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1.1 Le VIH-1 et le syndrome de l’immunodéficience acquise

1.1.8 Les glycoprotéines d’enveloppe virales

Les glycoprotéines d’enveloppe sont un déterminant majeur de l’infectivité et de la pathogénicité du VIH-1. En ce sens, elles sont responsables de l’interaction initiale de la particule virale avec la cellule cible et représentent le seul antigène viral présent à la surface des cellules infectées (351).

Les glycoprotéines gp120 et gp41 sont le fruit du clivage de gp160 (voir Figure 1.5), synthétisé à partir d’un ARNm mono-épissé codant aussi pour la protéine Vpu. Cet ARNm contient un peptide signal qui sera clivé post-traduction et sert à cibler le transport de la protéine en voie d’être traduite au RE (352). Sa traduction est caractérisée par un complexe processus de glycosylation et d’association à des chaperonnes cellulaires telles que BiP/GRP78, la calréticuline et la calnexine (353-355). Ces chaperonnes sont essentielles à l’adoption d’une structure tertiaire adéquate et à l’oligomérisation de gp160 en trimères. Ces derniers sont alors transportés jusqu’à l’appareil de Golgi où des protéases cellulaires de la famille des furines clivent le précurseur en ses deux formes distinctives gp120 et gp41 (42, 356, 357) au niveau d’un site consensus RX(K/R)R de la gp120 (358, 359). La gp120 demeure

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ensuite reliée à la portion transmembranaire gp41 via des interactions non-covalentes (360- 363).

La détermination de l’organisation structurelle du trimère d’Env natif constitue une épreuve qui demeure à être surmontée. En effet, bien que plusieurs études aient tiré profit d’un éventail de différentes techniques pour résoudre des portions de cette organisation, l’information disponible demeure à ce jour incomplète. De multiples défis se présentent aux scientifiques s’attaquant à la caractérisation de l’organisation structurelle d’Env : sa forte glycosylation, sa haute flexibilité, la propension de la gp120 de se détacher de la sous-unité gp41 et, finalement, le fait que la gp41 soit attachée à la membrane cellulaire ou virale. Les premières structures à avoir été résolues étaient basées sur des monomères de gp120 mutés souvent liés à des anticorps monoclonaux ou à CD4 afin de limiter leur flexibilité (364, 365). Celles-ci ont permis de mieux comprendre comment la gp120 interagit avec CD4, cache ses sites conservés d’interaction avec le récepteur et le corécepteur par la présence de boucles variables glycosylées au pourtour de ces sites conservés, créant ainsi un bouclier de glycans. Il est donc appréciable que l’épitope reconnu par plusieurs anticorps neutralisants ayant un large spectre d’activité comprend en partie certains glycans (366).

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Figure 1.5 La protéine d’enveloppe du VIH-1 : la gp160 et ses dérivées gp120 et gp41

Schéma illustrant l’organisation de la gp160 et de ses sous-produits gp120 et gp41. PF : peptide de fusion, HR1 : heptad repeat 1, HR2 : heptad repeat 2, MPER : membrane-proximal external region, TM : domaine transmembranaire, QC : queue cytoplasmique.

Néanmoins, ces constructions ne constituent pas l’organisation structurelle native du trimère d’Env et donc des efforts continuent d’être mis de l’avant afin d’obtenir cette structure. À cette fin, de récentes études ont publié une structure d’une construction trimèrique soluble (367, 368). Celle-ci présente une gp41 clivée au résidu 664 lui permettant ainsi de ne pas être ancrée à la membrane cellulaire. De plus, deux cystéines sont introduites en positions 501 (gp120) et 605 (gp41), ce qui permet la création d’un pont disulfure entre les deux résidus attachant par le fait même les deux sous-unités. Finalement, afin de favoriser l’association trimèrique de cette construction, une mutation dans HR1 gp41 (I559P) est utilisée (SOSIP). Bien que cette construction et les études structurelles l’employant donne un aperçu de l’organisation d’Env sous forme trimèrique et représentent un avancement majeur pour le domaine de recherche, il est possible que l’introduction d’une proline dans une hélice alpha de HR1 (I559P) affecte la conformation de la protéine, rendant ainsi questionnable l’importance biologique des structures résolues (369). Néanmoins, ces études permettent d’apprécier comment les régions variables V1, V2 et V3 sont situées à l’apex du trimère d’Env et semblent

participer au maintien du trimère. Plus de détails sur la structure du domaine interne de la gp120 sont donnés dans la deuxième section de ce chapitre.

30 1.1.8.1 Gp120

Au sein du trimère mature d’Env, la gp120 se retrouve attachée par des interactions non- covalente à la glycoprotéine transmembranaire gp41. Cette protéine de surface est caractérisée par une forte glycosylation facilitant le masquage des régions à potentiel antigénique (370, 371). La gp120 possède cinq régions variables (V1 à V5) intercalées au sein de cinq régions

conservées (C1 à C5) (voir Figure 1.5) (372). C’est dans ces régions conservées qu’on retrouve

des structures nommées « couches topologiques », qui sont essentielles à la transition de conformations d’Env engendrée par la liaison avec CD4 (362, 373, 374).

Le domaine interne, dont font partie les couches topologiques, est responsable de l’interaction et de l’association avec la gp41 (361, 362, 365, 375, 376). Les études structurelles de la gp120 en liaison avec CD4 ou divers anticorps ont démontré que ses N- et C-terminaux forment un domaine rapproché qui émane du domaine interne de la gp120 vers la membrane virale et la gp41 (376). Aussi trouvés dans le domaine interne sont deux domaines : 1) l’assemblage de feuillets β nommé le β-sandwich, qui semble également contribuer à l’association avec gp41 (361, 363); et 2) les trois boucles formant les couches topologiques mobiles (362). D’un point de vue antigénique, le domaine interne de la gp120 offre des épitopes hautement conservés (377). Néanmoins, la majorité des anticorps ciblant ce domaine sont caractérisés comme étant non-neutralisants, et il est suggéré que ces anticorps ne reconnaissent pas le trimère d’Env natif non lié à son récepteur car leur épitope se retrouve au sein du complexe trimèrique (voir chapitre 2). Les épitopes du domaine interne sont exposés lors de l’interaction avec le récepteur, mais le processus d’entrée virale semble être trop avancée pour permettre la neutralisation du virus par ce type d’anticorps (378). Ces anticorps, qui sont dits « induits par CD4 » (CD4i), reconnaissent aussi des épitopes précocement exposés après l’interaction avec CD4 mais avant le contact avec le corécepteur. Puisque ces anticorps ciblent une région formée de la région conservée C4 et des boucles variables V1 et

V2, responsables de la liaison avec le corécepteur, ils sont nommés co-receptor binding site

antibodies (58, 365). Quelques sites de vulnérabilité ciblés par des anticorps neutralisant un large spectre d’isolats viraux ont été identifiés sur le trimère d’Env natif, notamment le site de liaison à CD4 (379), le domaine V1/V2, les glycans de la boucle V3, ainsi que l’interface entre

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gp120 et gp41 (380). Le Tableau 1.1 donne un exemple de quelques anticorps neutralisants à large spectre pour chacune des catégories des sites de vulnérabilité d’Env.

Tableau 1.1

Exemples d’anticorps neutralisant à large spectre et le site de vulnaribilité qu’ils reconnaissent

Anticorps Spectre de neutralisation CI80 (µg / ml)

Site de liaison à CD4 (gp120) b12 33 % 2,70 VRC01 87 % 0,98 8ANC131 57 % 4,02 V1/V2 (gp120) PG9 70 % 0,31 PGT145 60 % 0,31 Glycans V3 (gp120) 2G12 18 % 4,85 PGT121 53 % 0,08 PGT135 56 % 0,11 MPER (gp41) 2F5 48 % 9,42 4E10 88 % 8,98 10E8 97 % 2,05 CI80 : Concentration inhibitrice 80 %

Adapté de Kwong, Mascola, Nabel. Nat Rev Immunol. Septembre 2013 (381)

1.1.8.2 Gp41

La gp41, portion transmembranaire de la protéine Env, est caractérisée par trois domaines : l’ectodomaine en N-terminal, le domaine transmembranaire et le domaine cytoplasmique.

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Tout d’abord, l’ectodomaine de gp41 contient les éléments constitutifs de la machinerie de fusion membranaire. Ceux-ci semblent être similaires à la protéine HA du virus influenza (66, 364, 382, 383) et il a été démontré que l’exposition du peptide de fusion ne peut s’effectuer en absence de la transmission d’un signal via gp120 de la liaison du récepteur CD4 (62). Tel que discuté dans la section 1.1.6.3 sur les traitements et approches cliniques, l’ectodomaine de gp41 est la cible du peptide antiviral T20 (384). De plus, l’ectodomaine de gp41 forme une région, nommée la région proximale à la membrane (MPER), qui est la cible d’anticorps neutralisants à large spectre (385).

Pour sa part, le domaine transmembranaire de gp41 comprend 21 résidus qui fixent Env à la membrane cellulaire (386). Bien qu’étant controversé suite à des études contradictoires (387), ce domaine pourrait avoir des implications dans le processus de fusion d’Env (388).

Finalement, le domaine cytoplasmique de gp41 est un long domaine de 150 résidus se retrouvant près de la membrane cytoplasmique interne. Tel que discuté dans la section 1.1.5.3, cette région, aussi appelée queue cytoplasmique, semble importante pour l’incorporation d’Env dans la particule virale. Fait intéressant, la longue queue cytoplasmique est un élément fréquent chez les lentivirus mais très peu répandu chez les rétrovirus, suggérant que celle-ci peut jouer un important rôle dans la réplication et le contrôle de la réponse immunitaire contre le virus (389). De plus, il est maintenant mieux apprécié comment la queue cytoplasmique permet à Env d’être internalisée de la surface cellulaire afin de limiter son exposition et sa reconnaissance par le système immunitaire (390, 391).