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La grande vitesse ferroviaire aux États-Unis : un pays sans lignes à grande vitesse ?

INTRODUCTION À LA PREMIÈRE PARTIE

II. La grande vitesse ferroviaire aux États-Unis : un pays sans lignes à grande vitesse ?

A. L’ « Obamarail » : un engagement politique inédit en faveur de la grande vitesse

1. Briser une longue série d’échecs et de retards

Dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus forte dans les années 1960, les États-Unis ne tardent pas à réagir à l’inauguration du « Shinkansen » au Japon en 1964. Le gouvernement fédéral étatsunien lance les premières études sur la grande vitesse ferroviaire, bien avant la plupart des pays européens. Pourtant, l’histoire de la grande vitesse aux États-Unis n’est qu’une succession d’échecs et de blocages politiques (fig. 24, 25).

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Figure 24. La grande vitesse aux États-Unis (1/2) : un engagement précoce lié au NEC

1965-1969

•Premier engagement de l'État fédéral: High Speed Ground Transportation (HSGT)

• 1965 : vote du High Speed Ground Transportation Act qui prévoit 90 millions de dollars pour étudier l'implantation de la grande vitesse aux États-Unis

• 1969 : lancement du service « Metroliner » dans le corridor Nord-Est, service à vitesse élevée (176 km/h de vitesse moyenne)

1970-1979

•Sauvetage du transport ferroviaire interurbain de passagers et amélioration du NEC

• 1970-71 : vote du Rail Passenger Service Act qui crée Amtrak et lui assure le monopole sur les services ferroviaires de passagers restants, dont le NEC

• 1976 : vote du Railroad Revitalization and Regulatory Reform Act : création du NECIP (Northeast Corridor Improvement Project) qui initie un programme d'investissements lourds pour améliorer les performances d'Amtrak sur le NEC

1980-1991

•Travail sur un réseau à grande vitesse aux États-Unis mené par la FRA • 1980-1981 : publication par Amtrak et la FRA d'une série de rapports sur les « corridors

émergents » (« Emerging Corridors »)

• 1984 : à la suite du vote du Passenger Railroad Rebuilding Act, 4 millions de dollars sont alloués pour des études sur des corridors à grande vitesse pilotés par les États

• Fin des années 1980 : intérêt grandissant pour la technologie de sustentasion électromagnétique (Maglev)

• 1990-91 : lancement de la National Maglev Initiative (NMI) dotée de 12 millions de dollars • 1991 : la loi ISTEA appelle à désigner cinq corridors à grande vitesse

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Figure 25. La grande vitesse aux États-Unis (2/2) : le gouvernement fédéral à la manœuvre

Le service Acela Express dans le corridor Nord-Est est à ce jour le seul service à vitesse élevée des États-Unis. En 1964, l’Office of High Speed Ground Transportation (OHSGT) est créé et chargé d’étudier l’implantation de la grande vitesse dans le corridor Nord-Est. Dans les années 1930, la compagnie privée Pennsylvania Central qui possédait ces voies en décide l’électrification qui permet d’améliorer la performance des trains. Il n’y a en revanche pas d’investissements majeurs entre les

1992-1997

•Sélection de 5 corridors à grande vitesse par la FRA ouvrant à la voie à la grande vitesse aux États-Unis

•1992 : FRA sélectionne ces 5 corridors suivant la loi ISTEA : •Midwest (Chicago-Detroit-St. Louis-Milwaukee)

•Florida (Miami-Orlando-Tampa)

•California (San Diego-Los Angeles-Bay Area-Sacramento) •Southeast (Charlotte-Richmond-Washington D.C.) •Pacific Northwest (Eugene-Portland-Seattle)

•1993 : publication du rapport de la FRA sur la NMI (National Maglev Initiative)

•1997 : présentation par la FRA d'un rapport au Congrès sur les bénéfices économiques de la grande vitesse (High Speed Ground Transportation Commercial Feasibility Study Report)

1998-2004

• Désignation de 6 corridors à grande vitesse supplémentaires

• 1998-1999 : vote de la loi TEA-21 qui autorise la sélection de ces 6 nouveaux corridors : • Gulf Coast

• Keystone (Philadelphie-Harrisburg) • Empire State (NYC-Albany-Buffalo)

• extension du corridor Southeast (Atlanta-Macon-Raleigh-Savannah-Jacksonville)

• extension du corridor Midwest, désormais appelé Chicago Hub (Milwaukee-Minneapolis ; Indianapolis-Cincinnati)

• 2000 : l'USDOT autorise l'extension de 4 corridors et la désignation de 2 nouveaux corridors : • extension du corridor Southeast (Macon-Jesup)

• extension du corridor Gulf Coast (Birmingham-Atlanta) • extension du corridor Keystone (Harrisburg-Pittsburg)

• extension du corridor Chicago Hub (Chicago-Toledo-Cleveland ; Indianapolis-Louisville ; Cleveland-Columbus-Dayton-Cincinnati)

• Northern New England (Boston-Auburn-Montreal)

• South Central (Dallas-Fort Worth-Austin-San Antonio-Oklahoma City-Tulsa)

• 2004 : le Congrès (vote du Consolidated Appropriations Act en 2005) autorise l'extension du Northern New England (Boston-Springfield-Albany ; Springfield-New Haven)

2008-2015

• Nouvelle étape majeure : le HSIPR

• 2008 : vote de la loi PRIIA qui établit un nouveau cadre législatif pour la grande vitesse

• 2009 : allocation de 8 milliards de dollars pour les corridors à grande vitesse dans le cadre du plan de relance de l'économie (vote de la loi ARRA) et publication d'un rapport par la FRA sur la grande vitesse ferroviaire (High Speed Rail Strategic Plan)

• 2010-2011 : ajout de 2,5 milliards de dollars supplémentaires par le Congrès • 2012 : Amtrak présente un programme d'investissements à long terme pour le NEC

• 2013-2014 : réduction des crédits fédéraux à la grande vitesse (majorité républicaine à la Chambre des Représentants)

• 2015 : vote de la loi FAST qui prévoit le lancement d'un appel à projets sur ces corridors à grande vitesse, sans précision sur les financements fédéraux

(Source : site internet de la FRA, https://www.fra.dot.gov/Page/P0140 [consulté le 17/11/2018])

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années 1930 et 1960. Le projet de l’OHSGT, fruit d’un partenariat public-privé, vise à mettre en service un train rapide, le « Metroliner ». Grâce à un budget initial de 44,5 millions de dollars, ce « Metroliner » entre en service en 1969. Celui-ci est un service à vitesse élevée, pouvant rouler à une vitesse moyenne de 175 km/h. En 1970, la compagnie Pennsylvania Central fait faillite. C’est la nouvelle compagnie publique Amtrak qui récupère une partie de ses services, et en 1976, Amtrak devient propriétaire de la quasi-totalité des infrastructures du NEC. Un premier programme – NECIP – est lancé en 1976 pour effectuer des travaux d’amélioration mais les mandats Reagan, marqués par la forte baisse des dépenses fédérales, ne permettent pas d’investir dans le NEC. Il faut attendre le début des années 1990 pour voir se concrétiser ce NECIP grâce à de nouveaux fonds fédéraux. Amtrak s’engage à la fois dans l’amélioration progressive des performances du « Metroliner » et dans la transformation à long terme du NEC en un corridor à grande vitesse (Perl, 2002 ; Black, 2005, pp. 18-21 ; Ruggeri, 2015, pp. 78-79). À partir de 1997, le gouvernement fédéral dote Amtrak de 3,2 milliards de dollars pour mettre en circulation un train à grande vitesse entre Washington D.C. et Boston. Le nouveau service Acela Express est lancé en 2000, il s’agit là encore d’un train à vitesse élevée. En effet, les infrastructures ferroviaires, qui datent pour la plupart de la fin du XIXème siècle, ne peuvent pas être doublées par un tracé neuf, par manque d’engagement financier. En 2012, Amtrak a présenté un nouveau plan directeur pour moderniser le NEC, et plus de 150 milliards de dollars seraient nécessaires pour construire une véritable LGV. L’expérience du corridor Nord-Est, véritable réussite commerciale et financière d’Amtrak depuis près de deux décennies, incarne un succès très relatif d’implantation de la grande vitesse ferroviaire.

Anthony Perl retrace par ailleurs les échecs répétés de divers projets de lignes à grande vitesse depuis les années 1980. Le cas californien peut être qualifié de faux départ. Le premier projet préparé par l’AHSRC – American High Speed Rail Corporation98 – et l’État de Californie en partenariat avec la Japan National Railways est présenté en 1983. Il prévoit un train circulant à 250 km/h reliant Los Angeles et San Diego, avec une ouverture complète de la ligne en 1990. Ce projet est abandonné en novembre 1984, alors que les études d’impacts étaient déjà engagées, faute de fonds suffisants. Il faut attendre 2008 pour voir la Californie réinvestir dans un projet de réseau à grande vitesse. Les autres exemples aux États-Unis sont bel et bien des échecs qui n’ont jamais redémarré (fig. 26).

98 La loi Passenger Railroad Rebuilding Act de 1980 a pour objectif que la FRA travaille sur de potentiels corridors à grande vitesse, désignés comme corridors émergents. L’Office of High Speed Ground Transportation, créé en 1965, est doté de 4 millions de dollars pour financer des études et une filiale d’Amtrak, l’AHSRC, est créée pour porter ce type de projet. Les États sont incités à s’engager dans des projets de grande vitesse ferroviaire.

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Figure 26. Les États-Unis et les échecs multiples de lancement de projets à grande vitesse

Deux raisons principales expliquent pour chacun de ces cas un échec du projet de ligne à grande vitesse : le manque de financements public et/ou privés, et l’absence de soutien continu des autorités politiques. De 1965 jusqu’en 2008, l’État fédéral s’intéresse à ce mode de transport innovant, apparaissant comme un chef de file, et engageant des moyens législatifs et financiers en vue d’importants travaux de réflexion et de prospective. Cependant son rôle se limite à la fois à la commande d’études, et à la désignation par la loi de corridors à grande vitesse. Il n’y a en réalité pas de programmes financés de manière conséquente pour soutenir la construction de lignes à grande vitesse, sauf dans le corridor Nord-Est avec une inadéquation flagrante entre les moyens nécessaires et les sommes réellement engagées. Par ailleurs, malgré la loi de 1984 qui place pour la première fois les États fédérés en position d’acteurs principaux, les autres échelons institutionnels

Ohio

• 1980: projet présenté par l'ORTA (Ohio Rail Transportation Authority)

• Projet porté par l'État seul (sans Amtrak et l'ASHSRC, ni fonds privés)

• Abandon du projet suite à l'arrivée des Républicains au pouvoir

Texas

• 1989: création de la THSRA (Texas High Speed Rail Authority) par l'État

• Appel à projets confié à la THSRA • 1992: choix porté sur le projet

Texas TGV

• l'État se retire et laisse la conduite et le financement du projet entre les mains de la THSRA et de Texas TGV Consortium • l'État du Texas change de

position sur le projet et s'y oppose ; le consortium se délite

• 1995: abandon du projet par la THSRA

Floride

• 1984: État de Floride vote le Florida High Speed Rail Transportation Act pour faire émerger un projet privé (modèle texan)

• 1991: projet abandonné par manque de financements • 1995: Floride opte pour un

partenariat public-privé (modèle californien): 5 projets proposés • la Floride choisit le projet FOX

(Florida Overland Express) • 2000: création de la Florida High

Speed Rail Authority pour porter le projet

• 2002: publication des premières études par la FHSRA

• 2004: le gouverneur républicain Jeb Bush fait échouer le projet en révoquant la loi de 2000 qui dotait la FHSRA de fonds et d'une compétence sur le projet

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restent en retrait. Cette situation se confirme avec les trois cas d’échecs présentés précédemment : l’échelon fédéré décide soit de rester en retrait et de laisser faire le secteur privé, soit de se retirer brutalement faisant s’effondrer le projet, soit de s’engager mais bien trop timidement notamment sur le plan budgétaire. L’année 2008 marque une rupture dans cette histoire tourmentée de la grande vitesse ferroviaire aux États-Unis avec un renouvellement profond de la politique ferroviaire fédérale.

2. L’initiative en faveur de la grande vitesse de l’administration Obama

Le renouvellement de la politique ferroviaire fédérale repose sur trois actes législatifs votés en 2008 et en 2009 (FRA, 2009, pp. 9-10 ; 2009b, pp. 4-5) :

-Rail Safety Improvement Act (2008) : augmentation des exigences de sécurité et modernisation de la législation relative à la sécurité ferroviaire ;

-Passenger Rail Investment and Improvement Act (2008) : création de trois programmes d’investissements :

-Intercity Passenger Rail Service Corridor Capital Assistance (permettant à des États seuls, à des groupements d’États ou à des agences publiques de demander un financement fédéral pour tout projet d’investissement dans le transport ferroviaire de passagers) ;

-High-Speed Rail Corridor Development (fonctionnant sur le même principe que le programme précédent mais uniquement pour des projets de grande vitesse ferroviaire) ;

-Congestion Relief Grants (octroyant des fonds fédéraux à hauteur de 80 % du total pour des projets visant la réduction de la congestion sur les tronçons les plus utilisées) ;

-American Recovery and Reinvestment Act (2009) : loi portant le plan de relance de l’économie de l’administration Obama pour faire face à la crise économique mondiale. Ce plan de relance repose sur une approche classique de relance par les grands travaux et des dépenses massives de l’État fédéral. Dans le cadre de l’ARRA, huit milliards de dollars sont consacrés à la grande vitesse ferroviaire.

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L’administration Obama propose d’ajouter un milliard de dollars par an pendant cinq ans aux fonds de l’ARRA mais ce complément financier dépend des discussions budgétaires annuelles. Le Congrès adopte finalement dans les budgets 2010 et 2011, un complément de 2,5 milliards de dollars pour la grande vitesse ferroviaire et Amtrak (Peterman, Frittelli et Mallett, 2013, pp. 3-4). En avril 2009, le président Barack Obama, accompagné du vice-président Joe Biden et du secrétaire d’État aux Transports Ray LaHood, présente son initiative en faveur de la grande vitesse ferroviaire (fig. 27). Dix corridors à grande vitesse sont désignés pour recevoir les fonds fédéraux, auxquels il convient d’ajouter le corridor Nord-Est qui peut également accéder à ces financements :

-California Corridor (Bay Area-Sacramento-Los Angeles-San Diego) ;

-Pacific Northwest Corridor (Eugene-Portland-Tacoma-Seattle-Vancouver, BC) ;

-South Central Corridor (Tulsa-Oklahoma City-Dallas-Austin-San Antonio-Little Rock) ; -Gulf Coast Corridor (Houston-Nouvelle Orléans-Mobile-Birmingham-Atlanta) ;

-Chicago Hub Network (Chicago-Milwaukee-Minneapolis/St. Paul-St. Louis-Kansas City-Detroit-Toledo-Cleveland-Columbus-Cincinnati-Indianapolis-Louisville) ;

-Florida Corridor (Orlando-Tampa-Miami) ;

-Southeast Corridor (Washington D.C-Richmond-Raleigh-Charlotte-Atlanta-Macon-Columbia-Savannah-Jacksonville) ;

-Keystone Corridor (Philadelphie-Harrisburg-Pittsburgh) ; -Empire Corridor (New York City-Albany-Buffalo) ;

-Northern New England Corridor (Boston-Montréal-Portland-Springfield-New Haven-Albany) ;

-Northeast Corridor (Washington D.C-Baltimore-Wilmington-Philadelphie-Newark-New York City-New Haven-Providence-Boston) (FRA, 2009, p. 6).

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Figure 27. Les corridors à grande vitesse annoncés en 2009 par l’administration Obama

(Source : https://www.theurbanist.org/2017/12/26/progressive-infrastructure-plan/ [consulté le 09/01/2019]

Les effets bénéfiques de la grande vitesse ferroviaire sont particulièrement valorisés lors de cette conférence de presse de présentation et dans tous les documents institutionnels liés à ce programme. Ce mode de transport permettrait à la fois de soutenir la compétitivité économique des États-Unis, de réduire la dépendance pétrolière, d’améliorer l’empreinte environnementale du pays et d’offrir aux Étatsuniens un mode de transport innovant et propre qui permet d’agir sur la congestion autoroutière et aéroportuaire. Le soutien à l’activité économique et à la création d’emplois est également très valorisé, puisque cette initiative – alimentée par les fonds de la loi ARRA – est l’une des composantes du plan de relance de l’économie de l’administration Obama. En outre, la rhétorique des effets structurants est omniprésente à la fois dans les discours et dans les productions institutionnelles. L’objectif affiché est que ce futur réseau donne accès à la grande vitesse à 80 % des Étatsuniens dans les 25 ans :

« My high-speed rail proposal will lead to innovations that change the way we travel in America. We must start developing clean, energy-efficient transportation that will define our regions for centuries to come. A major new high-speed rail line will generate many thousands of construction jobs over several years, as well as permanent jobs for rail employees and increased economic activity in the destinations these trains serve. High-speed rail is long-overdue, and

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this plan lets American travelers know that they are not doomed to a future of long lines at the airports or jammed cars on the highways. » (Barack Obama)

« Today, we see clearly how Recovery Act funds and the Department of Transportation are building the platform for a brighter economic future – they’re creating jobs and making life better for communities everywhere. Everyone knows railways are the best way to connect communities at each other […] Investing in a high-speed rail system will lower our dependence on foreign oil and the bill for a tank of gas ; loosen the congestion suffocating our highways and skyways ; and significantly reduce the damage we do to our planet. » (Joe Biden)

« President Obama’s vision of robust, high-speed rail service offers Americans the kind of travel options that throughout our history have contributed to economic growth and enhanced quality of life. We simply can’t build the economy of the future on the transportation networks of the past. » (Ray LaHood)99

Ce plan pour la grande vitesse ferroviaire repose sur deux piliers : la construction de nouvelles lignes réservées aux trains à grande vitesse – sur le modèle européen et asiatique – et l’amélioration des services existants par une approche incrémentale. En ce qui concerne la grande vitesse spécifiquement, trois types de projets sont prévus : les projets individuels (subventions à des projets déjà engagés dont les chantiers peuvent rapidement démarrer, permettant une relance rapide de l’activité économique locale), les projets de corridors (subventions permettant de soutenir des projets de corridors à grande vitesse dont les plans de programmation sont déjà avancés), la planification (développement de partenariats pour planifier de futurs lignes à grande vitesse dont les fonds proviennent d’autres sources que l’ARRA). En avril 2009, dans son rapport directeur Vision for High-Speed Rail in America, le département fédéral des Transports y détaille à la fois les conditions d’éligibilité aux fonds fédéraux, les procédures et les critères de sélection et de financement (FRA, 2009). Par la suite, l’administration fédérale lance la structure qui va désormais porter les financements, le High-Speed Intercity Passenger Rail Program (HSIPR), et proposer une typologie de projets. En effet, les corridors à grande vitesse sont déclinés en trois catégories : les corridors « Core Express » (vitesse supérieure à 240 km/h et distance comprise entre 320 et 960 km), les corridors régionaux dits « Regional Corridors » (vitesse comprise entre 145 et 240 km/h et distance comprise entre 160 et 800 km), et les corridors émergents dits « Emergent Corridors » (vitesse comprise entre 120 et 145 km/h ; trains servant à alimenter le trafic des autres corridors). Finalement, seule la première catégorie correspond à de la grande vitesse ferroviaire. Elle ne concerne que deux régions d’après la FRA, la Californie et le Nord-Est. Tous les autres projets,

99 FRA, Communiqué de presse, « President Obama, Vice President Biden, Secretary LaHood Call for U.S. High Speed Passenger Trains », 16 avril 2009, Conférence de presse présidentielle intitulée Vision for a New Era in Rail Entails Clean, Energy-Efficient Option for Travelers.

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appartenant aux deux autres catégories, sont en réalité des lignes classiques améliorées qui peuvent pour certaines d’entre elles devenir des lignes à grande vitesse100.

L’ « Obamarail » constitue une rupture claire dans la politique ferroviaire fédérale, lui conférant le rôle de chef de file dans la constitution d’un nouveau réseau à grande vitesse ou à vitesse élevée. Si d’aucuns disent que l’initiative « grande vitesse ferroviaire » de B. Obama a permis de relancer, de réactiver, de réveiller les réflexions politiques, techniques, scientifiques et populaires sur le mode ferroviaire, il convient d’en analyser les limites qui expliquent pourquoi cette initiative peut être qualifiée de semi-échec.

3. Un engagement financier modeste

La répartition des fonds de l’ « Obamarail » se concentre sur un petit nombre de corridors (fig. 28). Six d’entre eux polarisent près de 85 % des sommes dépensées : California Corridor, Pacific Northwest Corridor, Chicago Hub Network – en particulier les lignes Chicago-St. Louis et Chicago-Detroit – Northeast Corridor et Southeast Corridor – pour le tronçon Charlotte-Washington D.C (FRA, 2013, pp. 1-2). L’appel à projets lancé par la FRA remporte un vif succès auprès des États et d’Amtrak. En octobre 2009, la FRA reçoit 45 projets émanant de 24 États pour un montant total de 75 milliards de dollars, alors que l’enveloppe disponible se limite à huit milliards de dollars. Joseph Szabo confirme ce succès par le décalage entre les fonds disponibles et ceux demandés : « To date, FRA has obligated more than $10 billion in grant funding provided by Congress for the High-Speed Intercity Passenger Rail (HSPIR) Program through the ARRA (2009) and annual appropriations for FY 2009 and 2010. Interest in this program is strong: 39 states, the District of Columbia, and Amtrak have submitted more than $75 billion worth of applications – well in excess of the available funding »101. La FRA annonce le 28 janvier 2010 les projets retenus. En octobre 2010, une seconde vague d’appel à projets est lancée pour répartir les 2,5 milliards de dollars de fonds supplémentaires accordés par le Congrès. La Californie, la Floride, l’Iowa et le Michigan sont les États qui reçoivent le plus de fonds102. Toutefois, des redéploiements de crédits

100 Entretien avec Barbara Barr, Director International Programs Division, FRA, réalisé le 6 septembre 2015 à Washington D.C.

101 Audition parlementaire de Joseph Szabo (Administrator, FRA), National Rail Policy: Examining Goals, Objectives and Responsibilities, House Subcommittee on Railroads, Pipelines and Hazardous Materials, 27 juin 2013.

102 Pour la première vague d’appel à projets : 2,25 milliards de dollars pour la Californie, 1,25 milliard pour la Floride, 1,1 milliard pour l’Illinois et 810 millions de dollars pour le Wisconsin. Pour la seconde vague d’appel à projets : 901 millions de dollars pour la Californie, 800 millions de dollars pour la Floride, 230 millions pour l’Iowa et 161 millions pour le Michigan.

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fédéraux sont nécessaires suite à des changements politiques dans certains États. En novembre 2010, les nouveaux gouverneurs républicains de l’Ohio, John Kasich, et du Wisconsin, Scott Walker, annoncent leur intention de boycotter les fonds fédéraux pour la grande vitesse ferroviaire, ne