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I Généralités sur les métallylènes

II.5 Germylènes stabilisés par coordination intramoléculaire

II.5.1 Alkyl et arylgermylènes

Le premier dialkylgermylène 24 stabilisé par une coordination intramoléculaire de ligands a été isolé par Meller en 1997 (Figure 30). L’addition de deux équivalents de (2- pyridil)bis(triméthylsilyl)méthyllithium sur GeCl2.dioxane, permet d’obtenir le germylène 24.92 Le germylène est stabilisé par la coordination intramoléculaire des deux pyridines. Le germanium présente alors une géométrie balançoire (seesaw) distordue. La coordination des pyridines est axiale et la paire libre est dans le plan équatorial. Un exemple similaire a été isolé par Leung peu de temps après, en remplaçant un groupe triméthylsilyle par un phényle.93

Figure 30 : Dialkylgermylène stabilisé par coordination intramoléculaire de deux pyridines

Une seule réaction est décrite pour le germylène 24. L’oxydation par un chalcogène (S8, Se ou Te) permet d’obtenir les équivalents lourds de cétones, avec une liaison double Ge=Ch (Ch = S, Se, Te), le germanium ayant alors une géométrie bipyramide trigonale distordue (Figure 30).92

Le premier diarylgermylène 25 complexé intramoléculairement par une base de Lewis a été isolé par Lappert la même année, en utilisant le 2,6-bis(diméthylamino)benzène comme substituant (Figure 31).94 Un seul ligand de type amine de chaque substituant se coordonne au germanium, mais l’échange est rapide entre deux fonctions amines d’un même substituant, un seul signal étant observé en RMN pour les quatres groupes amines. Le germylène est donc tétra-coordonné.

Pour stabiliser les germylènes, la coordination d’un seul groupement amine semble être suffisante, car si la géométrie n’est pas contrainte, le germylène préfère être seulement tri- coordonné. En effet, lorsqu’on ajoute de la flexibilité dans le système de ligand, en introduisant un méthylène entre le groupement amine et le phényle, comme dans les germylènes 26 et 27, on observe à l’état solide un centre Ge(II) coordonné par un seul groupe amine (Figure 31).95,96 Cependant, l’échange entre les deux ligands est rapide en solution, un seul signal étant observé en RMN. Le remplacement du groupe amine par un groupe tert-butoxy ne modifie pas le mode de coordination, un seul bras étant coordonné au germanium.97

Par contre, en bloquant la géométrie, il est possible de forcer la tétra-coordination. Ainsi, le germylène 28 possédant un système de ligand rigide avec deux groupements alcoxy attachés sur le naphtalène montre une structure tétra-coordonnée (Figure 31).98

La réactivité de ces germylènes a été peu étudiée. Seule la substitution du chlore par un nucléophile anionique (LiR, NaN3, LiN(SiMe3)2, K[Fe(CO)2Cp*], LiOR ; R= groupe alkyle, aryle, alcyle…) a été explorée.95,99,100 Le groupe de Jutzi a montré que le germylène obtenu par substitution nucléophile sur le chlorogermylène 26, se comporte comme un nucléophile. Ainsi, il réagit avec MeI pour conduire au cation germanié stabilisé par un ligand amine (Figure 32).

Figure 32 : Réactivité du germylène 26

Le germylène homoleptique 25 réagit également comme une base de Lewis, formant un adduit avec BH3 (Figure 33).101 De plus, malgré la forte stabilisation par deux groupements amines, le germylène 25 conserve une réactivité de germylène libre. En effet, il réagit avec SiCl4 par insertion oxydante dans une liaison-σ Si-Cl pour former un chlorogermane (Figure 33).102 Cet exemple montre la souplesse offerte par la stabilisation par des ligands L, les ligands se coordonnant ou pas selon les besoins.

II.5.2

Alcoxygermylènes

Les alcoxygermylènes avec le ligand acétylacétonate (acac), Ge(acac)X (X = Cl, I) et Ge(acac)2, ont été développés par Stobart dès les années 1970 et sont stables et isolables.103 Particulièrement, le germylène Ge(acac)I a été caractérisé par analyse de diffraction des rayons X.104 La structure montre que le germanium est tri-coordonné et fortement pyramidalisé. Cependant, aucune réaction de ces germylènes n’a été publiée.

Plusieurs alcoxygermylènes stabilisés par des ligands de type amine ont également été développés. Des ligands formant des cycles à 5 ou 6 chaînons ont été mis au point dans les groupes de Barrau, Zemlyansky et Driess (Figure 34).105–109 Dans ces trois cas, les versions homoleptiques L2Ge

30 et 32 et hétéroleptiques LGeCl 29 et 31 ont pu être isolées. Là encore, aucune réactivité de ces

germylènes n’a été publiée.

Figure 34 : Alcoxygermylènes stabilisés par coordination d'amine

II.5.3

Aminogermylènes

Ligands de type éther

Un seul exemple d’aminogermylène avec un bras éther coordonnant a été publié. Le groupe de Veith a fait réagir deux équivalents de LiN[Si(Me)2OtBu]2 avec GeCl2.dioxane pour synthétiser un diaminogermylène 33 stabilisé par la coordination de deux ligands oxygènes (Figure 35).110 L’utilisation d’un seul équivalent d’amine lithiée conduit au chlorogermylène 34 correspondant qui n’est cependant pas stable à température ambiante et se décompose progressivement en dimère [ClGe(OtBu)]2 34’.

Figure 35 : Germylènes isolés par Veith

La substitution du chlore par une fonction azoture conduit au germylène 35 substitué par N3, en équilibre avec son dimère en solution (Figure 36).110 L’ajout de triméthylsilylazoture sur 35 permet de synthétiser une germaimine transitoire qui dimérise pour donner l’hétérocyle à 4 chaînons 36.

Figure 36 : Réactivité du germylène 34

Ligands amidinates et guanidinates

Plusieurs germylènes avec des ligands amidinates et guanidinates, ligands bidentés-(N,N) ont été préparés. Formellement, ces ligands forment une liaison covalente (fonction amine) et une liaison de coordination (fonction imine) avec le germanium(II).

Ainsi, l’anion amidinate ou guanidinate réagit avec un équivalent du précurseur GeCl2.dioxane pour former le chlorogermylène tri-coordonné 37 (Figure 37).36,111–113 Si deux équivalents de lithien sont utilisés, le germylène disubstitué 38 est obtenu. En fonction de l’encombrement stérique, on obtient soit le germylène tétra-coordonné 38a, soit le germylène tri-coordonné 38b, une fonction imine ne se coordonnant pas (Figure 37).36,112,114,115

Figure 37 : Germylènes avec ligands amidinate et guanidinate

Avec l’amidinate [Me3SiNC(tBu)NSiMe3]-, le groupe de Richeson a eu la surprise d’isoler le germylène [Me3SiNC(tBu)NSiMe3]Ge[N(SiMe3)2] 39, dont la formation s’explique par la dégradation d’une partie du lithien amidinate en deux fragments LiHMDS et tBuCN (Figure 38).116 Le LiHMDS ainsi formé réagit avec le chlorogermylène transitoire [Me3SiNC(tBu)NSiMe3]GeCl pour donner le germylène 39 obtenu.

Figure 38 : Réaction avec réarrangement d'un ligand amidinate

Dans le cas du chlorogermylène 37 (Figure 39), plusieurs réactions de substitution du chlore par des nucléophiles ont été décrites. La réactivité en tant que base de Lewis a aussi été confirmé par

coordination du germylène sur W(CO)5. De plus, la réaction de chalcogénisation du germylène 38 a permis d’isoler des équivalents lourds de cétones tétra-coordonnés (Figure 40).

Figure 39 : Réactivité du germylène 37

Figure 40 : Réactivité du germylène 38

La réduction du chlorogermylène 37 conduit à la formation d’un bis-germylène LGeGeL 40 (Figure 41).111,113 Les deux atomes de germanium sont connectés par une liaison simple, ne présentant pas de caractère de liaison-π.

Figure 41 : Synthèse d’un bis-germylène

Ligands aminotroponiminates

Le germylène 41 avec le ligand aminotroponiminate bidenté présente un système-π à 10 électrons fortement délocalisés. En effet, la paire libre du germylène ne participe pas à la délocalisation car elle n’est pas parallèle aux orbitales p du système-π conjugué, à cause de la forte pyramidalisation du centre germanié tri-coordonné. Par contre, l’orbitale vacante du germanium participe au système aromatique. Plusieurs exemples sont décrits, notamment des dérivés azido ou alcynyles des germylènes.117–120

Figure 42 : Germylènes aminotroponiminates

L’abstraction du chlore par un sel d’argent ou un complexe de zirconium a permis la synthèse du cation germanié 42 correspondant. Cependant, la structure établie par diffraction des rayons X montre qu’il existe une interaction entre le germanium et l’anion correspondant (Figure 43).117

Figure 43 : Synthèse du cation germanié et structure RX montrant l'interaction avec l’anion (structure issue de la référence 117)

Ligands β-dicétiminates

Plus récemment, un nouveau ligand, le β-dicétiminate, a été utilisé presque simultanément par les groupes de Dias, Roesky et Barrau pour synthétiser les chlorogermylènes 43 (Figure 44).121–123 De nombreuses réactions de substitution du chlore par un nucléophile ont été publiées.74 L’oxydation par du soufre ou du sélénium a permis d’isoler les chlorures de germathioacyle et de germasélénoacyle correspondants (Figure 44).123

Figure 44 : Synthèse du germylène β-dicétiminate 43

L’utilisation du modèle β-dicétiminate avec des substituants très encombrés sur l’azote, comme le diisopropylphényle (Dipp), a permis d’isoler les premiers hydrures de germanium divalent, d’abord

stabilisé par BH3 comme acide de Lewis (44), puis natif (45) (Figure 45).124,125 L’hydrure de germylène

45 présente une réactivité très intéressante, notamment vis-à-vis de petites molécules.126 Cette réactivité sera détaillée dans le chapitre 3.

Figure 45 : Synthèse d'hydrures de germanium divalents

Le cation germanié 46 stabilisé par le β-dicétiminate a pu être isolé par réaction du chlorogermylène avec B(C6F5)3 en présence de H2O ou avec NaBPh4 (Figure 46).123,127 La structure par diffraction des rayons X montre que le cycle GeNC3N devient alors plan et aucune interaction avec le contre-anion n’est observée.

Figure 46 : Synthèse du cation germanié 46

Le chloro(amino)germylène 43 portant un groupe phényle sur l’atome d’azote réagit avec l’amidure de lithium LiN(SiMe3)2 par simple substitution sur le Ge-Cl, comme d’autres exemples de chlorogermylènes préalablement présentés (Figure 47).123 Par contre, dans le cas du germylène 43 avec des substituants plus encombrés (R = Dipp), il n’y a pas de substitution nucléophile, mais élimination de HCl, déclenchée par la déprotonation d’un groupement méthyle du ligand, pour donner un diaminogermylène 47 avec une structure hétérofulvène (Figure 47).128

Figure 47 : Action de LiN(SiMe3)2 sur le chlorogermylène

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