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Section 1 : Les effets de l’agence sur le domaine institutionnel lors du retour d’une expatriation

2. La mondialisation et l’internationalisation des entreprises : contexte historique de l’émergence

2.3. Les grandes périodes de la gestion internationale des carrières

C’est donc dans ce contexte marqué par l’importance des entreprises multinationales que l’expatriation s’est développée et a pu devenir un objet d’étude notamment en sciences de gestion. En s’appuyant sur le travail de synthèse de Tourbet (2007), Barabel et Meier (2011, p.41-44) identifient quatre grandes périodes concernant l’évolution des pratiques en matière de gestion de mobilité internationale :

Période 1 : Jusqu’aux années 1970. Antérieurement aux années 1970, les expériences d’expatriation des français sont limitées. Deux grandes raisons expliquent la très faible importance de ces mobilités. Premièrement, au niveau individuel, il ressort que les Français ont « un faible engouement culturel vis-à-vis de l’expatriation » (ibid, p.41). Deuxièmement, au niveau organisationnel, la grande majorité des entreprises ont encore une activité réduite à l’international.

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Période 2 : 1970-1985. Cette période est marquée par le développement du commerce international et par celui des entreprises hors de leurs frontières nationales. Toutefois, l’expatriation reste limitée au sein de ces organisations de plus en plus présentes sur le marché mondial. Ces entreprises ne possèdent d’ailleurs pas encore de personnels dédiés à la gestion de la population des expatriés. Durant cette période, l’expatriation est considérée comme un risque et la stratégie des entreprises est de rémunérer le risque pour le rendre acceptable. Les salariés expatriés bénéficient alors de packages d’expatriation extrêmement généreux : primes de risques, avantages en nature, sursalaire, etc. Comme l’écrivent Barabel et Meier (2011, p.42) « les expatriés sont souvent qualifiés de « mercenaires » et « baroudeurs » vivant comme des « nababs » à l’étranger. »

Période 3 : Années 1980-1995. Cette période est marquée par la forte hausse du nombre d’expatriés. Ce développement de l’expatriation au sein des entreprises a deux principales conséquences. La première est que les entreprises, afin de préserver leur compétitivité, revoient leurs packages d’expatriation à la baisse. Ces entreprises procèdent ainsi à une rationalisation des dépenses liées à l’expatriation à travers la mise en place de processus de calcul de coûts. La détermination des packages d’expatriation reposent alors sur des éléments factuels tel que le différentiel du coût de la vie entre le France et le pays d’accueil. La deuxième conséquence du développement de l’expatriation est l’instauration par les entreprises de politiques de mobilité internationale qui ont pour objet de fixer un ensemble de règles applicables aux expatriés.

Période 4 : Années 1995-2007. Les grandes entreprises continuent de se développer à l’international. Ce développement s’accompagne d’un accroissement des missions d’expatriation. Afin de mieux gérer des expatriés toujours plus nombreux, les entreprises créent des postes d’experts dédiés à la gestion de l’expatriation et développent des outils et pratiques de gestion spécifiques. Les entreprises poursuivent aussi leur effort de rationalisation des packages. A ce propos, selon les pays, trois types de situations peuvent être distinguées : (1) les pays occidentaux comme ceux de l’Union Européenne et d’Amérique du Nord pour lesquels on assiste à une disparition progressive des avantages monétaires ; (2) les pays à risque pour lesquels les conditions financières de l’expatriation restent généreuses afin d’inciter les salariés à accepter ces mobilités et (3) les autres pays pour lesquels le package vise à maintenir pour le salarié un niveau de vie équivalent à celui qu’il a en France. C’est également durant cette période que le statut de l’expatriation

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change en devenant un passage obligé pour certains salariés. Les motivations liées à la carrière l’emportent ainsi sur les considérations monétaires.

Cette perspective historique met ainsi en évidence deux principaux éléments. Tout d’abord il ressort que l’expatriation s’est développée progressivement. Très limitée dans les années 1970, elle est aujourd’hui incontournable dans les grandes entreprises présentes à l’international. Deuxièmement, il ressort aussi une professionnalisation de la gestion de l’expatriation au sein de ces organisations : apparition de personnels dédiés à la gestion des mobilités internationales, mise en place de politiques d’expatriation, création de processus et d’outils de gestion.

Toutefois, cette synthèse historique a pour limite d’homogénéiser, pour une même période, la gestion de l’expatriation au sein des différentes entreprises présentes à l’international qui ont recours à ce type de mobilités. En effet, cette approche ne permet pas de rendre compte des différences des pratiques de recours et de gestion de l’expatriation que l’on observe sur une même période au sein des entreprises multinationales.

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Section 2 : Le poste occupé au retour d’expatriation : mesure de

l’impact d’une expatriation sur la carrière et pierre angulaire des

enjeux posés par le retour d’expatriation.

Notre revue de la littérature met en évidence une évolution concernant les sujets et problématiques au cœur des recherches portant sur l’expatriation et sa gestion (Barabel et Meier, 2013 ; Harvey et Moeller, 2009 ; Lazarova et Cerdin, 2007). Dans un premier temps, les travaux se sont d’abord concentrés sur les questions de la sélection des expatriés, de leur préparation afin de réussir à l’international et surtout de leur adaptation une fois à l’étranger. En effet, le choc culturel a longtemps été considéré comme la principale cause des échecs de l’expatriation et il convenait alors de mieux comprendre le processus d’adaptation des expatriés afin de pouvoir la favoriser. L’intérêt porté dans les travaux en sciences de gestion sur le retour d’expatriation a été plus tardif mais cette période de la mobilité internationale est aujourd’hui au cœur de recherches toujours plus nombreuses. Aussi, cet intérêt croissant se justifie par le fait que le retour d’expatriation est d’une part considéré « comme un des problèmes centraux de l’expatriation traditionnelle » (Cerdin, 2010, p. 227) et d’autre part comme un des critères de succès de l’expatriation et ce aussi bien pour l’individu que pour l’organisation (Yan, Zhu et Hall, 2002). En effet, dans leur article intitulé « International assignments for career building : a model of agency relationships and psychological contracts », Yan, Zhu et Hall (2002) prennent en considération deux grandes étapes dans le processus d’une affectation internationale afin d’évaluer son succès ou son échec : ces deux grandes étapes ou périodes sont celle de la mobilité à l’international et celle qui suit le retour. Ainsi, ces auteurs écrivent-ils : « success in expatriation tells only part of the story. Since the entire process of assignment consists of both the expatriation and repatriation stages, the assignment would be considered unsuccessful il repatriation failed. From a career theory point of view, repatriation is particularly critical » (Yan, Zhu et Hall, 2002, p. 378). Au- delà de cette question du temps qui leur a permis de distinguer ces deux grandes périodes, Yan, Zhu et Hall proposent également de différencier les critères permettant d’apprécier le succès d’une expatriation selon les deux grands acteurs de cette mobilité que sont l’individu et l’organisation. A partir du croisement de ces deux dimensions (période de

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l’affectation internationale et acteur), ces auteurs proposent le modèle suivant présentant les critères de succès d’une expatriation.

Figure 4. Critères de succès possibles d’une affectation internationale.

Benefits Individual Organizational Assignment stage Expatriation (shorter-term) - Task performance

- Skill building, learning, and growth - Job satisfaction - Accomplishment of organizational tasks - Achievement of key organizational objectives Repatriation (longer-term) - Continued development - Attractive future assignments - Promotion - Enlargement of responsability - Retention of repatried employee - Utilization of new expertise - Transfer of expertise Source: Yan, A., Zhu, G. et Hall, D.T. (2002, p.378). International Assignments for Career Building: A Model of Agency Relationships and Psychological Contracts. The Academy of Management Review, 27(3), 373- 391.

Selon Yan, Zhu et Hall (2002), à court terme, l’entreprise considère l’affectation internationale comme un succès si la mobilité a été menée jusqu’à son terme et n’a donc pas fait l’objet d’un retour prématuré du salarié et si les objectifs organisationnels assignés à cette mobilité ont été remplis. Toutefois, ces seuls critères ne sont pas suffisants. En effet, l’entreprise évalue le succès d’une telle affectation en prenant en considération également des dimensions de plus long terme comme la rétention des expatriés suite à leur retour, l’utilisation et la transfert des nouvelles expertises acquises à l’international par le salarié expatrié.

Concernant le salarié, ce dernier va évaluer, à court terme, le succès de son affectation internationale en fonction de son niveau de performance à l’étranger, des compétences développées à l’international et de sa satisfaction professionnelle. A long terme, les critères diffèrent. En effet, les individus considèrent alors le succès de leur affectation internationale selon leurs perspectives futures de carrière, l’élargissement de leurs responsabilités, leur évolution professionnelle au moment du retour d’expatriation. Ces auteurs associent ainsi clairement, dans une perspective de long terme, le succès d’une

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affectation internationale à des dimensions liées à la carrière : promotion, accroissement des responsabilités, etc.

La première partie de cette section porte d’ailleurs sur l’impact d’une expatriation sur la carrière des salariés.