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Chapitre II : Travaux antérieurs sur la quantification des transferts

3. Géométrie et moyens de description de la surface d’une fracture

De nombreuses études se sont intéressées à la description et à la quantification de la géométrie des fractures naturelles. Dans la littérature consacrée aux écoulements dans les fractures, la problématique de la description des fractures est souvent traitée de façon déterministe, dans un but de quantification du flux. En effet, comme le rappellent Hakami et Larsson (1996), trois facteurs sont nécessaires pour la prédiction du flux : (1) les propriétés du fluide (2) la pression du fluide aux limites du système et (3) la géométrie de la fracture.

La connaissance de la géométrie précise d’une fracture n’est pas chose aisée, du fait que la fracture en elle-même n’existe que par les deux surfaces qui la délimitent. Par conséquent, l’ouverture peut difficilement être mesurée directement étant donné que la fracture doit être la plupart du temps « ouverte » pour analyser la géométrie de ses parois

Chapitre III – Modélisation des écoulements dans les interfaces non-uniformes

(Berkowitz, 2002). Il s’agit d’une structure tridimensionnelle complexe qui doit être décrite quantitativement pour pouvoir y calculer un écoulement. De nombreux travaux sont disponibles dans la bibliographie à propos de la quantification de la géométrie des parois qui délimitent une fracture. Les différentes techniques qui existent sont synthétisées dans le paragraphe suivant.

3.1 Synthèse des techniques de mesure de la topographie des surfaces 3.1.1 Les méthodes de mesure avec contact

Les mesures se font suivant des profils rectilignes par enregistrement, à intervalles réguliers, de la hauteur des discontinuités de la surface à mesurer. Les résultats sont donc des profils bidimensionnels (x,z) et la surface tridimensionnelle peut être partiellement reconstituée à partir de plusieurs profils parallèles, en interpolant les hauteurs entre chaque profil. Le principe de la mesure est le déplacement d’un stylet (aussi appelé palpeur) dans une direction rectiligne, le profil, et dont les déplacements verticaux engendrés par les variations de la topographie de la surface sont enregistrés à chaque point de mesure d’abscisse x. La distance entre deux points de mesure successifs définit le pas d’échantillonnage et dépend de l’appareil de mesure.

Ce type de mesure peut être réalisé par deux types d’instruments :

• les profilographes mécaniques, qui ne possèdent une bonne résolution que suivant la direction verticale (Isakov et al., 2001) et qui sont des appareils lents. Certains de ces modèles peuvent fonctionner sur le terrain (Kecili-Laouafa, 1998);

• les rugosimètres 2D/3D, dans lesquels la surface à analyser est montée sur une table à déplacements. La résolution de cette technique est généralement de l’ordre de 0,01 mm en mesure horizontale et verticale et de 0,03 mm en précision horizontale et verticale. Le temps d’acquisition des données morphologiques est relativement long (20 minutes pour numériser un profil de 10 cm de long avec un pas de 0,5 mm).

3.1.2 Les méthodes de mesures sans contact

Les méthodes de mesure sans contact sont basées sur le principe de l’acquisition optique de la topographie d’une surface. Elles présentent l’avantage de ne pas endommager cette dernière et surtout de réaliser les mesures automatiquement sur l’ensemble de la surface à numériser avec une vitesse bien supérieure aux mesures mécaniques. Les principales mesures optiques sont :

• la profilométrie ou rugosimétrie Laser, dont la précision lors des premiers essais (Brillet et Marsac, 1985 ; Bertuzzi et al., 1990) était insuffisante mais qui est maintenant au point (Huang et Bradford, 1990 ; Frede et Gäth, 1995 ; Weisbrod et Nativ, 1998).

• la profilométrie par ombrage, basé sur le principe que l’intersection à 90° d’un plan et d’une surface rugueuse 3D produit une ligne irrégulière qui est un profil 2D de la rugosité (Maerz et al., 1990 ; Boffa et al., 1999, 2000). La précision de la technique est estimée à ± 5 % de la dimension des aspérités.

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• la photogrammétrie, qui consiste à prendre des images de l’objet d’étude depuis deux points d’observation légèrement décalés dans l’espace Les deux clichés, appelés couple stéréoscopique, possèdent une zone de recouvrement sur laquelle il est possible de réaliser des mesures tridimensionnelles grâce au phénomène de vision stéréoscopique. Cette technique a été jugée valide pour mesurer la topographie de surfaces de sols inférieures au mètre carré par Merel et Farres (1998) et a été utilisée par Touze-Foltz (2001) pour étudier la géométrie des plis d’une géomembrane posée sur planche d’essais, d’une surface de 56 m2.

• la topométrie 3D par triangulation optique et projection de frange, qui consiste à projetter un faisceau de lumière sur la surface du sol. La lumière laser réfléchie, déformée par la topographie, est convertie numériquement en données de relief (Huang et Bradford, 1992 ; Weisbrod et Nativ, 1998 ; Wilson et al., 2001). La numérisation d’une surface de 1 m × 1 m, avec un pas de mesure de 0,5 mm et une largeur entre les profils de 5 mm se fait en 1h30. Cette technique est cependant peu répandue et très coûteuse.

• la stéréo-photométrie, dont le principe est de prendre plusieurs images d’une partie ou de l’ensemble de la surface à mesurer depuis une même position mais sous des éclairages incidents différents (Cho et Minamitani, 1993 ; Hansson et Johansson, 2000 ; Ukida et Konishi, 2001 ; Okatani et Deguchi, 2001). Les sources d’erreur des données recueillies sont dues aux ombres qui se chevauchent et à l’éclairage inégal de la surface.

Pour conclure, les méthodes de mesure de la topographie des surfaces sans contact semblent donc plus performantes que les méthodes avec contact, car elles sont plus précises, plus rapides et non-destructives pour les surfaces analysées. Nous avons retenu parmi celles-ci la technique de rugosimétrie laser car elle répond à nos exigences en termes de précision de mesure et de temps d’acquisition.

3.2 Structure de l’espace de la fracture

La géométrie du vide de la fracture est une structure tridimensionnelle complexe (Aydin, 2001), qui doit pouvoir être décrite avec précision pour quantifier le flux. Les données recueillies par l’une des méthodes de mesure citées peuvent être exploitées de diverses façons. De nombreux travaux ont étudiés les données d’ouverture (Brown et Scholtz, 1985 ; Pyrak-Nolte et al., 1988) ou les zones de contact des fractures (Mourzenko et al., 1996 ; Oron et Berkowitz, 1998) d’un point de vue statistique. Ces travaux se sont basés sur des géométries qui ont été identifiées à partir de répliques transparentes de fractures (Persoff et Pruess, 1995), sur des images obtenues par tomographie rayons X (Johns et al., 1993), de moulages de métal (Pyrak-Nolte et al., 1992), sur des cartes de distribution des ouvertures générées en utilisant des fractales (Thompson et Brown, 1991, Thompson, 1991) ou des statistiques (Tsang et Tsang, 1989), enfin sur des descriptions de surfaces (Gentier, 1986).

Cependant, nous avons choisi d’adopter dans le cadre de l’étude des transferts dans les interfaces d’étanchéité composite une approche déterministe : nous allons travailler sur des données d’ouvertures mesurées point par point dans le plan de l’interface et non pas en considérant une certaine distribution statistique des valeurs d’ouverture. Nous tenterons ensuite de simuler l’écoulement de façon numérique dans les géométries spécifiquement obtenues.

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Par conséquent, bon nombre de travaux sur les écoulements dans des fractures ne seront pas utiles pour notre approche, car beaucoup se basent sur une loi de distribution gaussienne ou log-normale pour les ouvertures, voir sur des propriétés géométriques fractales, mises en évidence à partir de mesures et d’analyses de profils de surfaces de fractures naturelles (Thompson et Brown, 1991, Bonnet et al., 2001).

Les parois d’une fracture naturelle possèdent des propriétés particulières, qui sont caractérisées d’une part par l’existence d’une longueur de corrélation mise en évidence expérimentalement par Brown et Scholz (1985), Gentier (1986) et Brown (1987), d’autre part par une distribution de fréquences d’ouverture particulière, suivant une loi log-normale (Evans et Huang, 1983 ; Gentier, 1986 ; Gale, 1987 ; Hakami, 1988 ; Hakami, 1995). Enfin, certains auteurs (Moreno et al., 1988) envisagent la possibilité d’une nature fractale des ouvertures de la fracture car la longueur de corrélation spatiale augmente en même temps que l’échelle d’observation est élargie.

L’examen du profil ou de la surface d’une fracture naturelle met en évidence d’autres propriétés particulières : lorsque l’on observe les variations de hauteur, la taille des reliefs de la paroi augmente avec la longueur de la fracture observée, selon une loi de puissance (Maloy et al., 1992 ; Auradou, 1999 ; Drazer et Koplik, 2002). Par conséquent, la surface des parois des fractures naturelles possède donc des propriétés auto-affines.

L’interface d’un système d’étanchéité composite possède t’elle ces propriétés géométriques particulières ?

Une interface de dispositif d’étanchéité est composée d’une surface en partie naturelle (donc ne comprenant pas d’organisation spatiale) et en partie marquée par des traces d’engins de chantier (traces de pneu, de chenille, fortement structurées). L’étude statistique de Marc (2001) sur ce type de surface a montré qu’il s’agissait d’une surface ni réellement organisée ni aléatoire. Elle ne possède pas les particularités qui ont été constatées sur les fractures naturelles.

Concernant l’auto-affinité, considérons indépendamment les deux surfaces délimitant l’interface. La géomembrane est un produit quasi-lisse, la hauteur du relief maximal ayant été mesurée sur une géomembrane PEHD par Dove (1996) ne dépassant pas 1,6 µm. Les études de la dimension fractale de profils de géomembranes PEHD lisses menées par Vallejo et Zhou (1995) indiquent une dimension fractale D de 1,001 aussi bien dans la direction de production des lés que dans la direction perpendiculaire. On ne peut donc pas parler de rugosité de la géomembrane. Les variations de topographies sont à une échelle beaucoup plus grande (décimétrique à plurimétrique) et liées au plissement du matériau. Etant donné que ces plissements n’existent pas à plus petite échelle d’observation, la géomembrane ne constitue pas une surface possédant des propriétés d’auto affinité.

Voyons maintenant la surface de l’argile compactée: les engins laissent à la surface du sol des traces régulières correspondant aux motifs géométriques des pneus (en partie périodiques). Ces empreintes géométriques ont une morphologie qui ne correspond absolument pas à la topographie de la rugosité du sol à plus petite échelle. Si les aspérités de la surface du sol n’ont pas une forme constante suivant l’échelle d’observation et que les processus d’écoulement possèdent une échelle caractéristique, la surface du sol compacté n’est assurément pas une surface possédant des propriétés auto-affines.

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L’interface résultant du rapprochement et de la mise en contact locale de ces deux surfaces non auto-affines est donc une géométrie qui n’est pas auto-affine non plus, à la différence des fractures. Ce fait est important car bon nombre d’études récentes sur les écoulements dans les fractures se basent sur leur auto-affinité et nous pouvons donc mettre en doute la validité de tels modèles appliqués aux géométries des interfaces d’étanchéité composite.

Etant donné que la majorité des travaux bibliographiques se basent sur l’une ou l’autre des propriétés particulières des ouvertures des fractures, nous devons être vigilants sur la possibilité d’adapter les modèles développés au cas de l’interface, qui ne présente pas ces caractéristiques.

3.3 Démarche adoptée

Dans le cas de l’écoulement dans une étanchéité composite, les réactions chimiques entre le fluide et la géomembrane et le sol compacté sont négligées. Le transport par diffusion, étudié par exemple dans Neretnieks (1983), est négligé également dans notre démarche, car la barrière minérale d’un mètre d’épaisseur est peu sensible à ce phénomène. D’autre part, nous nous intéressons à l’écoulement du fluide, c’est à dire au transport advectif et non au transfert des éléments contaminant du lixiviat, donc seul le phénomène d’écoulement concerne ce travail de thèse.

L’écoulement dans l’interface peut être assimilé à un écoulement dans une fracture en milieu poreux, l’interface représentant la fracture et la barrière d’argile compactée représentant le milieu poreux.

Les modèles permettant de calculer les transferts couplés dans une fracture et dans le milieu poreux bordant ses parois sont complexes. C’est pourquoi nous avons procédé dans la présentation des modèles à une simplification qui consiste à découpler l’écoulement dans la fracture du transport dans le milieu poreux.

Les modèles traitant du flux dans une fracture seule sont donc présentés tout au long du paragraphe 4. Le modèle le plus simple pour appréhender ces questions d’écoulement étant de considérer la fracture comme deux plans parallèles, la loi cubique est la première approche mentionnée. Le degré de complexité supplémentaire, basé sur l’équation de Reynolds et l’hypothèse de lubrification hydrodynamique, est présenté par la suite.

La cinquième partie présente les limites de validité de ces modèles simples et le sixième paragraphe présente des outils de modélisation plus complexes, toujours pour une fracture seule.

La partie 7 présente d’autres modèles qui permettent de coupler les écoulements dans une fracture avec le transport vers le milieu poreux contigu. Parmi ceux-ci, celui retenu pour modéliser l’écoulement complexe dans un dispositif d’étanchéité composite est détaillé dans le paragraphe 8, ainsi que la démarche suivie pour le choix des paramètres adoptés.

D’une façon générale, ce chapitre souligne le fait qu’il n’existe pas pour l’instant de modèle global adopté par l’ensemble de la communauté des personnes qui travaillent sur la

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problématique des flux dans les fractures ou les milieux poreux fracturés. Une multitude d’approches existe, chacune déclare parvenir à quantifier les écoulements et souligne ses avantages, son degré de précision mais aussi ses conditions d’utilisation. Il est déjà difficile d’évaluer la validité de ces modèles dans l’absolu, la tâche se complique encore lorsque nous essayons d’estimer la possibilité d’utiliser ces outils pour l’application particulière qui est la nôtre.

4. Approches simples de la modélisation de l’écoulement dans les fractures