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Voltaire pensait que des auteurs pouvaient transporter l’épisode de la galanterie aussi bien dans la comédie que dans la tragédie. Cependant, si nous examinons sa définition de ces deux genres, nous nous apercevons qu’il croyait que cette intrigue était plus convenable à la comédie qu’à la tragédie. Il maintiendra cette assertion. Pour constater les raisons qu’il donne, nous examinerons d’abord sa définition de la comédie en comparant avec celles des autres auteurs. Dans ses définitions, il s’agira des personnages de ces deux genres. De plus, Voltaire accentuera les relations entre le genre comique et la société pour que le public unisse le comique intimement à la galanterie.

a) Les relations entre la comédie et la galanterie

En 1725, Voltaire mentionne les relations entre la tragédie et la comédie en citant des pièces de Racine : « Dans ces trois dernières [Britannicus, Phèdre et Mithridate] tout l’intérêt est renfermé dans la famille du héros de la pièce : Tout roule sur des

passions que des bourgeois ressentent comme les princes. Et l’intrigue de ces ouvrages est aussi propre à la comédie, qu’à la tragédie. » (Hérode et Mariamne, « Préface », éd. M. Freyne, OC, t. 3A [2004], p. 191-192 ; nous soulignons). Voltaire estime que

l’intrigue galante insérée dans la tragédie est capable d’être appliquée aussi à la

comédie. Il semble en apparence qu’il admette l’action amoureuse dans la pièce

tragique, mais il laisse en fait entendre qu’il n’est pas nécessaire de prendre la peine de l’insérer dans le sujet tragique. Car, cet épisode pouvant être inséré dans la comédie

ainsi que dans la tragédie, la distinction de deux genres risquerait de disparaître. Pour

montrer la justesse de son avis, il s’exprime plus en détail sur chaque contenu des

pièces du même auteur :

Mithridate n’est qu’un vieillard amoureux d’une jeune fille : Ses deux fils en sont amoureux aussi ; et il se sert d’une ruse assez basse pour découvrir celui des deux qui est aimé.

Phèdre est une belle-mère, qui enhardie par une intrigante, fait des propositions à son beau-fils, lequel est occupé ailleurs.

Néron est un jeune homme impétueux qui devient amoureux tout d’un coup : qui dans le moment veut se séparer d’avec sa femme, et se cache derrière une tapisserie pour écouter les discours de sa maîtresse. Voilà des sujets que Molière a pu traiter comme Racine.

Aussi l’intrigue de l’Avare est-elle précisément la même que celle de

Mithridate. (p. 192).

Selon Voltaire, dans Mithridate et dans l’Avare aussi, les conduites de ces personnages amoureux sont déraisonnables, mais elles sont en un sens moins tragiques que comiques1. C’est-à-dire que l’intrigue solennelle se transforme en une histoire qui prête

à rire. Voltaire raconte l’action de son propre Hérode et Mariamne sur le même ton :

« On peut appliquer tous ces exemples à Mariamne. La mauvaise humeur d’une femme,

l’amour d’un vieux mari, les tracasseries d’une belle-sœur, sont de petits objets

comiques par eux-mêmes. » (p. 193 ; nous soulignons). Tous les éléments qui ont

1

G. Flaubert commente cet avis de Voltaire : « Voltaire compare Mithridate à l’Avare de Molière et établit que la différence des styles fait seulement la différence du tragique et du comique. ¶ (Il n’y a en effet au fond ni tragique ni comique, il y a un fait, le style est une manière de le reproduire. Le génie lui- même est-il autre chose qu’une certaine façon de percevoir le monde ?) » G. Flaubert, Le Théâtre de

rapport à la galanterie sont déjà chargés de côtés comiques par eux-mêmes ! Plus tard,

quand Sémiramis est représentée en 1748, il fait cette fois la distinction entre la tragédie et la comédie : « Il faut convenir que, d’environ quatre cents tragédies qu’on a

données au théâtre, depuis qu’il est en possession de quelque gloire en France, il n’y en

a pas dix ou douze qui ne soient fondées sur une intrigue d’amour, plus propre à la comédie qu’au genre tragique. » (Sémiramis, « Dissertation sur la tragédie ancienne et

moderne », OC, t. 30A, p. 155 ; nous soulignons). Tout en se lamentant sur l’état actuel

de cette époque-là, il continuait à croire que l’action galante conviendrait mieux au genre comique1. Voltaire le répète :

Une chose à mon sens assez étrange, c’est que [...] nos grands modernes négligeant de tels sujets [Électre et Iphigénie] n’aient presque traité que l’amour, qui est souvent plus propre à la comédie qu’à la tragédie. […] la galanterie est à sa place dans la comédie et dans des contes : mais rien de tout cela n’est digne du pathétique et de la grandeur de la tragédie. (Oreste, « Épître à la duchesse du Maine »,

OC, t. 31A, p. 403-404 ; nous soulignons).

Dans cette opinion il déclare que l’action galante est appropriée au sujet de la comédie. En même temps, Voltaire déplore que l’autorité de la tragédie soit écornée sinon perdue non seulement à cause de l’insertion de la galanterie dans le tragique, mais aussi à cause de l’adoption d’actions semblables à celles qui ressortissent au registre comique2.

1J. D. de Visé montre la manière d’introduire la galanterie dans la comédie à propos du Misanthrope de

Molière : « on ne pouvait plus souhaiter que le voir Amoureux, puisque l’Amour doit bien donner de la

peine aux Personnes de son Caractère, et que l’on doit en cet état, en espérer quelque chose de plaisant,

chacun traitant ordinairement cette Passion selon son tempérament ; et c’est d’où vient que l’on attribue

tant de choses à l’Amour, qui ne doivent, souvent, être attribuées qu’à l’humeur des Hommes. » J. D. de Visé, Lettre écrite sur la comédie du Misanthrope, in Molière, Œuvres complètes, t. I, éd. G. Forestier et C. Bourqui, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, p. 639. À propos de Visé, fondateur du Mercure galant, Voltaire dit à La Harpe : « Vous prêtez de belles ailes à ce Mercure qui n’était pas même galant du temps de Visé, et qui devient, grâce à vos soins, un monument de goût, de raison et de génie. » Lettre à La Harpe, 19 avril 1772, GC, t. X (1986), p. 1005 [no 12763 (D17702)].

2

H. Lion mentionne le processus historique de la galanterie que les genres littéraires ont introduite et son influence sur la tragédie en France : « Deux genres, nés sur les confins du siècle [16e et 17e siècles],

sont à la mode, qui vivent d’amour, presqu’exclusivement d’amour : la tragi-comédie et la pastorale, qui même s’unissent parfois et n’en forment qu’un pour plaire davantage au public. […] ¶ L’Astrée vint donc à son heure. […] L’amour est partout. On ne parle, on ne saurait parler que d’amour. D’abord la

finesse de l’esprit et la vanité y trouvent leur compte. Puis parler d’amour est toujours un plaisir…

quand ce n’est pas une consolation. Des conversations, des romans, des pastorales, des tragi-comédies il

devait passe infailliblement dans la tragédie et bientôt, conséquence fatale, y dominer en maître. » (H. Lion, p. 160-161).

Au sujet du mélange de deux genres, notre auteur s’exprime ainsi : « C’est presque toujours la même pièce, le même nœud, formé par une jalousie et une rupture, et

dénoué par un mariage ; c’est une coquetterie continuelle, une simple comédie » (Sémiramis, « Dissertation sur la tragédie ancienne et moderne », OC, t. 30A, p. 155).

Il n’y a plus de différence de thème qui puisse faire la distinction entre la tragédie et la

comédie. Voltaire formule la même idée dans un autre texte aussi : « l’amour dans

beaucoup d’ouvrages […], est traité comme il doit l’être en effet dans le genre comique. La galanterie, les déclarations d’amour, la coquetterie, la naïveté, la

familiarité, tout cela ne se trouve que trop chez nos héros et nos héroïnes de Rome et de la Grèce dont nos théâtres retentissent. » (Nanine, « Préface », OC, t. 31B, p. 67).

C’est-à-dire qu’il pense qu’il ne doit pas être permis au personnage noble du tragique

de parler des sujets convenables à la comédie. Vingt ans plus tard aussi, il se lamente

sur cette similarité qui estompe la distinction entre la tragédie et la comédie : « Puisse-

t-on n’y plus traiter l’amour comme un amour de comédie dans le goût de Térence, avec déclaration, jalousie, rupture, et raccommodement ! » (Les Lois de Minos,

« Épître dédicatoire au duc de Richelieu », OC, t. 73, p. 78). Selon son opinion, c’est le caractère comique qui est exprimé par ces éléments. À l’égard des relations intimes entre la galanterie et la comédie, A. Viala s’explique en citant Aristote :

Une comédie, ou, variante si l’on prend des personnages de pseudo- bergers, une pastorale, c’est en général l’histoire d’un bon tour joué par des jeunes gens sympathiques à des antipathiques, une « galanterie » en ce sens. Comme il est question d’amour et d’art de plaire, c’est galanterie en un deuxième sens. Enfin, pour que ce bon tour ne cause « ni dommage ni affliction », selon la formule de la

Poétique d’Aristote [chap. 5, v. 1449a35], il faut que l’ensemble

respire la gaieté, qu’il soit galant en ce troisième sens1.

A. Viala affirme que ces rapports proviennent de trois essences de la comédie même : la première est la jeunesse des personnages ; la seconde le sujet amoureux et la technique d’amuser ; la dernière la gaîté. En revanche, Voltaire ne voit pas ces relations dans l’essence du comique et il pense qu’elles sont engendrées avec la formation de la société moderne qui entretient un rapport étroit avec la galanterie. Il insiste sur cette relation entre la modernité et le comique : « La bonne comédie ne pouvait être connue

en France, puisque la société et la galanterie, seules sources du bon comique, ne

1

faisaient que d’y naître. » (Vie de Molière, avec de petits sommaires de ses pièces

[désormais Vie de Molière], éd. S. S. B. Taylor, OC, t. 9 [1999], p. 411 ; nous soulignons). Selon notre auteur, le sujet de la comédie consiste dans les relations intimes entre la « société » et la « galanterie ». Il explique ainsi l’histoire de la comédie en France :

Pierre Corneille tira le théâtre de la barbarie et de l’avilissement, vers l’année 1630. Ses premières comédies, qui étaient aussi bonnes pour son siècle, qu’elles sont mauvaises pour le nôtre, furent cause qu’une troupe de comédiens s’établit à Paris. Bientôt après, la passion du cardinal de Richelieu pour les spectacles mit le goût de la comédie à la mode ; et il y avait plus de sociétés particulières qui représentaient alors, que nous n’en voyons aujourd’hui. (p. 394-395).

Bien que Voltaire n’attache pas beaucoup de prix aux pièces mêmes de Corneille, il lui

sait gré d’avoir poli la comédie de son temps et il lui reconnaît le mérite d’avoir su saisir l’occasion de le faire1

. De même, notre poète considère que grâce à Richelieu le genre comique est devenu familier à la nation française et qu’en proportion de la popularité de la comédie, des associations diverses ont été utilement fondées au dix- septième siècle. Et ce qui est important, c’est que l’occasion d’assister à la pièce comique a augmenté partout, de là le public a pu facilement se réunir et une telle consistance a activé les échanges des gens. Autrement dit, l’occasion des relations sociales, qui était le privilège de la classe aristocratique et où l’amour a germé fréquemment entre les deux sexes, s’est ouverte à la bourgeoisie aussi. Ainsi, la galanterie qui a un rapport profond à la société contemporaine, convient mieux à la comédie qui s’est développée avec la modernité. Voltaire soutient qu’il faut que le sujet originellement convenable à chaque genre soit désormais intégré dans l’un comme dans l’autre2.

1

En réalité, quand Corneille a écrit Mélite, lui-même avait raconté l’histoire de la comédie : « Je n’avais

pour guide qu’un peu de sens commun, avec les exemples de feu Hardy […] et de quelques Modernes

[Scudéry, Rotrou et Du Ryer], qui commençaient à se produire, et qui n’étaient pas plus Réguliers que

lui. […] Le succès en fut surprenant. Il établit une nouvelle troupe de Comédiens à Paris » (P. Corneille,

t. I, Mélite ou les fausses lettres, « Examen », p. 5).

2D’Aubignac recherche la raison de l’intimité de la comédie avec la galanterie dans les Grecs et les

Romains en soulignant leurs mœurs. Mais selon sa théorie, en comparaison d’eux, les rapports entre la comédie française et la société n’étaient pas intimes. Ce qui a été permis dans l’Antiquité n’était pas

permis en France sous un aspect religieux. C’est-à-dire que l’esprit du christianisme n’a pas accepté la

comédie qui était l’objet de la galanterie. Ce théoricien s’explique : « Autant en pouvons[-]nous dire des

Comédies ; car les Grecs et les Romains, parmi lesquels la débauche des jeunes gens avec les

b) La description contemporaine des mœurs

À propos du lien entre la comédie et les mœurs, Corneille avait apporté un élément dans sa définition du terme : « La Comédie n’est qu’un portrait de nos actions, et de nos discours, et la perfection des portraits consiste en la ressemblance. » (P. Corneille, t. I, La Veuve ou le Traître trahi, « Au lecteur », p. 202). Comme les « nos »

l’indiquent, il considère le comique comme le genre qui reflète le mieux les

comportements et les propos des contemporains. Boileau, lui, indique avec précision la façon de peindre des personnages dans la comédie :

Que la Nature donc soit votre étude unique, Auteurs, qui prétendez aux honneurs du Comique. Quiconque voit bien l’Homme, et d’un esprit profond, De tant de cœurs cachés a pénétré le fond :

Qui sait bien ce que c’est qu’un Prodigue, un Avare, Un Honnête homme, un Fat, un Jaloux, un Bizarre, Sur une scène heureuse il peut les étaler,

Et les faire à nos yeux vivre, agir, et parler. Présentez-en par tout [sic] les images naïves : Que chacun y soit peint des couleurs les plus vives1

.

La comédie consiste à représenter les défauts des gens de manière amusante ; mais comme les personnes du passé n’existent plus, les auteurs ne peuvent plus les connaître directement. Ainsi, les contemporains deviennent l’objet des auteurs comiques. Et ceux-ci doivent examiner en détail le comportement des gens pour les peindre avec animation. Dans l’opinion de Despréaux nous retrouvons l’importance accordée aux rapports entre la modernité et la comédie. De même, Voltaire considère le comique comme le genre intimement attaché aux mœurs. Quand en 1725 il a représenté L’Indiscret, sa première comédie, il critique deux auteurs de la comédie qui ont avili ce lien en produisant des pièces médiocres : « Dancourt et Le Grand ont accoutumé le

parterre au bas comique et aux grossièretés, et insensiblement le public s’est formé le

préjugé que des petites pièces en un acte doivent être des farces pleines d’ordures et

intrigues et les discours des femmes publiques […] : Au lieu que parmi nous toutes ces choses sont mal

reçues, ou du moins paraissent froides et sans agrément, à cause que l’honnêteté de la vie Chrétienne ne

permet pas aux personnes de condition honorable, d’approuver les exemples du vice, ni de s’y plaire ; et

les règles dont nous gouvernons nos familles, ne connaissent plus les finesses des serviteurs, ni la

nécessité de nous en défendre. ¶ C’est pour cela même que nous voyons dans la Cour de France les

Tragédies mieux reçues que les Comédies ». (D’Aubignac, La Pratique du théâtre, liv. IIe, chap. I, p. 121).

1

Boileau, L’Art poétique, in Œuvres complètes, éd. F. Escal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1966, ch. III, v. 359-368.

non pas des comédies nobles où les mœurs soient respectées1. » Leurs pièces ont installé une conception fausse de la comédie dans le public. Même si le but de la comédie avait mission de peindre la plaisanterie, ce genre doit refléter noblement les

mœurs. Voltaire met l’accent sur ces rapports importants en rendant compte des

circonstances du Paris de cette époque-là :

Des sons fiers et hardis du théâtre tragique, Paris court avec joie aux grâces du comique.

C’est là qu’il veut qu’on change et d’esprit et de ton : Il se plaît au naïf ; il s’égaie au bouffon ;

Mais il aime surtout qu’une main libre et sûre Trace des mœurs du temps la riante peinture.

(Ériphyle, « Discours prononcé avant la représentation », éd. R. Niklaus, OC, t. 5, v. 29-34). Bien que la prévalence de la comédie dans le suffrage du public soit regrettable aux yeux de Voltaire qui donne une importance plus grande au tragique qu’au comique,

c’était le cours du temps. Toutefois, notre poète loue ceux qui ont uni leurs comédies aux mœurs : « Je compte parmi vous [les académiciens] ceux qui ont après le grand Molière achevé de rendre la comédie une école de mœurs et de bienséance : école qui méritait chez les Français la considération qu’un théâtre moins épuré eut dans

Athènes. » (Discours de réception à l’Académie, OC, t. 30A, p. 31). Voltaire a égard au mérite des auteurs comiques, mais il admirait toujours celui de Molière comme le plus grand fondateur de la comédie.

En outre, notre auteur souligne l’importance de la versification pour décrire les mœurs dans ce genre. Pour lui, la façon moliéresque d’exprimer le sentiment des

personnages était un modèle admirable. Voltaire compare ce grand auteur comique avec La Chaussée en citant les vers de celui-ci (Le Préjugé à la mode, III, 5, v. 948-

950 [Clitandre]) :

Si la même maîtresse est l’objet de nos vœux, L’embarras de choisir la rendra plus perplexe. Ma foi, marquis, il faut prendre pitié du sexe.

Ce n’est pas ainsi que Molière fait parler ses personnages. Dès lors le comique fut banni de la comédie. On y substitua le pathétique ; on disait que c’était par bon goût, mais c’était par stérilité.

1

Lettre à la marquise de Bernières, 20 août 1725, GC, t. I, p. 179-180 [no 175 (D246)]. Moland aussi traite cette citation dans son « Avertissement » (L. Moland, « Avertissement pour la présente édition » de L’Indiscret, M, t. 2, p. 243).

Ce n’est pas que deux ou trois scènes pathétiques ne puissent faire un très bon effet. Il y en a des exemples dans Térence ; il y en a dans Molière ; mais il faut après cela revenir à la peinture naïve et plaisante des mœurs. (Questions sur l’Encyclopédie, art. « Art dramatique »,

OC, t. 39, p. 85).

Certes Molière aussi a fait de temps en temps prononcer à ses protagonistes les paroles tragiques qui diminuent la gaieté de la comédie, mais contrairement à La Chaussée, ce grand auteur du dix-septième siècle décrivait fidèlement la coutume de l’époque aussi, conformément aux convenances de ce genre1. De même, bien que Voltaire dise encore que la valeur de la comédie française consiste dans le raffinement, au sujet de la

description des mœurs il compare La Prude, sa comédie, avec The Plain dealer de

Wicherley anglais qui était le modèle de la pièce voltairienne. Sur ce point, Beuchot rapporte la parole de Voltaire qui se trouvait dans l’« Avertissement » de La Prude de

l’édition de 1752 : « Cette comédie est un peu imitée d’une pièce anglaise intitulée

Plain dealer. Elle ne paraît pas faite pour le théâtre de France. Les mœurs en sont trop

hardies, quoiqu’elles le soient bien moins que dans l’original : il semble que les Anglais prennent trop de liberté, et que les Français n’en prennent pas assez. » (La

Prude, « Avertissement de 1752 », M, t. 4, p. 390). Si fidèlement que la comédie

représente les mœurs, elle a besoin de la modération. C’est le raffinement sur lequel

Voltaire insiste. Il indique les moyens d’y remédier dans le même texte : Nos bienséances, qui sont quelquefois un peu fades, ne m’ont pas permis d’imiter cette pièce dans toutes ses parties ; il a fallu en retrancher des rôles tout entiers.

Je n’ai donc donné ici qu’une très légère idée de la hardiesse