• Aucun résultat trouvé

un point fort pour la gestion des déchets nucléaires

Dans le document Conditionnement des déchets nucléaires (Page 130-132)

L

es déchets nucléaires sont souvent présentés par les

médias et vus par le public comme un problème non résolu qui hypothèquerait gravement l’avenir de cette source d’én- ergie.

Pourtant, cette industrie a été la première à se préoccuper de l’avenir de ses déchets et à mettre en œuvre des solutions techniques éprouvées.

Depuis le printemps 1957, où les premiers verres de confine- ment étaient élaborés à Saclay, jusqu’aux recherches les plus avancées réalisées actuellement à Marcoule sur l’incinéra- tion/vitrification assistée par plasma, le CEA est riche d’une longue tradition de recherche dans le domaine du condition- nement des déchets nucléaires. Cette politique de recherche a permis d’améliorer en permanence la pratique industrielle de traitement-recyclage choisie par la France dès son premier programme électronucléaire.

Aujourd’hui, la France possède une industrie mature pour le conditionnement de ses déchets nucléaires, adossée à une forte recherche à la fois de base et technologique. La recherche de base a permis une bonne compréhension des mécanismes physico-chimiques mis en jeu lors de l’élabora- tion ou du vieillissement des matrices. Sur cette base de con- naissance a été développée une véritable science du com- portement à long terme des matériaux sur laquelle peut s’appuyer la démonstration de sûreté pour chaque type de colis. La recherche technologique, de son côté, garantit le bon fonctionnement des installations, l’amélioration continue des procédés et leur adaptation aux problèmes nouveaux. Des conditionnements adaptés existent pour tous les déchets actuels :

• les solutions de produits de fission et d’actinides mineurs, qui présentent de loin la plus forte radiotoxicité, sont vitrifiées. Depuis 1978, des ateliers industriels de vitrification fonction- nent de manière quasi continue, démontrant la fiabilité de la technologie. La qualité des verres obtenus est aussi large- ment démontrée. Notons, par exemple que le verre dit « R7T7 » développé pour confiner les produits de fission issus du traitement des combustibles des réacteurs à « eau légère » est devenu une référence mondiale en la matière. Il y a probablement plus d’articles scientifiques dans des revues internationales sur l’altération de ce verre que sur aucun autre verre industriel (verre à vitre, Pyrex…) ;

• les déchets de structure des assemblages de combustibles usés sont compactés et introduits dans des conteneurs en acier identiques à ceux utilisés pour couler les verres. L’impact de ces déchets compactés sur l’activité éventuellement relâchée par un stockage géologique reste négligeable ; • les déchets technologiques liés à l’exploitation des installa-

tions nucléaires sont, pour la plupart, cimentés. La majorité de ces colis de béton sont des déchets de faible et moyenne activité à vie courte qui sont stockés de façon définitive au centre de stockage de l’Aube, à Soulaines. Une large gamme de liants hydrauliques a été développée pour s’adapter à la diversité de ces déchets, solides ou liquides. Ces colis de béton sont bien caractérisés, et une connaissance suffisante de leurs mécanismes d’altération permet de garantir les per- formances de confinement requises.

Un travail important est en cours pour reprendre les déchets anciens.

La majeure partie de ces déchets se trouve sur Marcoule, site qui a été le berceau de l’industrie nucléaire française. Si cer- tains confinements, réalisés il y a plus de quarante ans, peu- vent paraître à juste titre obsolètes aujourd’hui (déchets en vrac dans des fosses, fûts en acier noir corrodés, etc.) il faut se rendre compte qu’ils étaient performants pour l’époque (bon nombre de pays mettaient alors leurs déchets tech- nologiques en mer…) et ont bien rempli leur fonction de con- finement jusqu’à ce jour. Deux fonds dédiés, l’un civil l’autre militaire, permettent de garantir le financement des opérations de re-conditionnement de ces déchets, jusqu’à ce que tous aient rejoints les filières actuelles.

De plus, la recherche de fond entreprise par le CEA dans le domaine du traitement recyclage des combustibles usés et du conditionnement des déchets ouvre de larges perspectives de progrès qui permettront, si besoin est, de diminuer encore la fraction de déchets ultimes et d’améliorer la sûreté de leur con- finement.

Cette recherche de base n’a pas fait l’économie d’étudier des solutions alternatives telles que le stockage direct des com- bustibles usés ou le conditionnement spécifique des actinides séparés. C’est donc en toute connaissance de cause que la France a pu choisir un recyclage optimal des combustibles usés et la vitrification des résidus ultimes après séparation des matières valorisables.

Cette large base de connaissance, qui va de l’atome au pro- totype industriel échelle 1, permet aussi d’aborder avec une vision globale le problème des déchets nucléaires du futur. Contrairement aux parcs de réacteurs de génération I et II, où la gestion des déchets a dû s’adapter aux combustibles pro- duits, les réacteurs de génération IV prendront en compte, dès leur conception, la minimisation des déchets ultimes et l’opti- misation de leur conditionnement.

Le conditionnement des déchets n’est qu’un maillon dans la chaîne de la gestion des déchets, depuis leur production jusqu’à leur destination finale : les procédés de cimentation des déchets de moyenne activité, de compactage des coques et de vitrification des solutions d’actinides mineurs et de pro- duits de fission, sont souples, simples et faciles à mettre en œuvre. Les deux premiers maillons de la chaîne : traitement des combustibles usés et conditionnement des déchets, mis en œuvre conjointement à l’usine de La Hague, se « marient » donc assez harmonieusement. Une fois conditionnés sous forme de colis, il reste encore à savoir quoi faire desdits colis. Grâce à leur excellente stabilité chimique, et à leur forme com- pacte et robuste, les conditionnements actuels (ciments, déchets métalliques compactés, verres), se prêtent bien soit à leur stockage en surface pour les colis de déchets à vie courte, soit à un entreposage temporaire puis à un stockage en couche géologique profonde, solution de référence retenue par la loi du 28 juin 2006 pour les colis de déchets à vie longue. La cohérence d’ensemble entre les maillons de la chaîne de gestion des déchets mérite d’être soulignée.

Précisons que ces conditionnements « high-tech », dévelop-

pés et optimisés pour chaque catégorie de déchets, sont aujourd’hui disponibles à un coût abordable pour la société ; ce coût est pris en compte dans le prix du kWh et provisionné par EDF.

Enfin, toutes les études nationales et internationales démon- trent qu’avec des traitements adaptés, l’impact environnemen- tal des déchets nucléaires restera négligeable, y compris à long terme.

Aujourd’hui, même si la majorité de l’opinion publique pense le contraire, on peut donc conclure : « Les déchets nucléaires, on sait quoi en faire ! »

Au moment où une reprise mondiale du nucléaire semble inéluctable, compte tenu des besoins énergétiques de la planète et de la nécessaire limitation de la part des énergies fossiles, le rôle de leader de la France dans le domaine du conditionnement des déchets nucléaires est un atout fort qu’il conviendra de valoriser non seulement sur le plan industriel international, mais aussi en termes d’acceptation sociale, en montrant au public qu’on peut être exemplaire dans la gestion des déchets nucléaires. Puisse cet ouvrage y contribuer !

Étienne VERNAZ,

Département d’études du traitement et du conditionnement des déchets

Dans le document Conditionnement des déchets nucléaires (Page 130-132)