• Aucun résultat trouvé

4. ANALYSE COMPARÉE DES MODES DE GOUVERNANCE DES CHANGEMENTS

4.3 Efficacité économique

L’économie permet aux preneurs de décisions d’attacher des valeurs concrètes à des problèmes dont la valeur peut souvent être considérée comme étant abstraite (Maréchal, 2007). Elle fait donc aujourd’hui partie intégrante de l’élaboration des politiques publiques. Les politiques publiques reliées aux changements climatiques ne font pas exception à la règle. Les enjeux sont souvent abstraits, méconnus et lointains (Anda et al, 2009). Le besoin d’agir sur les changements climatiques exerce une pression immédiate sur les finances publiques alors que les bénéfices engendrés ne seront connus qu’à long terme (Anda et al, 2009). Dans un tel contexte, l’évaluation de l’efficacité économique de politiques climatiques peut s’avérer difficile. Cette rentabilité économique pourrait d’abord être quantifiée en fonction de la marge existant entre le potentiel de réduction des émissions de GES (ou la cible de réduction visée) et les efforts déployés pour les réaliser (les résultats concrets) (Maréchal, 2007). Par contre, tel que mentionné dans le premier chapitre, la lutte aux changements climatiques peut entraîner plusieurs cobénéfices souvent difficilement mesurables. Les coûts de la mise en œuvre de politiques publiques en changements climatiques peuvent parfois être comblés par les cobénéfices générés par celles-ci (Guay et al, 2009). Enfin, l’efficacité économique peut également se mesurer dans la structure de mise en œuvre des politiques publiques. Au sein d’un même état, plus les programmes, politiques et plans seront élaborés dans un contexte de complémentarité (gouvernance horizontale et transversale) et plus la synergie existant entre les différents acteurs impliqués pourra entraîner une réduction des coûts de mise en œuvre (Maréchal, 2007).

En ce qui concerne les quatre exemples étudiés dans cette analyse, il serait d’abord judicieux de se pencher sur les résultats palpables obtenus par les stratégies adoptées. Cependant, puisque les politiques publiques mises en œuvre dans tous les cas étudiés sont relativement récentes, les informations disponibles à cet égard ne peuvent être considérées que tendancielles. Les stratégies californienne et québécoise ont, par

66

exemple, été élaborées en 2006 et les derniers inventaires d’émissions de GES disponibles pour chacun des états datent de 2007. Mesurer les cobénéfices est un exercice tout aussi difficile, en ce que la portée des cobénéfices des politiques de changements climatiques est elle-même méconnue. Certains des états étudiés ont par contre mis en place des stratégies pouvant faire l’objet d’analyses plus approfondies.

En faisant partie de la Western Climate Initiative, les quatre états étudiés ont tous choisi d’opter pour le plafonnement de leurs émissions de GES par le biais de mécanismes de marché. Il faut donc se tourner vers les aspects complémentaires de leurs politiques publiques pour être en mesure de distinguer les forces et faiblesses économiques de chacun. En matière d’atténuation, la Colombie-Britannique est la seule province à avoir mis en place une taxe universelle sur le carbone. Toute consommation d’énergies fossiles faite dans la province est sujette à la taxation, que cette consommation soit faite par un individu ou par une entreprise publique ou privée. Le choix de neutraliser la taxe en la redistribuant entièrement à la population sous forme de baisse d’impôts ou de subventions pourrait toutefois être discutable. Par exemple, au Québec, les redevances sur les compagnies pétrolières ne sont pas redistribuées aux consommateurs, elles sont placées dans le Fonds vert destiné à financer les actions prévues par le plan d’action sur les changements climatiques du Québec. L’efficacité du Règlement relatif à la redevance annuelle liée au Fonds vert se trouve multipliée par son apport au Fonds vert et, conséquemment, par sa contribution à la lutte aux changements climatiques.

Les politiques d’adaptation aux changements climatiques sont étroitement reliées à l’efficacité économique. S’adapter aujourd’hui à d’éventuels changements en investissant dans la planification et dans les infrastructures réduit les coûts d’adaptation à long terme (Guay et al, 2009). Les stratégies d’adaptation développées par la Californie et le comté de King dans l’état de Washington ont une longueur d’avance sur les provinces de Québec et de la Colombie-Britannique. Par exemple, pour faire suite à sa stratégie d’adaptation, le comté de King a développé un inventaire des infrastructures vulnérables aux changements climatiques. Cet inventaire est un puissant outil d’information et de sensibilisation pouvant permettre aux preneurs de décisions locaux de légitimer la création de programmes et de subventions destinés à favoriser l’adaptation des infrastructures urbaines. Le gouvernement californien pousse quant à lui la notion d’efficacité économique un peu plus loin dans son plan d’adaptation en

67

allant jusqu’à s’avancer sur le nombre d’emplois créer d’ici 2020 et 2050, en extrapolant sur les bénéfices économiques de l’adaptation aux changements climatiques et en encourageant les preneurs de décisions à poser des gestes d’adaptation concrets. Le Québec n’a pas de stratégie d’adaptation aux changements climatiques. Quelques actions d’adaptation sont plutôt intégrées au plan d’action sur les changements climatiques québécois. Hormis la mesure 26 touchant le soutien financier du consortium Ouranos, aucune action d’adaptation aux changements climatiques ne concerne directement la gestion des infrastructures dans les milieux municipaux et régionaux.

Enfin, dans les cas sous études, l’efficacité économique pourra principalement se mesurer par la synergie des programmes et politiques mis en œuvre. À ce titre, l’état californien et la province de la Colombie-Britannique se démarquent du lot. D’abord, en Californie, la transversalité de la loi AB32 rend le dédoublement des programmes très difficile. La mise en place d’une équipe sur les changements climatiques (Climate Action Team) au niveau national et la définition claire des mandats de chaque agence en faisant partie empêche l’empiétement des mandats de chacun. La présence d’un conseil stratégique sur la croissance (Strategic Growth Council) relevant directement du gouverneur fait également en sorte que les instances gouvernementales régionales et locales participent à la synergie nationale. L’approche préconisée par le gouvernement de la Colombie-Britannique est assez similaire en ce point. Le développement du plan d’action sur les changements climatiques par le gouvernement provincial et sa mise en œuvre par le secrétariat sur les changements climatiques (Climate Action Secretariat) assure la coordination des ministères touchés par les enjeux climatiques. De plus, le projet de loi 27 modifiant la loi sur les compétences municipales et la charte sur les changements climatiques engageant le gouvernement provincial et les organisations régionales et municipales définissent clairement les responsabilités des villes et des régions tout en reconnaissant le rôle du gouvernement provincial. Les stratégies employées par les gouvernements de ces deux états maximisent la synergie des programmes et des politiques publiques en changements climatiques et ainsi leur efficacité économique.