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Partie 1 : Gestion du parasitisme en élevage ovin

D) Diagnostic de l’haemonchose ovine

3) Diagnostic de laboratoire

a) La coproscopie

En l’absence de mortalité et d’examen nécropsique, des techniques de laboratoire réalisées sur animaux vivants peuvent être réalisées. Parmi celles-ci, la coproscopie est de loin l’examen le plus effectué en pratique courante pour caractériser l’infestation des animaux ou, indirectement, l’infestation des pâtures.

Plusieurs méthodes de coproscopie existent mais la plupart sont des variations de la procédure de McMaster qui consiste en la quantification des œufs sur une lame de McMaster après flottation dans une solution de densité supérieure à celle de l’eau comme de l’iodo-mercurate de potassium, du sulfate de magnésium (59) ou une solution sursaturée en chlorure de sodium (NaCl) (60). Les méthodes par flottation sont particulièrement adaptées aux œufs de nématodes ou de cestodes, pour les œufs de trématodes des méthodes par sédimentation peuvent être utilisées.

Les techniques de flottation présentent l’avantage d’être assez simples d’utilisation et relativement peu onéreuses (59). Toutefois, la réalisation d’une coproscopie par animal dans un élevage peut représenter un obstacle financier certain. Choisir quelques animaux au hasard dans l’élevage en espérant qu’ils soient représentatifs de l’ensemble est extrêmement risqué. En effet, cela reviendrait à considérer que tous les animaux sont susceptibles de s’infester de la même manière et qu’une même charge infestante sera responsable d’une même production d’œufs. Or, d’une part, la répartition des larves sur le pâturage n’est pas forcément homogène, d’autre part les animaux n’ont pas nécessairement le même « anneau de répugnance » et donc pas les mêmes risques d’ingérer des larves infestantes. De plus, au sein même d’expérimentations contrôlées avec un nombre précis et égal de larves ingérées, tous les animaux n’auront pas la même excrétion fécale d’œufs. La répartition des strongles gastro-intestinaux est dite « sur-

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dispersée », cela signifie que la majorité des animaux est relativement peu infestée par rapport à quelques animaux portant l’essentiel du fardeau parasitaire (61, 62). La répartition des comptages d’œufs et des charges parasitaires suivent alors une distribution log-normale ou une distribution gamma (63, 64) dont la fonction de densité est représentée par une cloche asymétrique de pente plus forte sur la gauche et plus évasée sur la droite (Figure 10).

De fait, plutôt qu’un échantillonnage aléatoire, les pratiques courantes privilégient une coproscopie de mélange à partir de 10 à 15 animaux. La représentativité de la coproscopie de mélange réalisée à partir des fèces de 15 animaux a été validée par Bonnefont et Canellas (2014) à l’aide du protocole présenté en figure 11 (60).

Nombre de vers adultes

Œufs pa

r

gr

amm

e

Figure 10 : Représentation de l'excrétion fécale d'oeufs de nématode en fonction de la charge parasitaire. D'après Bischop et Stear (2000) (63).

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Les œufs de nématodes, de forme oblongue, sont difficiles à discriminer les uns par rapport aux autres. Seuls les œufs de Nematodirus spp se distinguent par leur grande taille : 200 µm / 80 µm soit deux fois plus long et large que les œufs des autres nématodes (Figure 11) (65). De ce fait, la coproscopie par enrichissement, que ce soit par flottation ou sédimentation, permet une analyse quantitative des œufs de strongles excrétés dans les fèces mais pas une caractérisation des genres et espèces présents dans l’élevage. Cependant, du fait de la prolificité d’Haemonchus contortus et des signes de diarrhée associés aux autres nématodoses, en cas d’infestation importante, un comptage d’œufs dans les matières fécales élevé sans diarrhée associée peut être un signe d’appel pour intégrer l’haemonchose dans un diagnostic différentiel.

Figure 11 : Méthode de coproscopie de mélange pour la détermination de l'excrétion fécale d'œufs d'un troupeau. Bonnefont et Canellas (2014) (60).

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Cette différence de prolificité entre les différentes espèces de nématodes rend l’interprétation des comptages d’œufs dans les matières fécales correctible. Ainsi dans une étude de 1998, Cabaret et al. ont montré une association assez forte (r=0,62) entre l’excrétion fécale d’œufs et la charge parasitaire de l’animal évaluée par nécropsie, les deux variables ayant été log- transformées au préalable (Figure 13), mais cette association devenait vraiment très importante (r=0,8) lorsque le pourcentage d’Haemonchus contortus parmi les strongles gastro-intestinaux était pris en compte (35). Ce résultat est confirmé par les études de Rinaldi et al. (2009) et González-Garduño et al. (2013) montrant que dans les infestations mixtes, les meilleurs coefficients de Pearson sont toujours ceux associés à Haemonchus contortus (66, 67).

A B

Figure 12: Morphologie des œufs de strongles digestifs : (A) Morphologie courante des œufs de trichostrongles , (B) Morphologie des œufs de Nematodirus spp.

Figure 13 : Corrélation entre l'excrétion fécale d'œufs et la charge parasitaire mise en évidence par la méta-analyse de Cabaret et al. (1998).

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La coproscopie de mélange est de fait un examen particulièrement approprié à l’estimation de l’état d’infestation par Haemonchus contortus bien qu’elle ne donne un reflet que de la population adulte et reproductrice des nématodes.

b) La coproculture

La coproculture, ou culture larvaire, consiste à incuber les matières fécales d’un animal ou d’un ensemble d’animaux dans un milieu propice à l’éclosion des œufs de strongles gastro- intestinaux et au développement des individus jusqu’au stade de larves infestantes L3, récupérées à l’aide d’un appareil de Baermann. Ces larves, contrairement aux œufs, seront identifiables au microscope en fonction de critères morphologiques et morphométriques (longueur de la queue, forme de la tête, caractère réfringent du corps) (68) par des helminthologues qualifiés.

La coproculture fournit des informations sur les œufs qui étaient présents dans les matières fécales du ou des animaux mais ne renseigne pas parfaitement sur la proportion des espèces composant le fardeau parasitaire du fait de la différence de fécondité des différentes espèces, en particulier de la fécondité importante d’Haemonchus contortus. Par ailleurs, les conditions de culture peuvent être plus ou moins favorables à une espèce et biaiser les résultats obtenus (26, 33).

La coproculture est réalisée dans des laboratoires spécialisés et est assez peu utilisée en pratique, ne serait-ce qu’en raison du temps nécessaire au développement des larves.

c) Les méthodes immunologiques

Les méthodes immunologiques directes consistent en la détection d’un antigène parasitaire dans le sang ou les fèces de l’hôte. Cependant, certains motifs antigéniques peuvent être partagés par différents parasites ou différer entre les stades larvaire, immature et adulte rendant ces méthodes peu fiables (69).

De la même manière, les méthodes immunologiques indirectes reposent sur la détection d’un anticorps produit par l’hôte contre l’agent pathogène par hémagglutination indirecte, immunofluorescence ou ELISA mais présentent l’inconvénient de ne pas permettre l’estimation de la charge parasitaire ni même de différencier une infestation passée d’une infestation en cours (33).

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d) Les méthodes biochimiques

Outre la mesure de l’hématocrite qui permet de caractériser l’anémie des animaux lors d’infestations à Haemonchus contortus, le dosage du pepsinogène ou de la gastrine dans le sang de ceux-ci peut renseigner l’expérimentateur sur l’état d’altération de la muqueuse abomasale. En effet, Berghen et al. (1993) ont proposé l’hypothèse que la présence de strongles gastro- intestinaux dans la caillette pourrait stimuler les cellules G responsables de la synthèse de gastrine qui stimule la synthèse de pepsinogène et la sécrétion d’acides par les cellules pariétales. Les cellules pariétales étant abîmées par les parasites, la sécrétion d’acide ne pourrait pas se faire correctement, résultant en une hausse du pH de la caillette aboutissant à une diminution du clivage acide du pepsinogène en pepsine. Le pepsinogène en excès, pénétrant la circulation sanguine à la faveur des brèches créées par les parasites pendant leur repas serait alors détectable par prélèvement sanguin.

Cette méthode, bien que séduisante, est qualifiée par les auteurs mêmes de l’étude comme trop peu spécifique pour pouvoir être utilisée en pratique (70).

e) Les méthodes moléculaires

Dans les dernières années, des méthodes de biologie moléculaire comme la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) ont été utilisées pour l’identification de parasites et le diagnostic de certaines parasitoses, notamment de l’haemonchose à partir de matières fécales ou de coprocultures (71). Ces méthodes restent relativement onéreuses et ne sont pas exemptes de biais ou de problèmes, notamment la présence d’inhibiteurs de PCR dans les fèces. Cependant elles semblent prometteuses et devraient prendre plus d’importance dans les années à venir.

De la même manière, des méthodes de métagénomique ou de pyroséquençage ont été développées afin d’identifier les œufs de nématodes (71).

À ce jour, le comptage d’œufs dans les matières fécales reste le meilleur indicateur quantitatif et le diagnostic nécropsique le meilleur moyen d’identifier les parasites en pratique courante.

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IV) Lutte contre les strongles gastro-intestinaux : emphase sur Haemonchus