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ANNEXE I : Document de la campagne des défusions

Carte 1 Les neuf grandes villes du Québec

Source : Ministère des Affaires municipales et des Régions

municipal), ensuite, par l’intervention d’un conciliateur, nommé par le ministre, pour examiner et faciliter les regroupements et enfin, par la Commission municipale du Québec, suite à la demande de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole ou des municipalités locales dont le nombre et la population totale représentent plus de la moitié de ceux des municipalités visées par le regroupement. Dans tous les cas, c’est le gouvernement qui décrète les regroupements, en usant de la compétence exclusive en matière municipale que lui accorde la Constitution canadienne (Ministère des Affaires municipales et de la Métropole, 2002).

La notion d’« agglomération » ne se limitait pas qu’aux plus grandes villes, puisque des plus petites agglomérations ont été aussi touchées par la réforme. Le gouvernement provincial articula sa politique à partir d’une vision plus large de l’agglomération, conçue comme un même phénomène socio-économique d’intensité différente en fonction de la taille (Mévellec, 2005). Ainsi, en utilisant les catégories de Statistique Canada, le MAMM distingua la région métropolitaine de recensement (RMR) (six au Québec) de l’agglomération de recensement27 (AR) (24). Avec l’agglomération de Saint-Jérôme (considérée comme le centre de services de la région des Laurentides), ces 31 agglomérations urbaines comprenaient, en 2000, 290 des 1 306 municipalités locales, c’est-à-dire, 78 % de la population, 85 % de l’emploi et 82 % du produit intérieur brut (PIB) (Harel, 2000).

Le gouvernement provincial élargit donc la notion d’agglomération et considéra que toutes les villes centrales de ces agglomérations (métropolitaines ou non) souffraient des mêmes problèmes. Comme nous le verrons plus loin, les maires des six grandes villes centre furent en désaccord avec cette généralisation et demandèrent un traitement particulier. Cependant, selon la ministre Harel, les enjeux de la réforme touchaient l’ensemble du territoire québécois. Ainsi elle affirma : « sur tout le territoire du Québec, s’étend un réseau de petites, de moyennes et de grandes villes, qui ont toutes comme caractéristique de développer et d’offrir des services à des populations qui le plus souvent débordent leur territoire et qui, finalement, en supportent seules le fardeau » (Harel, 2000: 6).

Cet élément est capital pour comprendre la réforme et le modèle de gestion municipale mis en place à Montréal. Même si la ministre a assuré que la réforme se faisait sur mesure et pas selon une politique « mur à mur » (Harel, 2001: 5), la réorganisation visait l’ensemble du Québec et était conçue pour l’ensemble des agglomérations, avec toutefois

27 Une municipalité est comprise dans une RMR ou une AR si sa densité est d’au moins 400 habitants au kilomètre carré (elle fait alors partie du noyau urbain de l’agglomération) ou si au moins 50 % de sa population active travaille dans le noyau urbain ou encore si au moins 25 % de la population qui travaille dans le noyau urbain y demeure. On parle de RMR si le noyau urbain compte au moins 100 000 habitants et d’AR s’il en compte entre 10 000 et 99 999.

certains ajustements pour Montréal. Pour le gouvernement provincial, la réforme municipale représentait l’opportunité d’achever la Révolution tranquille et la modernisation du Québec. En effet, comme nous le verrons au chapitre 6, dans les années 1960 et 1970 le gouvernement essaya, sans succès, une réforme des institutions municipales (Divay et Gaudreau, 1982). D’autres réformes capitales pour le développement du Québec eurent lieu, comme celles des systèmes de la santé et de l’éducation, tandis que le système municipal restait inchangé. Le gouvernement Bouchard considéra qu’il fallait moderniser le système municipal et compléter les diverses réformes réalisées dans le cadre de la Révolution tranquille : c’était le moment de « rendre le Québec urbain » (Harel, 2001: 4). L’évocation du Québec en tant que réseau d’agglomérations au détriment d’une vision du Québec constitué autour d’un pôle économique et démographique (la région métropolitaine de Montréal) alimente « le blues de la métropole », i.e. le sentiment de ne pas tenir compte des particularités de la région montréalaise (voir chapitre 5).

Le premier volet de la réforme fut accompagné d’un renforcement de l’échelle régionale. Lors de ce deuxième volet, il y a d’abord eu la mise sur pied de deux communautés métropolitaines l’une à Montréal (1er janvier 2001) et l’autre à Québec (1er janvier 2002).

Les communautés métropolitaines sont des agences de coordination et de planification avec peu de pouvoirs exécutifs, dont les membres sont des élus municipaux (voir section 4.2). Plus tard, la réforme s’étendit aux MRC dans le reste des régions, notamment par le biais de l’adoption de nouvelles règles qui voulaient assurer un meilleur équilibre entre l’urbain et le rural. Les MRC ont été dotées de nouveaux pouvoirs : par exemple, la possibilité de faire élire le préfet au suffrage universel28. Selon le gouvernement provincial, ces deux volets de la réforme se complétaient, puisque les fusions municipales permettaient de diminuer le nombre de joueurs sur la scène régionale. La création des

28 Pour les 51 MRC à caractère rural (sans agglomération urbaine de plus de 10 000 habitants), le gouvernement provincial procède à l’octroi, par décret, de compétences additionnelles et possibilité de faire élire, tel est leur choix, leur préfet au suffrage universel (projet de loi 29, adopté le 21 juin 2001). Pour les 24 MRC à caractère urbain et rural (comprenant une agglomération de 10 000 à 100 000 habitants), il y a la mise en place d’un groupe de travail, coprésidé par deux élus municipaux, chargé de formuler des recommandations relatives aux règles de prise de décision, aux compétences et au mode de financement (rapport rendu public le 24 octobre 2001) (Soucy, 2002).

communautés métropolitaines et le renforcement des MRC permettaient de créer une vision commune nécessaire pour le développement économique, viable et durable des régions.

Il faut y ajouter un troisième axe de changement qui n’apparaît pas dans le Livre blanc mais dans la loi 170 sur la réforme de l’organisation territoriale. Dans six villes (Montréal, Québec, Longueuil, Lévis, Saguenay et Sherbrooke), le gouvernement provincial créa des arrondissements, entendus comme des administrations déconcentrées assurant la prestation des services de proximité. Selon le gouvernement, ces mesures permettraient de minimiser certains effets négatifs que pourrait engendrer la formation de grandes municipalités.

La réforme Harel s’articule ainsi à partir de trois axes, en traitant les différents enjeux à plusieurs échelles spatiales : les enjeux stratégiques et économiques par les communautés métropolitaines et les MRC, les enjeux touchant l’équité fiscale par les nouvelles villes et les services de proximité aux citoyens par les arrondissements. Selon la vision du gouvernement provincial, il s’agissait d’éléments complémentaires et nécessaires.

Afin de mettre en œuvre la réforme, des comités d’élus ont été mis sur pied dans les diverses agglomérations29, dont les travaux se déroulèrent entre mars et septembre 2000.

Ces groupes d’élus travaillèrent en coordination avec un mandataire du gouvernement afin de faire des recommandations d’abord sur la fiscalité d’agglomération, les équipements et les services à mettre en commun et ensuite sur les regroupements de municipalités sur leur territoire30. Suite aux rapports des comités des élus et des mandataires, le projet de loi 170 sur la réorganisation municipale fut déposé à l’Assemblée nationale, le 15 novembre, puis débattu, adopté et sanctionné avant la fin de l’année 2000. La loi 170 crée les nouvelles grandes villes de Montréal, Québec,

29 Dans les trois régions métropolitaines, ce sont le comité Bernard pour la région de Montréal, le comité Lapointe pour la région de Québec et le comité Grégoire pour la région de l’Outaouais.

30 Nous analyserons les négociations au sein du comité d’élus de la région métropolitaine de Montréal au chapitre 9.

Longueuil, Hull-Gatineau et Lévis, tout en modifiant la loi relative à la CMM (la loi 134 approuvée en juin 2000), et crée la Communauté métropolitaine de Québec.

En janvier 2001, des comités de transition formés de personnes impartiales nommées par la ministre Harel ont été créés afin de guider l’implantation des nouvelles structures municipales, pendant un mandat d’un an31. En 2001, deux autres lois apportant diverses précisions à la loi 170 sur la réorganisation municipale sont également adoptées32. Pour achever la réforme, des élections municipales ont eu lieu le 4 novembre 2001 dans le cadre des nouvelles limites administratives et selon les modes d’élection dessinés par les comités de transition. Enfin, le 1er janvier 2002 marqua la date officielle de naissance des nouvelles villes, c’est-à-dire, 20 mois après de la publication du Livre blanc33 (voir Annexe A pour une chronologie détaillée des événements).

La réforme Harel représente donc un changement de l’organisation municipale et établit des nouvelles conditions pour la gouverne des agglomérations québécoises. Sur le plan des mécanismes implantés, le gouvernement provincial est moins innovateur (Quesnel, 2000). Dans son analyse de la réforme québécoise, Anne Mévellec se réfère au concept de « création institutionnelle » au lieu d’« innovation institutionnelle », puisque la réforme Harel met en place de formules institutionnelles qui ont été essayées auparavant34

31 Le comité est composé de cinq à sept personnes selon le poids de la population (avec l’exception des plus grandes villes, où le nombre est supérieur) reconnues et indépendantes, ni élues ni employées dans les municipalités. En concertation avec les maires (moyennant la création d’un comité consultatif), le comité de transition est chargé de : a) organiser les premières élections (engager et rémunérer le personnel électoral, désigner le président, diviser les arrondissements en districts électoraux); b) préparer et approuver le premier budget (où il y a des arrondissements, fixer la formule de dotation budgétaire); c) nommer les principaux cadres de la nouvelle ville (le directeur général, le greffier et le trésorier de la ville); d) proposer des modalités pour l’engagement de personnel et l’intégration des services, incluant en matière de relations de travail; e) faire des recommandations concernant les actifs et les passifs des municipalités et de la Communauté urbaine de Montréal (Collin et Léveillée, 2002).

32 Il s’agit de la loi 29 modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale sanctionnée le 21 juin 2001 et de la loi 60 modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal adoptée le 20 décembre 2001.

33 Une fois la réforme complétée, Louise Harel est remplacée au MAMM par André Boisclair, qui devient ministre d’État aux Affaires municipales et à la Métropole, à l’Environnement et à l’Eau.

34 Comme l’affirme l’auteur : « L’originalité de cette réforme ne vient pas de l’instrument en tant que tel, mais de la force et de l’ampleur de son application. En cela, la volonté politique incarnée par Louise Harel

(Mévellec, 2005). Ainsi, les solutions sont uniquement institutionnelles : soit la création de nouveaux paliers (communautés métropolitaines, arrondissements) ou le renforcement des paliers existants (villes, MRC) (Collin et Tomàs, 2004c). L’accent mis sur l’institutionnalisation s’inscrit selon plusieurs observateurs dans la ligne traditionnelle de l’ancien régionalisme (Hamel, 2001; Sancton, 2001; Bradford, 2002; Collin, Léveillée et Poitras, 2002), même si le discours officiel utilise des raisonnements caractéristiques du nouveau régionalisme (Wolfe, 2003). En outre, le gouvernement ne touche pas à d’autres structures déjà existantes, notamment les MRC et les régions administratives35. Pourtant, à titre d’exemple, la simplification des institutions du territoire de la région métropolitaine de Montréal est une revendication constante.

En définitive, la réforme Harel vise la modernisation des structures municipales dans le contexte de la mondialisation en utilisant de mécanismes traditionnels de gouverne (changement des limites administratives et création d’institutions). Même si la réorganisation se réalise à l’échelle du Québec, elle devra composer avec la spécificité de la métropole, ce qui fait de Montréal un modèle unique de gestion métropolitaine.

4.2 La mise en place d’un modèle hybride de gestion métropolitaine

L’application des objectifs de la réforme à Montréal se traduit par la mise en place d’un modèle à trois paliers de gestion territoriale : à l’échelle régionale, la CMM assure la planification stratégique des 63 municipalités membres, à l’échelle locale, des regroupements municipaux configurent deux pôles urbains – Montréal et Longueuil –, s’ajoutant à une grande ville déjà en place, Laval et à l’échelle inframunicipale, il y a la formation d’arrondissements (à Montréal et à Longueuil) (voir Carte 2). Il s’agit d’un modèle inédit que nous qualifions d’hybride36 en raison de l’hétérogénéité des principes

marque un tournant essentiel dans la problématique municipale et urbaine québécoise » (Mévellec, 2005: 98).

35 Le territoire québécois est divisé en 17 régions administratives. Dans chacune de celles-ci, des organismes régionaux sont présents (voir chapitre 5).

36 Notons à cet égard l’exclamation d’un attaché politique de la ministre Harel à la suite de notre commentaire sur le caractère hybride du modèle : « hybride, hybride… les modèles purs existent seulement dans la tête du chercheur! » (entretien numéro 39).

qui l’inspirent (équité, compétitivité, efficience, démocratie) et des solutions mises en place (fusions, renforcement du palier supramunicipal et décentralisation).

Carte 2 : Le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal et des nouvelles

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