• Aucun résultat trouvé

I Généralités sur les métallylènes

II.4 Germylènes N-hétérocycliques

II.4.1

Germylènes N-hétérocycliques isolés

La substitution du germanium par deux groupements π-donneurs amines permet la stabilisation du germylène par donation électronique des substituants dans l’orbitale vacante du germanium. Ainsi le diaminogermylène Ge[N(SiMe)3]2 est parfaitement stable à température ambiante et a été

isolé pour la première fois par Lappert en 1974.72 La chimie des germylènes N-hétérocycliques NHGe s’est ensuite développée grâce à la grande stabilité de ces composés.73,74

Le premier germylène de type NHGe 15 à 4 chaînons fut synthétisé par Veith en 1982, en utilisant un ligand diaminosilane (Figure 23).75 Ce NHGe est pourtant resté inaperçu, de même que les premiers diazagerma(II)cyclopentanes 16 et le 1,3-bis(triméthylsilyl)-1,3-diaza-2-germa(II)indane

17 caractérisés par Meller (Figure 23).76,77 Les germylènes 15 et 16 n’ayant pas pu être cristallisés, un doute demeure sur leur structure réelle à l’état solide (probablement dimère ou oligomère). Cependant, l’analyse par diffraction des rayons X du germylène 17 a confirmé sa structure monomérique avec un cycle à 5 chaînons plan, ce qui démontre bien la délocalisation de la paire libre des groupements amines vers le centre germanié divalent.

Figure 23 : NHGe isolés par Veith et Meller

Suite à la publication par Arduengo du premier carbène N-hétérocyclique, cette thématique connut un regain d’intérêt et Herrmann prépara les analogues germaniés 18, saturé ou insaturé, portant des groupements tert-butyles sur les atomes d’azote (Figure 24).33 Ces deux NHGe ont été caractérisés structurellement et se sont révélés de bons précurseurs pour le dépôt de germanium atomique par dépôt chimique en phase vapeur (CVD).33,78

D’autres NHGe avec un cycle à 5 chaînons ont depuis été caractérisés, comme par exemple un NHGe non symétrique 19 portant un cycle pyridine isolé par Heinicke, ou des bis-germylènes 20 développés par Hahn.79,80 Des germylènes NHGe à 6 ou 7 chaînons (21 et 22) ont aussi été synthétisés, ainsi que des germylènes avec des cycles GNSiN et GeNSiSiN (23).81–84

II.4.2

Réactivité

Les calculs théoriques ont montré que l’écart singulet/triplet ΔES/T est beaucoup plus important pour les germylènes N-hétérocycliques que pour les diaryl- et dialkylgermylènes.

composé

ΔES/T (kcal.mol-1) 21,42 54,67 59,15

EHO (eV) -5,96 -6,73 -5,23

EBV (eV) -2,53 -1,10 -1,08

Tableau 3 : Ecart énergétique ΔES/T calculé pour plusieurs germylènes

On voit dans le Tableau 3 que la substitution des méthyles par des amines augmente l’écart singulet/triplet de 33,25 kcal.mol-1.27 Ceci s’explique par une forte stabilisation de l’orbitale vacante 4p par π-donation des atomes d’azote, ce qui augmente fortement le niveau énergétique de l’orbitale BV, et donc diminue considérablement le caractère électrophile des NHGe. Ils réagissent comme des nucléophiles plutôt que comme des ambiphiles. Ainsi, aucune réactivité des germylènes N-hétérocycliques avec des molécules telles que l’éthylène, H2, CO, CO2 n’a été publiée.

Figure 25 : Réactivité des germylènes N-hétérocycliques 15, 16 et 17 avec des azotures

Le germylène 16 (R = Me) réagit avec un azoture pour générer la germaimine transitoire qui dimérise pour donner l’hétérocycle GeNGeN à 4 chaînons (Figure 25).77 Dans le cas du germylène 17 plus encombré, la germaimine formée est piégée par un second équivalent d’azoture via une cyclo- addition [2+3] pour donner un cycle tétraazagermole.77 Dans le cas du germylène 15, les deux types de réactivités sont observés en fonction de la température de réaction.85 Ainsi, la réaction avec

l’azoture à basse température conduit exclusivement au dimère de la germaimine, alors que les deux réactions, dimérisation et cyclo-addition [3+2] avec l’azoture, ont été observées à 80 °C (Figure 25).

Le germylène 15, avec un cycle à 4 chaînons, présente quelques réactivités classiques de germylènes, même s’il reste moins réactif que les diaryl- et dialkylgermylènes : insertion dans des liaisons-σ activées (P-Cl),86 cyclo-addition [4+1] avec des diènes, des α,β-dicétones, des α,β-diimines et des di-allènes (Figure 26).87

Figure 26 : Réactivité du germylène 15

Le germylène NHGe 22 avec un cycle à 7 chaînons, présente une géométrie non planaire.83 À cause de la torsion du cycle, la π-donation des atomes d’azote dans l’orbitale vacante 4p du germanium est moins efficace, et le caractère ambiphile du germylène se trouve donc augmenté par rapport aux NHGe à 5 chaînons. En effet, il a été postulé que le germylène 22 réagit avec le benzaldéhyde par attaque électrophile du germylène sur le benzaldéhyde pour former un intermédiaire zwitterionique (Figure 27).83 Cet intermédiaire hautement réactif réagit ensuite par cyclo-addition avec un deuxième équivalent de benzaldéhyde pour donner un hétérocycle à 5 chaînons. Il s’agit formellement de la première cyclo-addition [2+2+1] décrite pour un germylène. Le deuxième équivalent d’aldéhyde peut être remplacé par le tert-butylisonitrile. Dans ce cas, la réaction conduit à un hétérocycle à 4 chaînons GeOCC.

Avec les germylènes NHGe insaturés, des réactions impliquant l’insaturation du cycle ont également été décrites. Ainsi, le germylène 18 (R = Dipp) réagit avec le cation oxonium H(Et2O)2+ par addition du proton sur un carbone du cycle pour former le cation germanié dicoordonné (Figure 28).88 Le germylène 21 se comporte formellement comme un dipôle-1,4 avec NH3 et H2O via la protonation de l’hétérocycle suivie de l’addition de NH2 ou OH sur le germanium (Figure 28).81,89

Figure 28 : Réactivité avec implication du squelette du germylène

Vu le développement important des carbènes N-hétérocycliques comme ligand pour les métaux de transition, le potentiel des germylènes NHGe comme ligand a également été envisagé. Cependant, la paire libre et l’orbitale vacante des germylènes sont plus basses en énergie que celles des NHCs. Par rapport aux NHCs équivalents, les germylènes NHGe sont des σ-donneurs plus faibles, mais des π-accepteurs plus forts. Des complexes de nickel Ni(NHGe)x(CO)4-x et de molybdène Mo(NHGe)x(CO)6-x ont été synthétisés.33,80,90,91 Cependant, les NHGe sont de mauvais ligands pour des métaux faiblement π-donneurs. En effet, les essais de complexation avec PdCl2(COD), PdCl2(NCMe) et [RhCl(COD)]2 ont été infructueux, seule la dégradation du germylène étant observée.91

Documents relatifs