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4. ANALYSE COMPARÉE DES MODES DE GOUVERNANCE DES CHANGEMENTS

4.2 Gouvernance participative et subsidiarité

Les changements climatiques affectent clairement des enjeux gérés à différents niveaux des administrations publiques. Tel que mentionné dans le premier chapitre, les avantages et les inconvénients reliés à la gestion des changements climatiques sont connus pour chaque palier administratif. Au niveau des états et des provinces, les politiques publiques en changements climatiques auront les avantages de favoriser les économies d’échelle et le rattachement à des ententes climatiques globales. De son côté, la décentralisation vers les niveaux locaux et régionaux aura pour effet de développer des règlements et des actions plus adaptés à la réalité locale en plus d’assurer une plus grande imputabilité des actions mises en œuvre (Sovacool et al, 2009). De plus, l’action locale ou régionale sur les changements climatiques encourage l’expérimentation et l’innovation. Les politiques climatiques idéales seront donc celles prévoyant des actions à tous les niveaux administratifs d’un état (Orstrom, 2010). Ces constatations font appel au principe de subsidiarité, principe comptant d’ailleurs parmi ceux de la Loi sur le développement durable du Québec (MDDEP, 2006). Par ailleurs, tel qu’exprimé dans le premier chapitre, il est permis de croire que les politiques publiques climatiques les plus efficaces sont élaborées avec la participation de parties prenantes et des citoyens (i.e. section 1.2.2 sur les réseaux). La participation et l’engagement des groupes sont un autre des principes caractérisant la Loi sur le développement durable du Québec (MDDEP, 2006). Les gouvernements nationaux ont la tâche de trouver le juste équilibre entre la gouvernance du haut vers le bas et la gouvernance du bas vers le haut, tout en encourageant la participation des acteurs concernés par les changements climatiques et des citoyens. Ainsi, le choix du niveau d’action et des méthodes d’élaboration des politiques publiques devient aussi important que la politique ou la stratégie elle-même (Ostrom, 2010).

Les politiques climatiques employées par les états et les provinces étudiés dans cet essai emploient chacune des méthodes différentes pour stimuler l’action locale et la participation du public. En se penchant sur la cohérence nationale, la section précédente a d'ores et déjà fourni une piste d’analyse sur la subsidiarité des politiques publiques

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climatiques au Québec. Tel que l’illustre la figure 2.1, celles-ci se coordonnent majoritairement du bas vers le haut, ce qui n’est pas en soi une mauvaise approche. Le plan d’action sur les changements climatiques du Québec offre une variété de programmes financiers dont les effets seront probablement de stimuler la participation de certains organismes municipaux et acteurs. Le programme Climat-Municipalités en est un très bon exemple. Ce qui est par contre une lacune au présent plan d’action sur les changements climatiques, lorsque comparé aux autres stratégies des autres états sus mentionnés, c’est un intermédiaire entre le gouvernement provincial et les communautés locales. En effet, en Californie, en Colombie-Britannique et dans l’état de Washington, l’existence d’organismes régionaux veillant à l’application des stratégies climatiques et favorisant le dialogue entre le gouvernement et les communautés semble faciliter la concertation des acteurs locaux, l’acceptation des politiques publiques et la prise d’initiatives locales. À bien des égards, les municipalités régionales de comtés semblent pourtant tout indiquées pour jouer ce rôle.

Le plan d’action sur les changements climatiques québécois ne prévoit pas non plus la création d’un comité permettant au public et aux parties prenantes de participer aux débats et à l’élaboration des politiques publiques climatiques. En Californie, deux comités consultatifs ont été instaurés par la loi AB32 en 2006. D’abord, le comité-conseil sur la justice environnementale (EJAC) regroupe des représentants des communautés les plus vulnérables face aux changements climatiques. Son principal mandat est d’aviser le CARB sur l’évolution de la mise en œuvre du plan d’action californien et de stimuler la participation du public. Ensuite, un comité-conseil sur l’avancement économique et technologique (ETAAC) regroupe des experts et des scientifiques renommés dans le domaine des changements climatiques. Ce comité propose des cibles et des outils économiques et technologiques régionaux et nationaux au CARB. Les observations et les recommandations faites par ces deux comités font de la loi AB32 et du scoping plan californien une stratégie climatique s’adaptant aux réalités plus locales. En Colombie-Britannique, la population et les parties prenantes ont également la chance de se prononcer sur les politiques climatiques à être adoptées. Toutefois, à la différence des comités-conseils californiens, le gouvernement de la Colombie- Britannique sollicite l’avis du CAT avant de prendre des décisions touchant les changements climatiques. Qu’elle soit ex ante ou ex post, la participation des parties prenantes et des citoyens est cruciale dans le cycle de vie des politiques publiques

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climatiques. Il fut en effet constaté, dans le premier chapitre, que le gouvernement n’avait pas le monopole de l’expertise dans le domaine des changements climatiques.

Il fut par ailleurs observé que le gouvernement du Québec n’avait pas su saisir l’occasion de formaliser et de pérenniser le travail horizontal qui avait été fait entre les ministères lors de l’élaboration du plan sur les changements climatiques. Il importe maintenant d’évaluer l’importance de la collaboration horizontale dans les organismes municipaux de la province. Les villes de Montréal, Laval, Sherbrooke et Québec ont chacune développé des plans d’atténuation des changements climatiques demandant un travail horizontal au sein même des administrations de ces villes (Larrivée, 2010). Cependant, le constat est que les villes du Québec sont moins engagées par des réseaux horizontaux que peuvent l’être les organismes municipaux des autres cas analysés. Les plus grandes villes et les plus grands comtés californiens font majoritairement partie de réseaux horizontaux orientés sur les changements climatiques comme ICLEI CCP et Cool Counties. En plus de ces réseaux non gouvernementaux, le gouvernement californien cherche lui-même à créer un réseau d’échange et de sensibilisation par le biais du réseau CoolCalifornia.org. Même constat dans l’état de Washington où les plus grandes villes font partie de ICLEI CCP et les plus grands comtés de Cool Counties. En Colombie-Britannique, le gouvernement a lui-même engagé la fédération des municipalités de la province dans la lutte aux changements climatiques. Le réseautage horizontal est nécessaire, parce qu’il sensibilise les membres des réseaux en partageant leurs expériences et fournit des outils aux municipalités désireuses de prendre des initiatives en matière de changements climatiques.

Au Québec, il existe certes des réseaux d’acteurs sur les changements climatiques, mais ceux-ci concernent rarement les acteurs municipaux. L’Union des municipalités et la Fédération des municipalités du Québec ne sont pas directement engagées dans la lutte aux changements climatiques au même titre que les municipalités de la Colombie- Britannique. Par contre, une certaine partie des opérations du RNCREQ touche le sujet des changements climatiques et, plus particulièrement dans la région de Montréal, et met en relation les acteurs concernés par les mêmes enjeux environnementaux. Le gouvernement du Québec a peut-être récemment saisi l’importance des réseaux horizontaux par rapport aux changements climatiques. En finançant et en rendant

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nationale une initiative créée par les CRE de Montréal et de Québec en partenariat avec Équiterre, le gouvernement du Québec a fait de Défi-Climat un exemple de ce que pouvait être la gouvernance du bas vers le haut. En engageant les réseaux horizontaux dans la lutte aux changements climatiques, ce genre d’expérience pourrait se multiplier.