1973), est de couleur jaune à brune et possède des cristaux typiques de forme aciculaire. La goethite
de sols est faite généralement de cristaux de petite taille, c’est-à-dire quelques dizaines de nanomètres
au plus. Il est difficile de la différencier des autres oxydes de fer sans avoir recours à des analyses
physico-chimiques. Elle peut être noire à l’extérieur, d’aspect métallique, compacte et très dure dans
certains cas ou, dans d’autres cas, jaune, plus tendre et poreuse à massive. Le broyage fin de ces
deux types de goethite produit une poudre d’un jaune plus ou moins vif. La couleur de la poudre est
dépendante de la taille et de la morphologie des cristaux. Ainsi, une goethite constituée de cristaux
aciculaires de grande taille, de l’ordre d’un micron, donne une poudre jaune vif. Alors qu’on obtient
une poudre brune d’une goethite faite de petits cristallites d’environ 10 nanomètre (Schwertmann
1988).
L’hématite (α-Fe2O3) – dont la spécularite et l’oligiste sont deux variétés – est l’oxyde de fer
le plus stable. Sa principale propriété est la couleur rouge sang de sa poudre dont son nom est tiré
(αιµα[Haima] en grec signifie sang). L’importance des gisements d’hématite en fait le principal
mi-nerai de fer exploité industriellement. Les cristaux d’hématite typiques sont des plaquettes de forme
hexagonale. Toutefois, pour l’hématite de sol, des cristaux de forme irrégulière ayant une texture
granulaire sont plus souvent observés. Ces cristaux ont des tailles de l’ordre de quelques dizaines de
nanomètres. La texture peut varier considérablement d’une hématite à l’autre. Comme pour la
goe-thite, l’hématite peut être très dure, grise à noire et d’aspect métallique à l’extérieur. Cette variété
d’hématite, souvent appelée oligiste, donne, une fois broyée, une poudre rouge légèrement brillante.
Il existe également l’hématite dont la matrice est tendre et violacée. Le broyage de l’hématite produit
alors une poudre rouge vif, d’autant plus vif que la poudre est fine. Lorsque l’hématite est constituée
de cristaux de petite taille, entre 20 et 100 nanomètres, la poudre est rouge vif. En revanche, lorsque
les cristaux sont de plus grande taille, supérieure à un micron, la poudre est plus sombre, tendant
vers le violacé ou vers des teintes lie-de-vin (Pomiès 1997). Durant le Paléolithique, l’hématite
na-nocristalline a plus souvent été utilisée que l’hématite bien cristallisée car elle présente l’avantage de
se broyer plus facilement (Menu & Walter 1995). La taille et la morphologie des cristaux sont avant
tout les conséquences des conditions thermodynamiques de cristallisation. À basse température se
forment des cristaux lamellaires. En augmentant la température, les cristaux sont lenticulaires, puis
bipyramidaux. L’hématite présente une structure très stable sur une large plage de températures et de
pressions, ce qui implique, par exemple, que le broyage manuel n’a pas d’incidence sur la
morpholo-gie des cristaux.
L’hématite est un minéral possédant un pouvoir colorant très fort et remarquable. L’analyse
colo-rimétrique de mélanges de chaux et d’hématite pure, révèle que seulement 10 % d’hématite confèrent
une teinte rouge au mélange et que 30 % en masse d’hématite suffisent pour que le produit ait une
couleur (teinte, saturation et clarté) très proche de la couleur de l’hématite pure (Pomiès 1997).
Une variété bien cristallisée d’hématite mérite d’être mentionnée. Il s’agit de la spécularite ou
hématite spéculaire dont l’aspect est gris métallisé aux reflets miroités et dont les cristaux sont bien
formés. Malgré un broyage fin, la spécularite se détache en plaquettes grises et brillantes avec des
re-flets métalliques et violacés. Les cristaux restent agglomérés en fines plaquettes. Ce type d’hématite
n’a donc pas pu être utilisé comme pigment. Certaines publications font cependant mention de
spé-cularite utilisée par les Préhistoriques, comme dans certains sites du MSA d’Afrique du Sud (Watts
1999, 2002). Que penser alors de la présence de ce minéral sur un site Paléolithique ? Y a-t-il eu
tentative d’utilisation de ce minerai ? L’abandon du fragment d’hématite spéculaire révèle-t-il
l’in-satisfaction engendrée par cette matière colorante ? Ou se terme a-t-il été utilisé pour désigner les
matières colorantes rouges selon l’appréciation du découvreur ?
Enfin, il est possible de produire artificiellement de l’hématite en chauffant de la goethite. Nous
reviendrons en détail sur cet aspect dans la partie consacrée au chauffage des matières colorantes
(Chapitre 3.1). La goethite peut se transformer en hématite par trois procédés. Soit au cours d’une
lente déshydratation en surface de terrains exposés à l’oxygène de l’air et à de fortes chaleurs, soit par
chauffage, soit par broyage. Des expérimentations en laboratoire ont montré, en effet, que la
transfor-mation de goethite en hématite pouvait se faire lors d’un broyage intensif durant au moins dix-huit
heures (Šubrtet al. 2000). Le temps de broyage nécessaire à cette transformation est trop important
pour être envisagé en contexte préhistorique. On peut donc considérer que la réduction en poudre
manuelle ne permet pas de transformer la goethite en hématite. Il n’est donc pas envisageable que
le broyage de goethite durant le Paléolithique ait conduit à la formation d’hématite. Par ailleurs, la
transformation de goethite en hématite n’est pas réversible. Il est, en effet, important de noter, que
l’hématite ne peut être réhydratée et devenir ainsi de la goethite car l’hématite est l’oxyde de fer le
plus stable.
La limonite(α-FeOOH, nH2O) n’est pas un autre minéral. Il s’agit d’un terme qui englobe un
ensemble mal défini d’oxydes et d’oxyhydroxydes de fer hydratés (goethite, lépidocrocite, hématite,
en moindre proportion) mélangés avec de l’argile. Ce minerai était considéré comme une espèce
mi-nérale à part entière, mais les analyses par diffraction des rayons X ont démontré que la limonite
est majoritairement composée de goethite. Ce mélange naturel est très courant et peut se rencontrer
en marge des formations d’oxydes de fer. On rencontre fréquemment de la limonite litée, présentant
des couches plus riches en hématite ou en goethite, assurant une alternance de lits jaunes et rouges.
L’hématite et la goethite étant intimement liées lors de leur formation, on rencontre donc de
nom-breux sols colorés en rouge comportant une association d’hématite et de goethite. Alors que cette
dernière est jaune brun, le rouge de l’hématite est prévalent par son fort pouvoir colorant qui
dissi-mule la présence de goethite à l’appréciation visuelle. Mais la limonite peut avoir des couleurs très
variables, telles le brun rouge, le jaune, l’orange ou encore le brun noir. Elle se présente sous forme
de masses compactes et terreuses ou pulvérulentes. Elle se présente également en concrétions
sphé-riques (oolithes et pisolithes de fer), en encroûtements, rognons mamelonnés à la surface dure, noire
et luisante. Comme il s’agit d’une association de minéraux, la limonite constitue une roche et non
un minéral. Elle se forme par altération de minéraux de fer préexistants ou de roche sédimentaires,
notamment dans les marais. Le fer précipite autour d’un noyau et forme ainsi une oolithe ou une
pi-solithe. Attendu que ce terme désigne une roche, nous ne l’emploierons dans ce travail, que lorsqu’il
est mentionné par d’autres auteurs ou que nous avons été en mesure de reconnaître cette roche parmi
le matériel archéologique que nous avons étudié. Cependant, notons que de nombreux auteurs
dési-gnent les matières colorantes découvertes en contexte archéologique par ce terme, bien qu’aucune
investigation minéralogique ou pétrographique n’ait permis d’employer cette terminologie. Le terme
« limonite » pose donc les mêmes problèmes que le terme « ocre » : il ne donne pas une bonne
dé-finition de la nature des matières colorantes découvertes, ni même de la couleur des objets mis au jour.
Lamaghémite(γ-Fe2O3) est une phase instable d’oxyde de fer, ce qui explique sa rareté à l’état
naturel, notamment sous nos latitudes. De couleur brune, elle est pulvérulente et produit une poudre
brune. Sa structure en spinell, identique à celle de la magnétite, lui confère la propriété de
ferroma-gnétisme2. Le chauffage de la goethite, entre 300° C et 500° C, en présence de matière organique
permet la formation de maghémite. Ce phénomène se produit notamment, à l’état naturel, lors des
feux de forêt dans les régions tropicales. Ces incendies transforment des sols jaunes en sols rouges.
Lorsque la maghémite est découverte dans les régions tempérées, elle n’est présente qu’en surface,
en petite quantité et associée à des charbons de bois (Schwertmann & Cornell 2003, Groganet al.
2003, Nørnberget al. 2004).
Lamagnétite(γ-Fe3O4), du grec µαγνητης[magnètès] aimant, est un oxyde de fer dont le nom
provient de sa principale caractéristique, puisqu’elle constitue un aimant naturel. Elle est de
cou-leur gris métallique à noir. L’hématite peut se transformer progressivement en magnétite à partir de
1000° C. Elle apparaît souvent en masses compactes ou granulaires de couleur noire avec un reflet
métallique. Elle cristallise dans les roches magmatiques basiques et peut former des lits importants.
Dans les roches sédimentaires, la magnétite peut former des accumulations de grande ampleur dans
les sables alluvionnaires ou marins, où elle se concentre en raison de sa forte densité et de sa grande
stabilité structurale (Gautier 2008).
Lemanganèseest présent dans divers minerais : sous forme d’oxydes (pyrolusiteβ-MnO2,
hauss-mannite Mn3O4) ou d’oxyde hydraté (manganiteγ-MnOOH). Le manganèse est aussi présent dans
des oxydes ou des oxyhydroxydes mixtes contenant le plus souvent des ions baryum, comme
crypto-mélane, hollandite et romanéchite. Les oxydes et oxyhydroxydes de manganèse sont des minéraux,
généralement noirs, assez communs sur la terre. Les poudres obtenues à partir de nodules peuvent être
noir intense, brunes ou gris métallique. Quand ils sont bien cristallisés, ils sont très durs et d’aspect
métallique, comme la manganite et la pyrolusite. Mais les mêmes espèces minérales, mal cristallisées,
sont tendres, peu denses et extrêmement colorantes. Les oxydes et oxyhydroxydes de manganèse sont
des composés stables assez communs sur terre, présents sous des formes variées. Ces nombreux
néraux se différencient par leur composition chimique élémentaire et leur structure cristalline. Les
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Les matières colorantes au début du Paléolithique supérieur : sources, transformations et fonctions
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