• Aucun résultat trouvé

En abordant ce thème, j’ai essayé de faire ressortir la manière dont les jeunes patrouilleurs de rue définissaient la notion de gang de rue.

« C’est des jeunes de différents âges qui se regroupent pour défendre un territoire et

ramasser de l’argent de toutes les manières possibles et imaginables en vendant de la drogue et en terrifiant les gens. »

Cette perception est renforcée par une remarque du même répondant qui précise :

« Grosse association hiérarchique qui fait de la business, mais pas nécessairement basée sur la drogue.(...) peut se baser sur plusieurs choses, comme une mafia. »

29
 Tout en admettant l’existence des gangs de rue criminels, certains des répondants optent pour une perspective de vivre ensemble.

« Non, moi je trouve qu’il n’y a pas de gang de rue, c’est, disons en fin de compte, si on disait gang de rue ce serait la gang de St-Michel, parce que tout le monde de St Michel se met ensemble ».

Cependant, un peu plus loin il reprend une autre approche du gang de rue :

« Je définirais comme un nombre d’amis, de gars ensemble qui n’ont pas de famille, qui n’ont pas une bonne vie et qui se tiennent chaque soir à une place, avec les amis que supposément ils aiment beaucoup et se font confiance, à se faire de l’argent, à être plus bien, parce qu’ils n’ont pas eu une bonne enfance. » « … C’est un mouvement de rue. »

Certains réfutent l’assimilation de la notion « gang », à une organisation criminelle

.

« Un gang de rue n’est pas organisé, ce n’est pas un crime organisé. Un gang de rue est simplement quelques jeunes, quelques personnes qui se tiennent dans un coin de rue qui parlent de tout, de rien, qui boivent de la bière qui fument peut être du pote parce qu’ils sont jeunes. Un crime organisé tu ne le verra jamais. Mettons, un crime organisé qui tu t’en vas dans un bar, y a un gars qui est assis à côté de toi et sont deux, y boivent tranquille y font pas de problème y font la paix ça c’est du monde dangereux. Du monde qui se traine dans les rues là qui se promène dans un char qui fait du bruit, la grosse musique tout le kit ça c’est pas des méchants ».

Ces quelques exemples montrent assez clairement la difficulté qu’éprouvent les jeunes à donner une définition à la notion de gang de rue. Cette difficulté renvoie à deux éléments. D’une part, une représentation de la notion de gangs de rue qui est une construction socialement produite par le groupe. D’autre part, un certain amalgame entre socialisation, groupe d’amis, comportement non conformiste et association criminelle.

30
 Au cours du focus groupe l’un des participants insista sur le fait que les définitions proposées par les institutions publiques et les chercheurs focalisent sur les jeunes et l’appartenance ethnique. Ils ont remarqué dans ces définitions l’association des deux termes, jeune et origine ethnique, une tendance à stigmatiser les jeunes noirs. Ils sont aussi conscients qu’il n’y a pas vraiment un consensus entre les chercheurs et/ou les institutions publiques et parapubliques.

La recherche

Le troisième thème proposait six questions aux patrouilleurs de rue. Ces questions tentaient de susciter chez eux une réflexivité sur la recherche scientifique, spécifiquement la recherche concernant les gangs de rue. L’objectif était également de voir comment ajuster notre outil de transfert des connaissances : le guide intitulé: "La

recherche sur les gangs de rue", c’est quoi?

J’ai commencé par une question simple : " Est-ce que vous pouvez me dire ce que la recherche scientifique représente pour vous?"

Cette rencontre entre la recherche et le citoyen commence à l’école.

« J’ai fait de la recherche à l’école ».

Pour la plupart des répondants, la recherche vise à renseigner sur un phénomène que le commun des mortels ignore.

31
 Autrement dit,

« La recherche scientifique…représente des gens qui veulent savoir dans le but d’évoluer, de connaitre vraiment comment ça marche pour pouvoir faire en sorte que les choses arrivent vers un point le plus intéressant, vers un point évolué quoi »

L’idée de progrès, d’avancement, est une notion que les jeunes assimilent à une quête de connaissances qui produit un résultat proche de la vérité.

« La recherche scientifique c’est des recherches qui nous permettent de savoir des choses que peut-être que l’on pourrait pas vraiment prouver oralement ou, c’est vraiment ça la recherche scientifique. C’est la recherche de nouvelles affaires qui se passent dans le monde, les raisons pourquoi que telle personne dit telle chose. C’est une façon de savoir. De savoir au point concret ».

« Une recherche scientifique moi comme un mot ça veut dire comme quelqu’un qui cherche à savoir plus, savoir la vérité, pour faire des tests qui passe par différentes choses pour arriver à quelques choses ».

Toutefois, la recherche sur les gangs de rue est perçue de manière plus critique. Comment d’après vous les recherches sur les gangs de rue peuvent-elles nuire aux jeunes?6

« Les recherches sur les gangs de rue, comme n’importe quelle recherche c’est utile. Mais, comme n’importe quelle recherche quand ça ne va pas dans le bon sens ça devient plus utile. Il faut se diriger vers un bon sens, il faut savoir qu’est-ce que l’on fait vraiment, savoir qu’est-ce que l’on veut savoir pis pas nécessairement vouloir comme marcher pour dire comme une compagnie qui veut tel résultat ou qui veut telle affaire ou qui veut montrer que c’est comme ça. Il ne faut pas vraiment vouloir montrer quelques










6 Il est évident que la manière dont cette question a été formulée offrait en quelque sorte une piste de réponse aux interviewés.

32
 choses. C’est comme un chercheur qui va avoir une idée fixe dans la tête qui va vouloir prouver ça. Mais regarde quand il fait sa recherche il peut se rendre compte que ce n’est pas nécessairement ça pis que son résultat n’est pas le même qu’il a dans la tête là dès le début là. L’affaire c’est qu’on dirait qu’il pense un peu comme dès qu’ils ont un résultat dans la tête au début, mais ça conclut vers le résultat même si ce n’est pas nécessairement ça ».

C’est un appel à une recherche inductive, contre la démarche déductive. De plus, pour certains, la recherche pousse même à la stigmatisation des jeunes.

« Chaque fois qu’il y a quelque chose qui se passe, ils font toujours référence à connections gang de rue. Pis, nécessairement la personne qui est dans un accident n’est pas peut-être dans une gang de rue, pis là ça stigmatise les jeunes. Ça fait des préjugés par rapport à qu’est-ce que le monde des jeunes »