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Partie 1 : Gestion du parasitisme en élevage ovin

B) Actions de lutte contre le parasitisme centrées sur l’environnement

1) La gestion des pâtures

La gestion des pâtures en vue de leur assainissement repose sur trois stratégies développées dès 1976 par Michel et al. (131). Ces stratégies peuvent être qualifiées d’évasion (ou d’évitement), de prévention et de dilution.

La prévention repose sur l’utilisation de pâtures non-contaminées pour les animaux sensibles. L’évitement consiste en une mobilité des troupeaux de manière à éviter le maintien de ceux-ci sur des pâtures abondamment contaminées. La dilution se base sur une diminution du contact entre les animaux et les larves en évitant le surpâturage et en favorisant le pâturage multi- espèces (132).

a) Gestion de la densité de population : application du principe de dilution.

Il est bien connu qu’un lien existe entre le nombre d’animaux pâturant sur une surface herbagée et le risque parasitaire pour ces animaux. En effet, une forte densité d’animaux sur une pâture pousse les animaux à brouter l’herbe plus à ras et plus proche des bouses de leurs congénères augmentant le risque d’ingestion des larves L3 qui se trouvent sur les premiers centimètres des brins d’herbe et à une distance des bouses permise par leur capacité de migration. Ainsi Thamsborg et al. (1996) ont montré qu’une diminution du nombre d’ovins de 17,2 par hectare à 8,6 par hectare (soit deux fois moins) était associée avec une excrétion fécale d’œufs de nématodes dix fois moins élevée (133). Mahieu et al. (2013) ont montré que la diminution de l’excrétion fécale d’œufs n’était pas linéairement corrélée à la densité de population de la pâture mais qu’une densité plus élevée expliquait toujours une excrétion d’œufs significativement plus importante. Des effets sur la mortalité et la croissance ont également été mis en évidence dans cette même étude (134).

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b) Utilisation de « pâturages tournants » : application du principe d’évasion.

Les animaux s’infestent principalement à partir des larves L3 infestantes émergeant des œufs qu’ils ont eux-mêmes excrétés. Ainsi, déplacer les animaux de la pâture avant que les œufs d’Haemonchus contortus ne deviennent des larves infestantes permettrait de limiter l’infestation. Les animaux ne devraient alors retourner sur la pâture qu’après un temps excédant la durée de vie des L3.

Cependant, comme vu au I.C de la Partie 1, la survie des larves infestantes dans l’environnement dépend non seulement de l’espèce parasitaire mais également des conditions climatiques (26). De fait, l’efficacité de la rotation des pâtures est généralement plus importante dans les régions tropicales ou subtropicales où, si le développement de l’œuf en larve est plus rapide, la durée de vie des larves est inférieure (72, 132).

En régions tempérées, la gestion de la rotation des pâtures impose une charge de travail supérieure pour une efficacité limitée. Par ailleurs cette pratique entraîne un risque de propagation de la résistance aux helminthes par suppression du contact entre les parasites sensibles et les hôtes.

c) Utilisation de pâturages mixtes entre hôtes différents. i) Pâturage mixte entre espèces différentes

L’utilisation d’un pâturage commun pour des hôtes différents, le plus souvent des petits et des grands ruminants, peut permettre de réduire les risques d’infestation par les strongles du tube digestif par diminution de l’exposition de chacun des hôtes. Cela découle de la spécificité parasitaire des nématodes gastro-intestinaux pour un hôte donné.

En conséquence, lorsqu’un bovin ingère un strongle spécifique des petits ruminants, ce dernier va bien souvent se retrouver dans une impasse biologique. Cela va conduire à la mort de la larve ingérée et donc à une contamination subséquente moins importante de la pâture.

La chèvre et le mouton ne peuvent pas être considérés comme des hôtes différents au regard de l’infestation parasitaire car ils sont sujets aux infestations par les mêmes nématodes gastro- intestinaux.

Par ailleurs, certains nématodes gastro-intestinaux, notamment Haemonchus contortus (135), sont relativement ubiquistes et peuvent se développer à la fois chez les petits et les grands ruminants. Le pâturage mixte équidés/ruminants peut permettre de contourner l’ubiquité relative de ces parasites.

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Les deux hôtes du pâturage mixte peuvent évoluer sur la parcelle de manière simultanée ou en alternance (136). Dans le premier cas, on observe une dilution de l’infestation parasitaire par compétition sur l’ingestion des larves infestantes, dans le second, vient s’ajouter une période de « décontamination » de la prairie par absence de pâturage de l’espèce sensible au parasite. L’étude réalisée par Brito et al. en 2013 a montré une efficacité supérieure du pâturage mixte simultané par rapport au pâturage mixte alterné chez les ovins en termes d’excrétion fécale d’œufs de nématodes tandis que chez les bovins, aucune différence n’a été observée (137). Cela peut s’expliquer par la différence entre les niveaux d’ingestion des bovins et des ovins sur la pâture. Cette même étude a montré une diminution de l’occurrence d’Haemonchus contortus dans les cultures fécales des ovins en pâturage mixte par rapport au pâturage simple (137). Ces résultats peuvent être nuancés dans le cas où les différences de comportement alimentaire favorisent au contraire l’infestation, si les bovins consomment les herbes hautes et qu’à la suite de cela les ovins consomment l’herbe près du sol. Encore une fois, la densité de la pâture est à prendre en compte lors de pâturage mixte simultané (138).

ii) Pâturage mixte entre individus d’une même espèce

Lorsque les animaux sont confrontés aux parasites ils peuvent développer une immunité plus ou moins importante (cf IV.C.1.b de la Partie 1). De fait, les animaux plus âgés sont moins sensibles à l’infestation et excrètent généralement moins d’œufs que les plus jeunes. La consommation d’une même pâture par des animaux immunisés et naïfs ou présentant une diminution d’immunité liée par exemple à la fin de gestation ou à la lactation peut permettre une moindre infestation de ces derniers bien que les résultats soient moins probants que lors du pâturage mixte multi-espèces (138).