrats de travail : Mon mari, il faisait des petits contrats et il en

En contexte de garde, le rôle des grands-mères peut ainsi se confondre davantage avec le rôle parental, avec toutes les responsabilités que cela implique, tandis que les grands-pères se perçoivent davantage comme les compagnon[s] de leurs petits-enfants, tel que le dit d’ailleurs Jacques E.. Dans ces circonstances, le registre des tâches et des soins accomplis par les grands-mères est plus vaste et complet que celui des grands-pères, et ces derniers peuvent ainsi se sentir moins à l’aise de s’occuper seuls des enfants :

[…] ils les gardent souvent les deux en même temps, par contre ma mère va vouloir les garder toute seule, mais pas mon père. Passer une journée tout seul avec eux, je pense qu’il ne serait pas à l’aise. Ma mère, ça ne lui dérangerait pas. (Véronique J.)

Malgré cette répartition genrée des tâches, de plus en plus de grands-pères participent aux soins des enfants : Julie A. affirme que c’est surtout son père qui l’aide à donner le bain à sa fille, Isabelle E. indique que son père donne les soins comme le bain, coupe les ongles et Nicole H. souligne que son conjoint change les couches. Ils sont aussi plus nombreux à adopter des comportements qui relèvent du « registre affection/relation » (Schneider et Bouyer, 2005, p.66), et même chez ceux qui adoptent des comportements particulièrement genrés, comme le père de Josée F., qui ne change pas les couches et ne cuisine pas, mais qui donne des bisous à ses petits-enfants et les berce avant le coucher. Le rôle exercé par les grands-pères est parfois en décalage avec leur rôle paternel, tant par rapport au niveau d’affectivité manifestée par ceux- ci, que par rapport à la souplesse dans l’encadrement des enfants, comme on l’a vu précédemment avec Marcel J..

Mais au-delà de cette répartition des tâches, il semble que ce soit principalement l’âge des petits-enfants qui influence l’implication différenciée entre les grands-mères et les grands-pères : les premières étant pour la plupart nettement plus à l’aise avec les très jeunes enfants :

[Ma conjointe], avec les bébés, elle est beaucoup plus présente que moi. Avec les plus vieux, c’est à peu près équivalent. (Marcel J.)

Je vois que, depuis que [mon fils] a vieilli, mon père il veut plus. T’sais, il n’a pas de couche à changer, [mon fils] lui parle. [Mon fils] retrouve aussi une figure paternelle, parce qu’il ne voit pas souvent son père, ça fait que je pense qu’il aime beaucoup passer du temps avec son grand-père en vieillissant.

(Josée E.)

Le rôle grand-parental est par ailleurs différencié en ce qui concerne le soutien offert aux parents : les grands- pères sont davantage réclamés pour les services manuels et les travaux extérieurs, tandis que les grands- mères sont davantage sollicitées pour le soutien émotionnel et informatif. Annie C. considère d’ailleurs qu’elle ne peut plus recevoir du soutien émotionnel et informatif de ses parents depuis que sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer :

Je n’appelle plus vraiment mes parents. Ma mère, c’était le pilier. Je pleurais à 30 ans, pis j’appelais maman pour qu’elle m’aide. Mais là, je ne peux plus et papa n’a jamais parlé au téléphone. Donc avant qu’elle soit malade oui, [c’était elle, mon recours]. (Annie C.)

Il y a donc une division très genrée du soutien offert aux parents, bien davantage qu’en ce qui concerne le lien établi avec le petit-enfant, comme si les stéréotypes de genre étaient plus facilement surmontables dans le lien grand-parent/petit-enfant que dans le lien parent/enfant. Le Borgne-Uguen (2003) soulignait d’ailleurs que la grand-parentalité était perçue par plusieurs comme une opportunité de remanier la division sexuelle des fonctions attribuées à chacun lorsqu’ils étaient parents.

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